Eva Bester succède à Laure Adler, Rebecca Manzoni à Jérôme Garcin... et tout ce qui va changer à France Inter
Grandes manœuvres à France Inter : outre le passage de flambeau de Laure Adler (à Eva Bester en septembre) et Jérôme Garcin (à Rebecca Manzoni en janvier), Charline Vanhoenacker est décalée au week-end et la matinale sera remaniée pour la rentrée.
Eva Bester va reprendre à la rentrée le créneau de « L’heure bleue ». Photo Jean-Francois Robert pour Télérama
Par Laurence Le Saux, Elise Racque Partage
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Des visages et des voix emblématiques de la station qui s’en vont, d’autres qui changent de créneau… Les changements de la rentrée se précisent à France Inter. Le point sur ce que l’on sait.
Eva Bester reprend la case de “L’heure bleue”
En 2013 sur France Inter, elle créait Remède à la mélancolie pour « chasser le vague à l’âme ». Imprimant sa personnalité et surtout un ton doux et piquant à cet entretien d’une heure. En 2021, son émission dominicale est devenue L’embellie, variant légèrement l’enveloppe. A la rentrée prochaine, Eva Bester, 38 ans, prendra la suite de Laure Adler, animatrice de L’heure bleue du lundi au jeudi à 20h, qui a récemment annoncé arrêter son émission. Adèle Van Reeth, directrice d’Inter, dit avoir ainsi choisi « une personnalité atypique, une bosseuse acharnée à l’univers singulier, qui dévore la culture sous toute ses formes et peut dans ses entretiens faire référence à un philosophe comme réciter des haïkus ». La productrice prévoit de faire entendre « un commissaire d’exposition aussi bien qu’une scénariste, un réalisateur, un astronaute ou un karatéka », sans « renoncer aux questions inattendues [qu’elle] aime poser ».
Rebecca Manzoni future productrice du “Masque et la plume”, “Totémic” le vendredi seulement
Elle qui voit le micro comme « une sorte de sésame pour faire des rencontres » va devenir en janvier 2024 la remplaçante de Jérôme Garcin, chef d’orchestre depuis 1989 de l’historique Le masque et la plume — c’est ce qu’annonce, entre autres changements à venir, Adèle Van Reeth, directrice de France Inter, dans une interview au Monde. Rebecca Manzoni venait de reprendre au pied levé, en début de saison, l’entretien culturel laissé vacant par Augustin Trapenard. Avec Totémic, l’ex-productrice d’Eclectik et de Pop N’Co ravit nos oreilles, usant d’une impertinence dosée et d’une curiosité singulière. Son émission quotidienne deviendra en septembre hebdomadaire (le vendredi à 9 heures), et s’allongera d’une demi-heure.
Une matinale longue durée
Le 7h/9h30 gagne une demi-heure, s’étalant jusqu’à 10 heures. Toujours dans l’entretien donné au Monde, la directrice d’Inter confirme la reprise par Sonia Devillers de l’interview de 7h50. Tandis que Léa Salamé et Nicolas Demorand « inaugureront un nouveau rendez-vous de débat, à 9h10, sur la question du jour (société, politique, etc.), avec une équipe d’intervenants réguliers (journalistes, experts, intellectuels) qui confronteront leurs idées ». Adèle Van Reeth souhaite ainsi donner davantage de place au débat, qu’elle estime « consubstantiel à France Inter ». Dès le vendredi et jusqu’au dimanche, le duo Demorand-Salamé laissera la place, de 6 à 9 heures, à Ali Baddou et Marion L’Hour.
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Charline Vanhoenacker et sa bande confirmés le dimanche
La quotidienne C’est encore nous se transformera en « une tranche de deux heures, le dimanche à 18 heures, qui se déroulera en public depuis le studio 104 ou en région », précise au Monde la patronne d’Inter. « Nous réfléchissons à une touche quotidienne pour que le fil soit maintenu d’un dimanche à l’autre, poursuit-elle. Et puis, Charline reste une personnalité importante de l’antenne : elle garde son billet dans la matinale du jeudi, et nous lui avons confié un podcast, de même qu’à Guillaume Meurice, d’une heure hebdomadaire. L’humour politique est inséparable de France Inter. » Certains, y compris en interne, avaient exprimé des doutes à ce sujet dernièrement, s’inquiétant par exemple d’une possible « aseptisation » de l’antenne.
