Cannes 2023 : " Perfect Days ", le poète des toilettes de Wim Wenders

May 26, 2023
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Hirayama (Koji Yakusho) dans « Perfect Days », de Wim Wenders. HAUT ET COURT

SÉLECTION OFFICIELLE – COMPÉTITION

Une longue histoire, de près de cinquante ans, relie Wim Wenders au Festival de Cannes. C’est sur la Croisette, en 1976, que le cinéaste allemand, né en 1945, reçut le Prix de la critique internationale pour son road-movie Au fil du temps – lequel suit le destin de deux hommes en rupture, dont l’un parcourt le pays à bord d’un camion-cinéma. Suivront la Palme d’or pour Paris, Texas (1984), le Prix de la mise en scène pour Les Ailes du désir (1987), etc. Entre-temps, le réalisateur et photographe obtint le Lion d’or à Venise, avec L’Etat des choses (1982), un Ours d’argent à Berlin pour The Million Dollar Hotel (2000), tandis que plusieurs de ses documentaires, tels Buena Vista Social Club (1999) ou Pina (2011), furent nommés aux Oscars. Selon les années, quelques perles et d’autres œuvres plus consensuelles.

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Perfect Days, nouveau voyage cinématographique au Japon de Wenders, après Tokyo-Ga (1985), sur les traces du réalisateur Yasujiro Ozu, s’inscrit dans cette belle collection, mention zen. Wenders y suit le quotidien d’un homme modeste, Hirayama (Koji Yakusho), la cinquantaine, employé par la ville de Tokyo pour nettoyer les toilettes publiques dans le quartier de Shibuya. Le personnage accomplit son travail ingrat à la perfection, comme s’il en allait de la survie de l’espèce humaine, retrouvant de ce fait une certaine dignité.

La routine de ce poète des toilettes propres, attentif au moindre signe, curieux de tout – une pousse d’herbe… –, se transforme en une somme d’instants chavirés. Mais, disons-le tout de même, une impression de déjà-vu nous saisit. Tant le sujet que le dispositif de mise en scène nous rappellent le somptueux Paterson (2016), de Jim Jarmusch, avec Adam Driver dans le rôle d’un chauffeur de bus, auteur de haïkus à ses heures. En compétition à Cannes, le film fut ignoré par le jury alors présidé par George Miller.

Un soupçon de dramaturgie

Wenders ne quitte pas Hirayama, du lever au coucher, captant ses rituels, sa manière d’enfiler l’uniforme ou de l’enlever le soir venu. Le montage assume les répétitions, tout en modulant le rythme et la longueur des plans (un régal pour l’œil), vaporisant un soupçon de dramaturgie.

A partir de presque rien, sachant que l’infime, ici, est érigé en événement, le réalisateur tisse un récit sophistiqué au terme duquel son héros renoue peu à peu avec le monde. Par cercles concentriques, d’abord l’entourage professionnel, puis la famille, le scénario esquissant même une piste amoureuse. Quelques personnages illuminent le parcours, telle la jeune actrice Aoi Yamada, réincarnation japonaise d’Uma Thurman dans Pulp Fiction (1994).

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Source: Le Monde