"Je ne reviendrai pas en arrière", affirme le maire de Saint-Brévin avant sa rencontre avec Elisabeth Borne

May 17, 2023
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Après l'incendie de son domicile le 22 mars, Yannick Morez avait démissionné et pointé du doigt le «manque de soutien de l'État». Le préfet n'avait pas accepté sa démission et attendait qu'il soit reçu à Matignon.

«Je ne reviendrai pas en arrière», a précisé aujourd'hui le maire de Saint-Brévin, auditionné par les sénateurs. Sa démission, annoncée le 10 mai, n'a pas encore été validée par le préfet de Loire-Atlantique, selon plusieurs sources concordantes. «Le préfet n'a pas accepté la démission à ce stade, et il ne le fera pas avant le rendez-vous avec la première ministre», a-t-on appris d'une source gouvernementale. Une information également confirmée par la préfecture de Loire-Atlantique. Yannick Morez est reçu ce mercredi 17 mai à 18h30 par Elisabeth Borne à Matignon.

«J'ai pris cette décision pour des raisons personnelles, notamment suite à l'incendie criminel perpétré à mon domicile et au manque de soutien de l'État et après une longue réflexion menée avec ma famille», avait expliqué Yannick Morez, dont le domicile avait été visé, le 22 mars, par un début d'incendie, objet d'une enquête criminelle. Saint-Brévin (Loire-Atlantique) est, depuis plusieurs mois, le centre de tensions consécutives à un projet de déménagement sur la commune d'un centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) soutenu par le maire démissionnaire, dans le cadre de la politique de répartition des migrants en province menée par l'État. Tous les mois, plus de 2000 personnes sont transférées de l'Île-de-France vers les régions, où les structures d'accueil se multiplient.

Avant de rencontrer la première ministre, il est auditionné ce mercredi au Sénat, où il est revenu dans le détail sur le déroulé des faits qui l'ont conduit à démissionner. Il a de nouveau insisté sur le «manque de soutien de l'État». Le maire démissionnaire de Saint-Brévin a raconté avoir été informé oralement par les services de l'État que sa commune allait accueillir un centre d'accueil pour les demandeurs d'asile (CADA) à côté d'une école. «Le premier problème, c'est que l'État et ses représentants ne souhaitaient pas (...) informer les habitants et ont laissé la municipalité s'en charger, a-t-il souligné, alors qu'il s'agissait d'un projet de l'État.» Yannick Morez a alors informé les citoyens de sa commune du projet de l'État, soutenu par l'ensemble du conseil municipal. Début 2023, les «articles sur réseaux, les menaces, les intimidations» ont commencé, «notamment des articles sur le site Riposte laïque», a poursuivi le maire, qui explique avoir également reçu des «tracts de menaces ignobles» déposés dans sa boîte aux lettres.

«Manque de soutien»

Face à ces menaces récurrentes, l'édile affirme avoir alerté à plusieurs reprises «la gendarmerie», «la procureure», «le sous-préfet» ou «le préfet», pour demander une protection, ou des actions de soutien. Mais selon le maire démissionnaire, la plupart des demandes ont été laissées sans réponse, tandis que la gendarmerie lui aurait répondu à plusieurs qu'il «ne servirait à rien de déposer plainte» et que c'était «la liberté d'expression». Après le 22 mars, date à laquelle les voitures du maire ont été incendiées, brûlant également une partie de son domicile, le maire raconte avoir reçu des messages, par téléphone ou par courrier, de chacune de ses personnes et de la part d'Olivier Véran et d'Emmanuel Macron lui-même, lui manifestant «leur soutien», mais sans «aucune réponse de fonds» sur les problèmes dont il avait fait état. Par la suite, Yannick Morez raconte avoir demandé au préfet une protection rapprochée, alors que des activistes d'extrême droite et d'extrême gauche étaient attendus dans sa commune pour une manifestation qui risquait de dégénérer avec des violences. Sans réponse de la part des services de l'État, Yannick Morez explique avoir relancé la préfecture, jusqu'à ce que le préfet lui annonce, la veille de la manifestation, que «l'évaluation des risques» sur sa personne était «toujours en cours».

«Je ne reviendrai pas en arrière, a répondu Yannick Morez interrogé sur ce point par les sénateurs, mes enfants me disent de tout arrêter, ma femme ne veut pas rester sur Saint-Brévin.» Elisabeth Borne espérait-elle convaincre Yannick Morez de revenir sur sa décision ? Tel n'est pas nécessairement le but de l'entretien, selon notre source gouvernementale, qui précise : «La première ministre va échanger avec lui mais l'objet de l'entretien n'est pas de le convaincre de changer d'avis. Il est libre de faire ce qu'il souhaite.» C'est la «volonté du préfet à partir du moment où le maire est reçu par la première ministre d'attendre ce rendez-vous pour instruire définitivement la demande, dans une logique d'écoute.» Ce que confirme également la Préfecture de Loire-Atlantique : «Matignon n'a pas demandé de retenir la réponse» du préfet, «ni n'a donné d'instruction sur les suites à donner à la démission du maire», précise la préfecture de Loire-Atlantique.

«Sans doute que la République ne met pas encore assez de moyens» pour protéger les élus, a déclaré Gérald Darmanin ce matin au micro de Franceinter. Le ministre de l'Intérieur a listé les initiatives prises par le gouvernement et localement, par la gendarmerie pour venir en aide maire de Saint-Brévin, mais a admis qu'il aurait peut-être fallu faire davantage : «Peut-être qu'on n'en a pas fait assez, peut-être qu'on n'est pas assez au rendez-vous de la protection des élus et notamment des élus ruraux.»

Source: Le Figaro