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Jean Lebrun tire sa révérence
Producteur de La marche de l’histoire entre 2011 et 2020 sur France Inter, Jean Lebrun, 73 ans, annonce son départ de l’antenne. Il met fin à sa chronique quotidienne dans le 13/14, Le vif de l’histoire. Cette figure de France Culture, qui y avait débuté à la fin des années 1970 (avec une chronique dans la matinale sur la spiritualité !), avait notamment produit Culture matin, Pot-au-feu ou Travaux publics. « Je souhaite arrêter la radio autant que je le redoute, nous indique l’agrégé d’histoire. Mais je suis né au moment de l’invention du Carbone 14, et cela commence à dater… Le micro ne me manquera pas, j’ai déjà vécu sans quand j’étais conseiller aux programmes à France Culture. C’est à l’actualité que je suis accro, c’est elle qui va me manquer. J’ai l’habitude d’être dans un flux constant, je lis toute la journée, j’écoute sans arrêt. Le silence va m’être difficile. » L’animateur aimerait continuer à animer des rencontres en public dans des festivals, et esquisse déjà des projets de livres (« trois ou quatre ») pour la rentrée. « Des ouvrages historiques, un peu autobiographiques aussi. Mais je ne suis pas parti pour écrire mes mémoires radiophoniques, je pense que mon parcours ne passionnera pas les foules ! » Pas si sûr.
C’est fini pour l’émission d’histoire de Patrick Boucheron
Quand il s’était lancé au micro de France Inter l’année dernière, Patrick Boucheron nous avait expliqué être « motivé par une inquiétude sur la dégradation du débat public ». Nous étions alors en pleine campagne présidentielle, et l’Histoire n’en finissait plus d’être invoquée, tordue, manipulée, pour servir les intérêts politiques des uns et des autres. Le dimanche sur France Inter, l’émission Histoire de offrait alors une oasis de sérénité bienvenue où invités et historiens sociétaires remettaient les pendules à l’heure : oui, parler d’Histoire sans hausser le ton, « confronter les hypothèses dans la calme assurance que cela se fait sur le socle commun de la méthode », est possible. Surtout, nous réaffirmait le professeur du Collège de France : « le savoir de l’historien relève d’un régime de vérité qui n’est pas réductible au royaume de l’opinion ».
Nous espérions cette oasis durable ; elle se révèle éphémère : installé par l’ancienne patronne de France Inter Laurence Bloch – remplacée depuis par Adèle Van Reeth –, le programme s’arrêtera au bout de cette deuxième saison. « La direction a expliqué sa décision par des raisons budgétaires. Les audiences étaient bonnes, le programme ne me semblait donc pas menacé », confie Patrick Boucheron à Télérama. Surpris, il ajoute : « Depuis le début, je conçois cette émission de manière collective, en ayant toujours en tête le rôle public de l’historien. Pour certains, cette émission pouvait paraître déplacée sur France Inter, car plutôt exigeante. Je pense au contraire qu’elle y joue un rôle de service public. La proposer sur la grille était un geste fort. L’en retirer n’est certainement pas anodin. »
Laure Adler fait ses adieux
Certains accros au générique de L’heure bleue (les premières notes de Veridis quo, des Daft Punk) et aux entretiens que mène Laure Adler, du lundi au jeudi à 20 heures sur France Inter, seront en peine. La productrice, âgée de 73 ans, arrête de son propre chef l’émission à la fin de la saison, a annoncé à l’AFP un représentant de la station. Elle y recevait artistes et intellectuels chaque soir, interviewant l’historien Jean-Marc Schiappa sur la Révolution française ; la philosophe Claire Marin sur « les débuts » ; la romancière Alice Zeniter pour son premier film, Avant l’effondrement ; ou encore le réalisateur Alain Cavalier. L’heure bleue avait pris la suite en 2016 de la quotidienne L’humeur vagabonde, de Kathleen Evin (devenue hebdomadaire, puis supprimée en 2021). Laure Adler avait débuté comme secrétaire à France Culture dans les années 1970, avant de produire notamment Le pays d’ici ou de participer aux mythiques Nuits magnétiques, puis de diriger entre 1999 et 2005 la radio culturelle. De 2007 à 2015, elle a produit l’hebdo Studio théâtre, sur Inter.
Une antenne largement remaniée devrait donc émerger à la rentrée de septembre. Permettant à Adèle Van Reeth, ex-productrice des Chemins de la philosophie, sur Culture, nommée en 2022 à la tête d’Inter, d’imprimer plus largement sa patte, alors que la radio connaît une audience triomphale (7 millions d’auditeurs entre janvier et mars 2023, selon Médiamétrie). Installée depuis 2019 à la première place des stations françaises, France Inter a dû son succès à un solide cocktail d’émissions concocté par Laurence Bloch, qui la dirigea entre 2014 et 2022. À l’heure du renouvellement de la recette, tout l’enjeu sera d’en faire perdurer les effets.
Source: Télérama.fr