En Birmanie, le cyclone Mocha touche un pays en pleine crise humanitaire et politique

May 18, 2023
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FactuelLe cyclone Mocha a dévasté la région de Sittwe, dans l’Etat de Rakhine, notamment les camps d’internement des Rohingya, où les organisations humanitaires sont entravées dans leur action. Des centaines de morts sont redoutées.

Les dégâts provoqués par le passage du cyclone Mocha, dimanche 14 mai, au-dessus de l’Etat birman de Rakhine, s’annoncent bien plus lourds que les informations données par la junte militaire à Naypyidaw ne le laissaient penser. Le bilan officiel est à ce jour d’au moins 81 victimes, mais des centaines de morts et de disparus sont redoutées par les ONG et les médias birmans indépendants. Le pays est plongé dans une guerre civile partielle depuis que l’armée a renversé en février 2021 le gouvernement élu d’Aung San Suu Kyi, qui a été jetée en prison.

Dans le camp de réfugiés de Basara à Sittwe (Birmanie), le 16 mai 2023, après le passage du cyclone Mocha. SAI AUNG MAIN / AFP

Mocha a fait souffler des vents allant jusqu’à 210 km/h sur cette province de l’ouest de la Birmanie à la frontière du Bangladesh. Il a notamment provoqué une marée cyclonique (c’est-à-dire une montée des eaux due à l’impact de la dépression sur la mer) qui a détruit un grand nombre d’infrastructures à Sittwe, la capitale de l’Etat. Celle-ci a pu toutefois rouvrir son port et son aéroport jeudi 18 mai. La route qui la relie à Rangoun a été dégagée et une partie des communications téléphoniques commencent à être rétablies. Les agences onusiennes estiment que 3,2 millions de personnes sont vulnérables et susceptibles d’avoir besoin d’aide parmi les 5,4 millions qui se trouvaient dans le passage du cyclone.

Celui-ci n’a pas épargné les camps d’internement de Rohingya, la minorité musulmane dépourvue de citoyenneté, que les autorités ont forcés lors de la décennie passée à abandonner leurs villages pour des zones proches de Sittwe où ils sont parqués. Au total, 140 000 Rohingya ont le statut de déplacés internes en Birmanie, sur les 600 000 que compte l’Etat de Rakhine. Près d’un million d’autres sont réfugiés au Bangladesh voisin depuis des années, où des évacuations préalables ont limité le nombre de victimes. D’innombrables habitations de fortune ont toutefois été détruites.

Les vivres manquent

En Birmanie, des communautés rohingya jointes par le site indépendant Myanmar Now affirment avoir reçu un ordre d’évacuation samedi soir, mais n’avoir eu aucun moyen à leur disposition pour le faire ni aucun lieu où se rendre. Le grand défi est désormais l’acheminement de l’aide : « Aucune aide ne nous est encore parvenue car les ponts sur le chemin vers notre camp sont détruits », a expliqué à l’AFP, mercredi, le chef d’un camp dévasté à l’extérieur de Sittwe, qui n’a pas donné son nom. « Nous pourrions peut-être tenir encore deux jours », a-t-il estimé.

Une Rohingya avec son bébé à côté de sa maison détruite dans le camp de réfugiés de Basara à Sittwe (Birmanie) le 16 mai 2023. SAI AUNG MAIN / AFP

Des funérailles près du camp de réfugiés de Basara à Sittwe, dans l’Etat de Rakhine (Birmanie), le 16 mai 2023. SAI AUNG MAIN / AFP

Trois autres provinces birmanes ont été touchées par Mocha, mais à l’intérieur des terres : la région de Sagaing, celle de Magwe, et l’Etat Chin, frontalier de l’Inde. Or toutes trois abritent des foyers de la résistance armée birmane à la junte. Les opérations punitives de l’armée ont déjà ravagé des villages entiers dans les plaines de Sagaing, souvent incendiés, et provoqué des milliers de déplacés. Les vivres manquent, car les paysans ne peuvent s’occuper de leurs récoltes et l’aide est bloquée. Après une saison sèche particulièrement torride, des dizaines de ces villages font aujourd’hui face à un nouveau fléau : les inondations catastrophiques liées au cyclone. Près de 100 000 personnes seraient affectées à Magwe et Sagaing, selon le bulletin d’information du 16 mai du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA selon l’acronyme anglais) sur le cyclone Mocha.

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Source: Le Monde