A Montréal, l’un des pères de l’intelligence artificielle alerte sur une menace existentielle pour l’homme
LETTRE DE MONTRÉAL
Sur la scène, un robot géant en papier aluminium, à l’allure bonhomme de R2-D2 dans Star Wars, donne un petit goût vintage à l’événement organisé par C2 Montréal, un rendez-vous d’affaires annuel se présentant comme le « Davos de la créativité ». Mais la conversation organisée le 24 mai autour du thème « Intelligence artificielle : démocratie et avenir de la civilisation » était autrement plus angoissante que la saga imaginée en son temps par George Lucas. Les menaces de dépossession et de domination qui se profilent avec cette nouvelle technologie ne relèvent pas de la science-fiction, « elles sont devant nos yeux, là, tout de suite, maintenant », n’ont cessé de répéter les deux sommités appelées à disserter sur la question.
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L’un des lanceurs d’alerte ce jour-là n’est autre que l’un des pères de l’intelligence artificielle : le professeur québécois Yoshua Bengio, 59 ans, lauréat en 2019 du prix Turing, l’équivalent du Nobel pour l’informatique, par ailleurs fondateur et directeur scientifique du Mila, l’Institut québécois d’intelligence artificielle installé à Montréal, un organisme charnière réunissant des chercheurs universitaires spécialisés en apprentissage profond et des industriels. « Un écosystème unique en son genre, qui s’est positionné dès le départ, en 1993, sur un choix éthique, “l’IA for good”, l’intelligence artificielle pour le bien de tous », s’extasie Stéphane Paquet, président de Montréal International, une organisation créée pour attirer les investissements étrangers dans la métropole québécoise.
Après que le Canado-Britannique Geoffrey Hinton (corécipiendaire du prix Turing en 2019) a choisi de démissionner de Google début mai pour se sentir libre de dénoncer les dangers de l’IA, lui qui a largement contribué à ses progrès en s’appuyant sur l’utilisation de neurones artificiels, c’est au tour de l’informaticien québécois d’alerter l’opinion publique des risques encourus par le développement accéléré de leur « bébé ». Cette technologie, explique-t-il sur scène, est aujourd’hui à un « point d’inflexion ». Après avoir concédé une partie de notre intelligence aux machines, nous voilà confrontés à la perspective qu’elles puissent désormais s’épanouir, dotées d’une intelligence égale, et sans doute bientôt supérieure, à celle des humains. « On ne sait pas si ça va arriver. Mais si c’est le cas, on pourra parler de menace existentielle. Imaginez une nouvelle espèce tellement intelligente qu’elle nous regarde comme nous regardons aujourd’hui les grenouilles… Est-ce que nous traitons les grenouilles correctement ? », s’inquiète-t-il.
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Source: Le Monde