Liot, le petit groupe parlementaire devenu cauchemar des macronistes à l'Assemblée

June 06, 2023
157 views

A l’Assemblée nationale,

Les costumes et les cravates s’accordent avec les mines sombres qui les portent. Pour leur traditionnelle conférence de presse hebdomadaire, ce mardi midi à l’Assemblée nationale, les députés du groupe Liot (Libertés, indépendance, Outre-mer et Territoires) n’ont pas vraiment l’air enjoué. Imperturbables, y compris lorsqu’un élu communiste se plie en quatre, sous leurs yeux, pour récupérer un dossier oublié sans gêner les caméras. C’est que depuis plusieurs mois maintenant, ce petit groupe hétéroclite de 21 parlementaires semble en mission pour faire tomber la réforme des retraites du gouvernement. Nouvel épisode jeudi dans l’hémicycle, avec une proposition de loi visant à abolir le recul de l’âge légal à 64 ans.

Une proposition de loi qui fait pschitt ?

« Nous demandons au gouvernement une chose simple : accepter la démocratie. Nous sommes des démocrates. Nous verrons s’il y a une majorité pour repousser l’âge légal », souffle Charles de Courson, élu de la Marne depuis 1993, devenu figure de la contestation politique. Le rapporteur du texte d’abrogation a pourtant la tête des mauvais jours. Il sait que sa proposition de loi pourrait bien faire pschitt avant même d’arriver dans l’hémicycle. La semaine passée, la commission des affaires sociales a voté la suppression de l’article premier, visant à abroger le recul de l’âge légal. Liot a bien tenté de réintégrer la mesure par amendement, mais il n’a désormais plus les cartes en main.

Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée nationale, devrait en effet s’appuyer sur l’article 40 de la Constitution* pour juger l’amendement « irrecevable » financièrement et ainsi éviter au camp présidentiel un périlleux vote à l’Assemblée. Un tour de passe-passe qui agace Bertrand Pancher et ses collègues. « Vous avez ajouté à la crise sociale la crise institutionnelle. Vous deviez apaiser, vous avez ajouté de l’huile sur le feu. Funeste stratégie. Quand allez-vous enfin apaiser le pays en laissant les députés voter la loi ? », s’agace cet après-midi à la tribune le président du groupe Liot, visant expressément Elisabeth Borne. « Vous portez à son paroxysme l’art du paradoxe », réplique l’intéressée. La Première ministre rappelle que nombre d’élus Liot ont soutenu Valérie Pécresse à la dernière présidentielle, qui défendait une retraite… à 65 ans.

« Leur opposition, c’est mascarade et tartufferie »

En effet, rien ne prédestinait ce groupe rassemblant centristes, dissidents socialistes, ultra-marins et autonomistes corses, à devenir le cauchemar de l’exécutif. Jusqu’ici inconnu du grand public, Liot sort de l’ombre lors des débats à l’Assemblée sur la réforme des retraites. « Rien n’allait, ni sur le fond, ni sur la forme. Ils ont essayé de nous rouler dans la farine, avec les 1.200 euros pour tous, l’emploi des séniors, les 43 annuités, puis le 49.3… A un moment donné, ça nous a agacés », reconnaît Paul Molac, ex-macroniste déçu, élu du Morbihan. Après l’utilisation du 49.3 par Elisabeth Borne, le plus petit groupe du palais Bourbon va même jusqu’à déposer une motion de censure, qui manquera de faire tomber le gouvernement le 21 mars dernier - à neuf voix près. « C’est la première fois que j’en signais une », ajoute Paul Molac, « mais l’autoritarisme, les procédures d’exception utilisées, tout ça a laissé une impression détestable ».

Pendant des semaines, les élus Liot, portés par le duo Bertrand Pancher - Charles de Courson, ont pilonné l’exécutif, dénonçant « une réforme injuste ». Leur style offensif, tranchant avec la tempérance habituelle, a surpris et fortement agacé les macronistes. « Leur opposition, c’est mascarade et tartufferie. Ils se sont battus pour la retraite à 65 ans à la dernière présidentielle. Suivre l’avis de la majorité de l’opinion par intérêt électoral, c’est la base du populisme », grince Sylvain Maillard, député Renaissance de Paris. « Charles de Courson s’assoit sur les engagements qu’il porte depuis trente ans. S’il est en guerre contre Emmanuel Macron, il est peut-être temps de s’interroger sur son rôle de député », abonde Prisca Thevenot, élue Renaissance des Hauts-de-Seine.

« On va peut-être retomber dans l’anonymat »

Les critiques sont balayées par les intéressés. « Les attaques de porte-flingues, c’est du vent. Qu’un si petit groupe avec du savoir-faire fasse trébucher le gouvernement, je comprends que ça agace, mais c’est ainsi », réplique Paul Molac. Mais cette stratégie d’opposition radicale, comme le rapprochement dans cette séquence avec La France insoumise ou la CGT, n’est pas forcément du goût de tous au sein de Liot. « Il y a eu un vote en commission, donc on ne peut plus dire que l’Assemblée n’a pas voté sur les retraites… », souffle le député Liot des Vosges, Christophe Naegelen. « J’ai habité en Chine, j’ai été en Russie, en Biélorussie, je ne crois pas que véhiculer les critiques démocratiques portées par LFI soit juste. Tout ce qui est excessif est insignifiant, donc on ne devrait pas l’être », ajoute-t-il, à rebours des discours de ses alliés.

Avec la possible fin de la séquence retraites, une fois la niche parlementaire Liot passée, l’avenir du petit groupe se pose désormais. « Est-ce qu’on reste dans cette position d’opposition ou est-ce qu’on est pragmatiques et constructifs, c’est-à-dire qu’on pourra discuter aussi avec la majorité », interroge Christophe Naegelen. « On va peut-être retomber dans l’anonymat après jeudi, mais on va continuer à faire notre boulot, et on parlera de nous de temps en temps », sourit Paul Molac. Peut-être même pour les européennes l’année prochaine, où une liste Liot serait actuellement en préparation.

*Cet article stipule que toute proposition de loi parlementaire ne doit pas créer de charge financière nouvelle pour l’État.

Source: 20 Minutes