Transition écologique : " Pour atteindre nos objectifs, nous avons besoin d’une rupture structurelle avec l’ordre économique actuel "
Face à la multicrise écologique, économique, sociale et démocratique dans laquelle nous sommes enlisés, il est crucial de ne céder ni à une peur paralysante ni à un défaitisme démobilisant. Les solutions, à défaut d’être simples à mettre en œuvre, sont connues et disponibles. Et si certains dégâts sont déjà irréversibles, il est encore temps de sauver l’essentiel en réagissant sérieusement et en nous donnant les moyens de nos ambitions.
Alors que l’Europe et la France visent la neutralité carbone à l’horizon 2050 et une réduction de 55 % des émissions d’ici à 2030 par rapport à 1990, comment expliquer que les trajectoires de transition soient encore si floues et qu’aussi peu de moyens soient déployés ? Pourtant, de plus en plus de rapports convergent. Celui de Jean Pisani-Ferry remis le 22 mai à la première ministre évoque un chiffre de 66 milliards d’euros d’investissements supplémentaires chaque année.
Ce chiffre est convergent avec une étude de l’Institut Rousseau (« 2 % pour 2 °C »), publiée en 2022, qui détaillait secteur par secteur les besoins de financements nécessaires et leur répartition entre public et privé. Les résultats ont donné le titre du rapport : pour que la France atteigne la neutralité carbone en 2050, nous devons investir, chaque année, environ 2,3 % du PIB (57 milliards d’euros) en plus de ce que nous dépensons actuellement. En outre, il faudra réorienter l’ensemble des dépenses actuelles ayant trait à notre vie économique (transport, industrie, agriculture, bâtiment, production d’énergie, etc.), vers la transition.
L’étude décrit également la manière d’utiliser ces capitaux, en détaillant près de 70 propositions chiffrées de politiques publiques. Elle expose également les principaux bénéfices économiques attendus et explique comment financer l’ensemble de ces dépenses. Cette feuille de route économique et politique constitue une forme avancée et détaillée de planification écologique et un moyen de confronter les discours et les objectifs flous du gouvernement à la réalité des moyens déployés.
L’Etat, catalyseur du changement
Nous sommes, à l’heure actuelle, très loin du compte : l’Etat devrait investir au minimum 36 milliards d’euros de plus par an que ce qu’il fait actuellement pour atteindre les 57 milliards évoqués et mettre réellement le pays sur la voie de la neutralité carbone.
Les efforts de soutien public doivent porter prioritairement sur la rénovation thermique et énergétique des bâtiments (14 milliards d’euros par an), la transition vers l’agroécologie (3 milliards) ainsi qu’une prime à la conversion des véhicules thermiques renforcée et élargie (2,5 milliards), couplée à un investissement massif dans les alternatives que constituent le train, les transports en commun et le vélo (1,3 milliard).
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Source: Le Monde