Jean Garrigues, historien : " La pulsion régicide a été depuis quelques mois encouragée par certains discours politiques "

May 21, 2023
267 views

L’agression absurde et ignoble subie il y a quelques jours par le petit-neveu d’Emmanuel Macron marque un degré supplémentaire dans la brutalisation de la vie publique, devenue un paramètre majeur de nos réflexions collectives sur la démocratie. Au moment de la crise des « gilets jaunes », on a vu se multiplier les agressions contre les permanences ou les domiciles des élus, voire contre les élus eux-mêmes, puis un ministère attaqué par des manifestants.

On a vu Emmanuel Macron échapper de peu à la colère de la foule au Puy-en-Velay, le 4 décembre 2018, giflé le 8 juin 2021, puis son effigie brûlée à plusieurs reprises et des concerts de « casserolades » pour perturber ses déplacements. Mais une telle agression, commise sur un jeune homme au motif qu’il est parent avec le chef de l’Etat, relève non seulement de la bêtise, mais aussi et surtout de pratiques d’amalgame qui renvoient aux pires heures de notre histoire.

Au-delà du degré de violence physique de cette agression, qui correspond à des pratiques d’un autre âge, symptomatiques d’une forme de barbarie renaissante, on peut s’interroger sur la signification profonde d’un tel acte dans le cadre de la crise actuelle de la démocratie. Il faut y voir évidemment un indice supplémentaire de cette colère profonde qui anime une partie des Français dans une société fracturée, déboussolée, angoissée par la perte de ses repères moraux et culturels comme par le déclassement social et la baisse de pouvoir d’achat.

Excès d’honneur

Cette colère s’est traduite à maintes reprises depuis quelques années, que ce soit par l’abstention électorale, le vote protestataire ou les agressions contre les élus, y compris les maires. Elle s’est évidemment nourrie du mécontentement suscité par la très impopulaire réforme des retraites et par la méthode autoritaire employée par Emmanuel Macron pour l’imposer aux syndicats et à l’opinion. Mais ce qui interroge précisément, par rapport au fonctionnement de notre démocratie, c’est la manière dont cette colère, ce ressentiment social, s’est polarisée avec une violence inaccoutumée sur la personne d’Emmanuel Macron.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Le macronisme n’est pas violent par hasard » Ajouter à vos sélections Ajouter à vos sélections Pour ajouter l’article à vos sélections

identifiez-vous S’inscrire gratuitement

Se connecter Vous possédez déjà un compte ?

Est-ce nouveau ? En 1889, le général Boulanger (1837-1891), le premier des hommes politiques populistes sous la IIIe République, exhortait déjà les Français à renverser la « Bastille parlementaire » afin d’en déloger Jules Ferry et les siens. Depuis 1958, toute l’histoire de la Ve République est remplie de ces moments de crise où le chef de l’Etat a été pris comme cible exclusive des difficultés rencontrées par la société française. Ce fut le cas du général de Gaulle en Mai 68, quand certaines affiches l’assimilaient à Adolf Hitler. Ce fut le cas de Valéry Giscard d’Estaing, représenté en Louis XV, de Jacques Chirac en « super-menteur », de « Sarkozyléon » petit Bonaparte et « président des riches », ou même de François Hollande, devenu un traître aux yeux d’une partie de ses électeurs.

Il vous reste 46.49% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source: Le Monde