Belgorod, la région russe qui vit à l’heure de la guerre en Ukraine
Dans une rue de la ville de Shebekino, dans la région de Belgorod, après un bombardement, le 31 mai 2023. GOVERNOR OF BELGOROD REGION / VIA REUTERS
Pluie de roquettes, incursions, sabotages, incidents à répétition… nulle part ailleurs en Russie, la guerre n’est aussi tangible que dans la région de Belgorod. Limitrophe du nord-est de l’Ukraine, l’oblast subit désormais quotidiennement les conséquences de « l’opération spéciale » lancée il y a un an et demi par Vladimir Poutine.
Le 22 mai, plusieurs dizaines de membres de la légion Liberté de la Russie et du Corps des volontaires russes (RDK), deux mouvements issus de l’opposition ultranationaliste, y avaient mené une incursion d’une ampleur inédite. Fait sans précédent depuis le début du conflit, elle a contraint les autorités russes à instaurer brièvement un « régime légal de zone d’opération antiterroriste ». Le ministère de la défense russe assure qu’ils ont été repoussés sans coup férir, mais l’humiliation est d’autant plus cuisante qu’elle était loin d’être la première et manifestement pas la dernière.
Depuis début juin, des attaques ciblant la région russe ont pris une nouvelle ampleur avec des villages occupés, des duels d’artillerie, des morts et des blessés civils ainsi que des réfugiés fuyant les zones de combat.
Belgorod et Kharkiv, deux villes « étroitement liées » avant l’annexion de la Crimée
Un bouleversement pour la région russe dont une partie des habitants avait, avant l’annexion de la Crimée en 2014 et le soulèvement des miliciens prorusses du Donbass, l’habitude de faire le chemin inverse pour traverser la frontière, notamment pour se rendre à Kharkiv. La deuxième ville d’Ukraine se situe à 72 kilomètres au sud de Belgorod, soit moins d’une heure et demie de route. Son statut de métropole régionale en faisait une destination de choix pour le shopping et les loisirs. Beaucoup de Russes y avaient aussi de la famille ou des amis.
Les liens économiques très forts et l’axe reliant les localités russe et ukrainienne renvoient « à une forme d’urbanisation presque continue des deux côtés de la frontière », confirme David Teurtrie, maître de conférences et chercheur associé au Centre de recherches Europe Eurasie de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). La guerre « est d’autant plus une tragédie [dans la région] qu’elle touche des populations étroitement liées, pas seulement par le côté humain, mais aussi par des relations économiques », explique M. Teurtrie.
La ville de Belgorod a connu une croissance démographique régulière depuis la chute de l’URSS, une évolution « assez originale pour la Russie qui, à l’inverse, a plutôt connu une crise démographique » depuis 1991, à l’exception de certains grands centres, comme Moscou ou Saint-Pétersbourg. Cela pourrait s’expliquer, selon le chercheur, par la diversité de l’économie de la région, partagée entre une industrialisation datant du XIXe siècle (principalement métallurgique et mécanique) et une agriculture riche, grâce aux terres noires favorables à la production de céréales.
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Source: Le Monde