Etats-Unis : l’inquiétante primaire républicaine
Donald Trump est synonyme de défaites à répétition pour le Parti républicain. Mis en accusation à deux reprises par la Chambre des représentants, notamment pour son rôle dans la contestation violente des résultats de la présidentielle de 2020, il a pour bilan un mandat fait principalement de fureur et de bruit. Lesté de poursuites judiciaires comme aucun autre responsable politique avant lui, il aura 78 ans à la veille de l’élection présidentielle de 2024, à laquelle il est candidat.
Qu’un autre que lui soit désigné comme candidat du Parti républicain devrait relever de la salubrité publique, y compris pour le camp conservateur lui-même. Il y a six mois, triomphalement réélu comme gouverneur de Floride, Ron DeSantis semblait bien parti pour permettre au Grand Old Party de tourner l’une des pages les plus controversées de son histoire.
Le gouverneur de 44 ans a cependant commis deux erreurs majeures. Sous-estimant l’ancrage de Donald Trump au sein de la base républicaine, qui confine au culte de la personnalité, il a vainement attendu que l’aura de l’ex-président s’étiole d’elle-même sous le poids des procédures, alors qu’elles l’ont renforcée. Il s’est également enfermé, dans son Etat, dans une guerre culturelle absurde, pratiquant au nom du concept hasardeux d’antiwokisme une véritable « cancel culture » sous amphétamines, visant notamment les minorités sexuelles. Ces obsessions l’ont détourné des véritables enjeux, économiques, environnementaux et géopolitiques, qui doivent être au cœur d’une élection présidentielle.
Débuts laborieux
Il a persisté le 24 mai dans cette voie, à l’occasion d’une annonce officielle de candidature rendue chaotique par des problèmes techniques, en choisissant de la partager avec l’entrepreneur Elon Musk, sur le réseau social dont le nouveau héraut de la droite radicale américaine est le propriétaire. Ces débuts laborieux ont ravivé les doutes sur sa capacité à s’imposer, qui ont déjà ouvert le chemin à d’autres candidatures républicaines.
En 2016, une profusion identique de prétendants avait permis à Donald Trump de prendre l’avantage au début des primaires, avec un pourcentage relatif des votes. A cette même occasion, l’échec essuyé par le sénateur texan Ted Cruz, pur produit du mouvement national-populiste du Tea Party, avait également souligné la vanité du projet de gagner en s’abandonnant à une surenchère droitière.
S’ils sont vraiment convaincus qu’ils peuvent offrir à leur pays un meilleur président que le démocrate Joe Biden, les rivaux républicains doivent tirer les leçons de ces précédents. Deux impératifs s’imposent pour éviter le bégaiement de l’histoire que serait un nouvel affrontement entre Joe Biden et un prédécesseur qui s’est montré prêt à abattre la démocratie pour son unique profit.
Les républicains convaincus que Donald Trump serait un mauvais choix doivent tout faire pour limiter au minimum l’éparpillement des voix qu’un trop grand nombre de candidats entraînerait. Ils doivent également exercer un légitime droit d’inventaire à propos du mandat passé par Donald Trump à la Maison Blanche, comme des mois tumultueux qui ont suivi.
Depuis trop longtemps, l’ex-président ne se préoccupe plus que de son devenir au lieu de celui de ses concitoyens. Le Parti républicain compte encore dans ses rangs des figures raisonnables, capables d’offrir un autre horizon qu’une interminable guerre civile sans renier leurs valeurs. Mais veut-il seulement entendre leur message ?
Le Monde
Source: Le Monde