Festival de Cannes 2023 : avec "Strange Way of Life", Pedro Almodovar présente le "premier western queer"

May 18, 2023
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Le cinéaste espagnol était attendu sur la Croisette pour la présentation de son court-métrage, mettant en scène la relation amoureuse entre deux cowboys. En l'absence de Pedro Pascal, l'un des deux acteurs principaux, Pedro Almodovar a échangé avec le public de Cannes venu en nombre pour découvrir ce western moderne.

C'était l'un de événements de ces premiers jours du Festival de Cannes 2023, en témoigne l'immense foule qui patientait sur la Croisette pour obtenir en billet en dernière minute. Le cinéaste Pedro Almodovar a présenté mercredi 17 mai, à l'occasion d'une séance unique, son nouveau projet : un court-métrage de 31 minutes qualifié de "western queer" intitulé Strange Way of Life. C'est l'histoire de Silva, un cowboy solitaire à la veste vert pomme incarné par Pedro Pascal, qui traverse le désert pour retrouver Jake (Ethan Hawke), qu’il a connu 25 ans auparavant. Ensemble, ils vont raviver une idylle de jeunesse.

Animée par une esthétique purement western avec une attention particulière accordée aux détails, l'œuvre de Pedro Almodovar s’inscrit à rebours des injonctions de ce genre, qui a été popularisé aux Etats-Unis. D'abord par le style détonnant des cowboys, tous habillés en Yves Saint Laurent (c'est d'ailleurs la maison de luxe qui a financé le projet). Dans ce western romantique, peu de coups de feu mais deux hommes, amenés à être réunis dans le même ranch. Comme une réponse indirecte au film Le Secret de Brokeback Mountain (2005), Almodovar isole l’histoire fiévreuse des personnages - ceux de Pedro Pascal et Ethan Hawke - et joue avec les codes du western pour aborder frontalement le désir.

En l'absence de la star montante du moment Pedro Pascal, Pedro Almodovar et l'acteur Ethan Hawke ont échangé avec le public dans une masterclass d’une trentaine de minutes. Le réalisateur de Tout sur ma mère et Parle avec elle est revenu sur ses choix et ses inspirations stylistiques face à un public conquis.

Le réalisateur espagnol Pedro Almodovar, 73 ans, s'est expliqué sur ses choix devant le public cannois : "Plus le temps passe, moins j’ai envie de montrer le sexe explicitement." (Diego Caparros)

Quelle a été votre inspiration pour créer ce court-métrage ?

Pedro Almodovar : La dernière phrase de Pedro Pascal dans le film est une réponse à la question posée dans Le Secret de Brokeback Mountain : que peuvent faire deux hommes ensemble dans un ranch ? Il lui répond : "se protéger, veiller l’un sur l’autre". Des choses finalement très humaines. Pour le reste, mon film est complètement indépendant de Brokeback Mountain. Il est aussi tout à fait différent des westerns européens, comme ceux de Sergio Leone qui ont bouleversé le genre. J'ai voulu faire un western dans un style “classique” mais où je parle du désir vécu entre deux cowboys. On ne parle jamais du désir entre deux hommes dans des westerns classiques.

Peut-on parler du premier "western queer" ?

Oui tout à fait. Le style western a été un peu laissé à l'abandon ces dernières années. Et le sujet de l’homosexualité n’y a pas été beaucoup abordé. Il y a celui de Jane Campion, The Power of the dog, ou la sexualité des personnages est ambigue, mais dans le film, il n'y a pas de relation sexuelle entre les personnages. C’est vrai que le western est un genre très américain, c'est quand même assez étonnant qu’en 2023, il n'y ait jamais eu de film qui parle de ces sujets alors que c’est une excellente thématique dramatique.

Comment avez-vous choisi de présenter la relation intime entre les deux personnages ?

J'ai isolé les personnages dans une situation bien particulière, on dirait qu’ils se retrouvent pour s’aimer alors que chacun a des intentions cachées. Il y a une scène qui distingue cette œuvre des autres westerns : je ne crois pas avoir déjà vu dans ce genre cinématographique deux hommes en train de faire le lit. Pour Jake (Ethan Hawke), faire le lit, c’est effacer ce qu’il s’est passé pendant la nuit, alors que pour Silva (Pedro Pascal), c’est l’inverse, il reparle de ce qu'ils ont fait. J’ai décidé de ne pas filmer leurs corps nus : c'est ce qu'ils se disent qui permet de raconter leur sexualité. Plus le temps passe, moins j’ai envie de montrer le sexe explicitement. Dans ce film, ce sont les gestes, les regards qui parlent.

Source: franceinfo