Face aux annonces d’Emmanuel Macron sur le handicap, ce militant reste " méfiant "

April 26, 2023
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YOAN VALAT / AFP YOAN VALAT / AFP

INTERVIEW - Fauteuils roulants remboursés à 100 %, ESAT, accessibilité des petits établissements recevant du public : le président Emmanuel Macron a donné, lors de la sixième Conférence nationale du Handicap (CNH), les grandes lignes de la politique publique sur le handicap qu’il entend mener ces trois prochaines années.

Cette conférence, qui avait lieu à l’Élysée, a été boycottée par un collectif de 52 associations, qui dénonçait un manque d’ambition. Les organisations antivalidistes, qui militent pour la fermeture de tous les établissements pour enfants et adultes handicapés, comme le préconise l’ONU, n’y avaient pas été conviées. Le HuffPost a choisi de décrypter ces annonces aux côtés de Lény Marques, président du Collectif lutte et handicaps pour l’égalité et l’émancipation (Clhee). Il dit rester « méfiant ».

Le HuffPost. Certaines mesures annoncées par le Président de la République vous semblent-elles intéressantes ?

Lény Marques. Il y a deux choses qui attirent mon attention : ce qu’Emmanuel Macron a dit sur les ESAT (ndlr les établissements ou services d’aide par le travail). Il a émis l’envie de se mettre en conformité avec la loi, et avec ce que dit l’ONU, en payant les travailleurs d’ESAT le SMIC et plus seulement 60 % du SMIC. On va surveiller, car ce serait une bonne nouvelle. C’est assez novateur d’entendre ça de la part d’un Président. Après, il faut qu’il le mette en œuvre réellement. Mais donner de vrais droits du travail aux travailleurs d’ESAT permettrait aussi de mettre à jour les problèmes structurels de ces institutions.

L’autre point intrigant à nos yeux, c’est que le Président de la République utilise le terme de « désinstitutionnalisation ». Après, ce qui me dérange, c’est qu’il a expliqué que les associations gestionnaires allaient aider à faire cela. Or, en tant que militants pour l’émancipation des personnes handicapées, notre but est d’éradiquer ces associations gestionnaires. Il a aussi parlé de « développer 50 000 solutions médico-sociales », ce qui n’a rien de positif. C’est le « en même temps » qui pourrait vider le mot « désinstitutionnalisation » de sa substance.

Emmanuel Macron a également annoncé que les fauteuils roulants seraient intégralement remboursés dès 2024. Est-ce une bonne nouvelle ?

Enfin ! C’était effarant que ce ne soit pas le cas depuis quarante ans. Mais on ne sait pas combien de personnes ça va concerner au final. C’est le champion du monde des annonces, donc on reste méfiants.

Il a annoncé un plan d’1,5 milliards d’euros pour investir dans l’accessibilité des petits établissements recevant du public. Est-ce une bonne chose ?

Oui, mais c’est trop peu trop tard. Quand on voit que la loi de 1975 prévoyait la mise en accessibilité, la loi de 2005 prévoyait que tous les établissements recevant du public soient accessibles d’ici 2015… Donc nous dire qu’en 2023 on va rendre accessibles les petits établissements, c’est cool. Mais ça fait juste quarante ans qu’on attend. Et le reste des établissements ?

Le chef de l’État a présenté un bilan positif de l’école inclusive, parlant d’une « révolution silencieuse ». Qu’en pensez-vous ?

Il donne des chiffres comme ça, qu’il jette à la volée (ndlr le chef de l’État a parlé de 430 000 élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire, soit un tiers de plus qu’en 2017). 3,5 milliards d’euros investis, ce n’est pas assez. On voudrait que les moyens du médico-social soient transférés à l’Éducation nationale.

Pareil, sur le nombre d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), il parle de création postes, oui, sauf qu’il n’y en a toujours pas assez. Il faut mettre plus de moyens dans l’accompagnement et réformer l’école en profondeur pour qu’elle accueille tous les élèves. Tant qu’il y aura des établissements médico-sociaux, il y aura des voies de garage.

Y a-t-il des sujets qui vous ont semblé absents de ses annonces ?

Les transports, à part pour les JO. Sauf qu’il n’y a pas que Paris, en France. Mais ce n’est pas un quinquennat axé sur les transports en commun. Mais on est contents de savoir que pour les JO il y aura plus de stations de métro accessibles et de taxis. Sachant qu’il n’y a pour l’instant qu’une seule ligne de métro accessible. Et ça ne nous dit rien sur le reste du pays.

Le Président a parlé d’un « plan d’action d’ici l’été » pour garantir la vie « affective, amoureuse, intime et sexuelle » des personnes en situation de handicap. Qu’en pensez-vous ?

Ça serait bien qu’il ne se mêle pas de notre vie intime. Et s’il veut nous garantir un accès à une vie intime, amoureuse et sexuelle libre, consentie et joyeuse, ce serait déjà bien de nous garantir l’accès aux transports en commun, d’accéder massivement à l’école et aux lieux de formation, parce que c’est là que les gens se rencontrent. D’avoir des logements accessibles. Et on se débrouillera tous seuls pour le reste.

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Source: Le HuffPost