" Entre la Chine et les Etats-Unis, le yin et le yang "
En diplomatie, l’ambiguïté constructive peut être utile. Elle a sa place et même sa noblesse. Mais aussi ses limites. La Chine et les Etats-Unis entretiennent aujourd’hui une étrange relation : liens économiques étroits et hostilité politico-militaire affichée. Le business est ouvert, le dialogue politique est fermé. Est-ce une posture longtemps tenable ?
Les Etats-Unis n’y croient pas. Les événements de ces derniers jours illustrent la dangerosité de la situation. Fin mai, un chasseur chinois s’est livré, raconte le Pentagone, à une « manœuvre inutilement agressive » à l’encontre d’un avion d’observation de l’US Air Force. C’était au-dessus de la mer de Chine du Sud, dans ce Pacifique occidental sur 80 % desquels les Chinois revendiquent la souveraineté – affirmation unilatérale et non acceptée par l’Organisation des Nations unies. Lors du week-end des 3 et 4 juin, un navire de guerre chinois a risqué la collision avec un croiseur américain dans le détroit de Taïwan.
Ce type d’incident, disent les Etats-Unis, peut déboucher sur un accrochage armé entre les deux pays – bref, sur un engrenage incontrôlé. Le Pentagone dénonce l’agressivité croissante des Chinois dans les eaux comme dans l’espace aérien de la mer de Chine du Sud.
Peur du vide
Washington réclame le retour au dialogue institutionnalisé qu’entretenaient les deux hiérarchies militaires jusqu’au début des années 2010, avant qu’une relation faite d’hostilité et de rivalité ne s’installe entre les deux premières économies de la planète. « En l’absence de dialogue, les deux parties courent un risque inacceptable, celui d’aller comme des somnambules vers un conflit sur Taïwan », dit, au New York Times, la politologue Bonnie Glaser, du German Marshall Fund.
Fin mai, lors du Shangri-La Dialogue, séminaire annuel sur la sécurité régionale organisé à Singapour, le secrétaire américain à la défense, LLoyd Austin, a proposé une rencontre à son homologue chinois, Li Shangfu. Réponse de Pékin : non. Pas de dialogue tant que Washington n’aura pas levé les sanctions prises à l’encontre de Li durant la présidence de Donald Trump. Les Etats-Unis payent le prix de la « sanctionnite » qui les anime inconsidérément.
Début février, l’US Air Force a abattu un dirigeable d’observation chinois voguant paisiblement dans le ciel des Etats-Unis. La fureur des élus du Congrès, devant un acte d’espionnage caractérisé, a conduit le secrétaire d’Etat, Antony Blinken, à annuler une visite officielle à Pékin. Elle était censée briser des mois de silence entre les deux pays. Aucune nouvelle date n’a été fixée.
Il vous reste 53.59% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Source: Le Monde