Guerre en Ukraine : Zelensky, invité surprise d’une Ligue arabe pragmatique
Le retour, vendredi 19 mai, du président syrien Bachar Al Assad au 32e sommet de la Ligue arabe en Arabie saoudite, après plus d’une décennie d’isolement sur la scène diplomatique régionale en raison de la guerre en Syrie, faisait déjà l’événement. En s’ajoutant comme invité surprise, Volodymyr Zelensky lui aura presque volé la vedette.
Qu’est venu faire le président ukrainien dans ce club de pays aux intérêts disparates, dont un bon nombre s’est illustré ces derniers mois par des rapprochements avec l’envahisseur russe, ou l’Iran ?
Feu de tout bois
Dès son arrivée à Djedda, tout juste descendu d’un avion floqué « République française », Volodymyr Zelensky a indiqué qu’il s’entretiendrait séparément avec le prince héritier saoudien, et d’autres dirigeants de la région. « Zelensky n’a pas obtenu toute l’aide qu’il voudrait du camp occidental. Le compte n’y est pas », expose Marc Lavergne, directeur de recherche au CNRS.
« S’il vient en Arabie sur la route du G7 à Hiroshima, au Japon, c’est qu’il a des raisons d’espérer quelque chose. Pas de la Ligue arabe, qui n’a pas de poids ni de budget, c’est un club de dictateurs sans véritable colonne vertébrale, mais de la part de ses États membres, riches en moyens financiers. À mon sens, c’est donc de l’argent que Zelensky est venu demander, plus que de l’armement, ce qui serait beaucoup plus sensible à accorder. »
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Pourtant, l’Arabie saoudite, certes étroitement liée aux États-Unis en matière de sécurité, a apporté une aide essentielle à la Russie en termes de politique pétrolière, en maintenant un prix du baril assez élevé. En septembre dernier cependant, Riyad avait pu se rendre utile de façon inattendue en jouant un rôle de médiateur dans un échange de prisonniers entre Moscou et Kiev.
Mais le pays est aussi l’artisan du rapprochement avec l’Iran, qui fournit des drones de combat à Moscou, et de la réhabilitation de la Syrie de Bachar Al Assad, dont le régime a voté contre les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies demandant à la Russie de cesser les hostilités en Ukraine.
Message à la Syrie
Cela n’a pas empêché Volodymyr Zelensky de remercier le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, qu’il a invité à se rendre en Ukraine, pour « son soutien à l’intégrité territoriale » de l’Ukraine, selon un communiqué publié à l’issue de l’entretien.
« Les Saoudiens peuvent apparaître à nos yeux comme rangés derrière les Russes, mais dans le monde arabe, le jeu des alliances n’est pas aussi binaire, nous pouvons y voir apparaître des rationalités contradictoires, souligne Marc Lavergne. Riyad n’a pas intérêt à choisir trop nettement son camp, d’autant que Moscou n’a pas grand-chose à donner. Cette invitation peut être un moyen pour Mohammed Ben Salmane de faire comprendre à la Syrie que l’Arabie saoudite n’est pas prête à renverser la table pour Poutine. »
Cela semble avoir marché, au moins dans le discours. À la tribune de la Ligue arabe, Bachar Al Assad a souligné que le sommet se tenait « dans un monde instable » et a appelé à « interdire les ingérences étrangères » dans les affaires des pays arabes.
Source: La Croix