Le prince Harry versus la presse people : une sortie de scène avec pertes et fracas

June 08, 2023
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Du drame intime à la société du spectacle, choisir l’indépendance a coûté cher au petit-fils de feue Élisabeth II. Le prince Harry saura-t-il se défaire élégamment de son statut people ?

Popularité en berne pour le prince Harry qui semble s’être pris les pieds dans le tapis rouge médiatique. Photo Max Mumby/Indigo / Getty Images

Par Caroline Veunac Partage

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C‘est le serpent qui se mord la queue. En 2020, le prince Harry, cadet du roi Charles III, renonçait à son rôle au sein de la monarchie pour s’installer en Californie avec sa femme, l’Américaine Meghan Markle. Depuis ce fracassant « Megxit », l’héritier de 38 ans s’est lancé dans une croisade contre les tabloïds anglais. Après avoir raconté sa vie sous les flashs des paparazzi dans un documentaire sur Netflix et un best-seller, l’exilé a porté plainte contre MGN, l’éditeur du Daily Mirror, qu’il accuse d’avoir eu recours à des écoutes téléphoniques entre 1990 et 2010 dans le but de publier des articles qui auraient nui à sa vie privée ainsi qu’à son équilibre psychologique. Quelle que soit l’issue de ce chapitre judiciaire, qui s’est ouvert le 5 juin devant la Haute Cour de justice d’Angleterre, sa démarche met en évidence une cruelle ironie : plus il monte au créneau pour dénoncer la surexposition dont il a été victime, plus il en décuple l’intensité.

Plutôt que de se faire oublier dans la quiétude des beaux quartiers de Santa Barbara, le protégé d’Oprah Winfrey a opté pour une stratégie à l’américaine, qui consiste à prendre le contrôle de sa propre peopolisation pour ne plus avoir à la subir. Au passage, il a brisé la culture du déni édictée par feu sa grand-mère (« Never complain, never explain ») et tué le frère en accusant son aîné William de petits arrangements avec la presse people. On peut saluer l’acte d’indépendance, mais face à l’hydre médiatique, jouer à ce jeu-là équivaut à jeter de l’huile sur le feu. Et sa rébellion, pilotée par une armée de publicists et formulée dans la novlangue confessionnelle de la télé-réalité, lui vaut un surcroît d’attention doublé d’un torrent de haine. Si tout le monde s’est rué sur son livre, Le Suppléant, c’est pour mieux pouvoir le détester, si l’on en croit sa popularité en berne auprès d’une presse et d’un peuple britanniques qui lui reprochent sa trahison.

Contradiction

Englué dans les sables mouvants de la société du spectacle, le richissime Harry pourra difficilement faire figure de David contre Goliath. Pourtant la question se pose : être né avec une cuillère en or dans la bouche interdit-il de dénoncer la persécution dont on a souffert ? En 2011, le tabloïd News of The World avait été condamné pour de semblables écoutes – la presse people n’est donc pas insubmersible. Si la justice penche cette fois aussi en faveur de Harry et de ses coplaignants, saura-t-il lui-même se défaire de son statut de people ? C’est finalement cette contradiction qui le rend touchant : dire que sa démarche est malhabile, voire autocomplaisante, n’interdit pas d’y reconnaître aussi la blessure réelle d’un petit garçon dont la mère est morte dans une voiture pourchassée par des paparazzi.

Source: Télérama.fr