Patrimoine religieux : l’Élysée annonce une souscription et des mesures de protection

June 05, 2023
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Quel meilleur cadre que le Mont-Saint-Michel pour dire son attachement au patrimoine religieux ? Présent sur le rocher pour la célébration du millénaire de l’abbatiale, le président de la République Emmanuel Macron doit y prononcer, lundi 5 juin, un discours célébrant « le symbole de l’esprit français en résilience, en résistance, créatif et imaginatif ». Accompagné de la ministre de la culture Rima Abdul Malak et de Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Emmanuel Macron devait redire son attachement au patrimoine religieux, déjà concrétisé par plusieurs mesures importantes en faveur de sa protection, annoncées dans un communiqué de l’Élysée dès l’après-midi.

« Depuis 2017, le patrimoine est une priorité de sa politique culturelle », insiste-t-on dans l’entourage du chef de l’État, en rappelant la mission Bern et le Loto du patrimoine, lancés dès 2017, les 349 millions du plan de relance alloués à la restauration des monuments et le plan cathédrales doté de 80 millions d’euros.

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Prenant acte des inquiétudes concernant le patrimoine religieux non protégé, Emmanuel Macron souhaite en premier lieu mieux connaître son état, car ces monuments n’ont jamais fait l’objet d’un inventaire systématique, comme le rappelait le récent rapport du Sénat sur l’état du patrimoine religieux de juillet 2022 (1). « Il est exact que la situation d’un certain nombre d’édifices religieux reste difficile à percevoir », confirme-t-on à l’Élysée. Or, en raison de la loi de 1905, l’entretien des édifices religieux en France incombe aujourd’hui très largement aux communes propriétaires qui, notamment dans le monde rural, peuvent se trouver en difficulté.

Un nécessaire inventaire

Le chef de l’État demande donc à sa ministre de la culture – dont le ministère subventionne la restauration du patrimoine protégé, classé ou inscrit – et au ministre de l’intérieur – dont le ministère, par l’intermédiaire des préfets, subventionne au cas par cas certains édifices non protégés – de lui présenter les mesures permettant « de mieux venir en aide aux édifices des communes de moins de 10 000 habitants en situation financière difficile, trop souvent mal répertoriés aujourd’hui », et ce « avant les prochaines Journées européennes du patrimoine (JEP) » de septembre.

Avec cette requête, le chef de l’État suit en partie les recommandations de la mission d’information du Sénat qui demandait, en juillet dernier, le lancement d’une « opération nationale d’inventaire du patrimoine religieux », permettant de disposer d’une cartographie précise de ce patrimoine sur l’ensemble du territoire à l’horizon 2030. « En ciblant les communes de moins de 10 000 habitants, le chef de l’État s’intéresse à juste titre aux communes les plus en difficulté », réagit le sénateur Pierre Ouzoulias, coauteur du rapport du Sénat sur l’état du patrimoine religieux. Dans les villes de plus de 10 000 habitants, c’est moins l’argent qui manque que la volonté politique. »

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Mieux connaître pour mieux protéger. Or, pour tout édifice, la meilleure protection demeure celle du classement ou de l’inscription au titre des monuments historiques. Le chef de l’État souhaite donc engager une nouvelle campagne de protection. Aujourd’hui, sur les 50 000 édifices religieux affectés au culte (dont 42 000 catholiques), seuls 10 500 sont classés ou inscrits. « Ce n’est sans doute pas assez, il y a des progrès à faire », déclare-t-on à l’Élysée, avec volontarisme. Les édifices du XIXe siècle – période longtemps mal aimée mais réhabilitée depuis un certain temps par les historiens de l’art – et du XXe siècle, « pour lequel nous avons désormais davantage de recul », devraient prioritairement être distingués.

Une orientation qui tranche avec les déclarations de l’ancienne ministre de la culture Roselyne Bachelot, qui estimait, en janvier dernier, qu’« il y a un patrimoine cultuel du XIXe siècle qui n’a pas un grand intérêt » et invitait l’État à se recentrer sur « un patrimoine notoire ». La protection ouvre la possibilité pour un édifice de bénéficier des précieux subsides de l’État pour les travaux de restauration, en moyenne 50 % des travaux pour les édifices classés, 28 % pour les édifices inscrits.

Après Notre-Dame, une nouvelle souscription

Enfin, pour compléter le financement de l’entretien du patrimoine religieux, le président de la République a annoncé vouloir recourir à nouveau à l’outil de la souscription nationale. Il l’avait déjà mobilisé dans des circonstances exceptionnelles après l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris pour financer sa renaissance.

Cette souscription sera menée par la Fondation du patrimoine « qui a une expérience en ce domaine », précise-t-on à l’Élysée. Le montant de la déduction fiscale à laquelle ces dons ouvriront « doit encore être discuté avec le ministère des finances ». Pour Notre-Dame, l’État avait accepté une mesure exceptionnelle de droit à réduction d’impôt sur le revenu au taux de 75 %. Elle avait indéniablement joué en faveur du succès de la souscription.

« Toutes ces mesures vont dans le bon sens et ne peuvent que nous réjouir », réagit globalement le sénateur Pierre Ouzoulias, qui juge notamment le lancement d’une souscription pertinent. « Cela permet de redire que le patrimoine religieux est une affaire commune, à laquelle chacun doit s’intéresser. Et si le président peut faire accepter à Bercy un nouveau crédit d’impôt pour le patrimoine religieux, c’est une excellente nouvelle ! », commente-t-il. Il souligne cependant l’importance de trouver « des financements pérennes ».

Dans son rapport, le Sénat préconisait de mobiliser prioritairement les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE), qui disposent d’un budget propre alimenté par la taxe d’aménagement. « Il suffirait d’augmenter légèrement cette taxe et d’en flécher une partie vers le patrimoine religieux pour trouver une solution de long terme », plaide Pierre Ouzoulias.

Plus globalement, c’est un « nouvel acte de la décentralisation du patrimoine » que l’élu juge nécessaire. « Aujourd’hui, face à une décentralisation de fait, il faudrait clarifier le rôle de chacun : État, région, département, CAUE, Fondation du patrimoine… » De son côté, la Conférence des évêques de France (CEF) sera sûrement attendue sur une meilleure ouverture des édifices, comme contrepartie à l’engagement renouvelé de la collectivité en faveur de ses églises.

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Le patrimoine religieux et son financement

Il n’existe pas d’inventaire complet du patrimoine religieux en France, évalué à 100 000 édifices, mais on recense plus de 40 000 affectés au culte et appartenant à des collectivités publiques. Dans leur quasi-totalité, ces édifices sont de culte catholique.

Seuls 10 500 édifices religieux bénéficient d’une protection au titre des monuments historiques. Les deux tiers appartiennent aux communes.

Entre 2 000 et 5 000 édifices cultuels seraient susceptibles d’être abandonnés, vendus ou détruits, d’ici à 2030. 500 édifices seraient déjà aujourd’hui totalement fermés.

Le ministère de la culture alloue en moyenne 120 millions d’euros chaque année à la restauration du patrimoine cultuel protégé. Ce budget a été exceptionnellement relevé depuis 2020 grâce au plan sécurité cathédrales (80 millions d’euros) et au plan France Relance (98 millions d’euros en 2021 et 2022).

Le ministère de l’intérieur a consacré 57 millions d’euros en 2022 à des édifices non protégés.

Depuis 2017, la mission Bern a mobilisé 230 millions d’euros qui ont permis de sauver 762 sites en péril, dont beaucoup d’édifices cultuels.

Source: La Croix