Réforme des retraites : Braun-Pivet assiégée, débat écourté… A l’Assemblée, le baroud d’honneur des opposants

June 08, 2023
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A l’Assemblée nationale,

La montagne Liot aura finalement accouché d’une souris. Annoncée depuis de longues semaines comme la journée décisive dans la bataille sur la réforme des retraites, la niche parlementaire du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot) s’est transformé en fugace baroud d’honneur. Après quelques échauffourées dans l’Hémicycle, ce jeudi matin, le petit groupe parlementaire a finalement retiré sa proposition de loi, qui visait à abroger le texte gouvernemental, après qu’elle a été vidée de sa substance par les macronistes. Retour sur une journée de tensions, également marquée par une controverse sur l’attaque au couteau contre des enfants à Annecy.

Yaël Braun-Pivet assiégée

Peu avant 9 heures, elle traverse la salle des Quatre Colonnes comme un spectre fuyant micros et caméras. En déclarant « irrecevables », la veille, la (quasi) totalité des amendements de l’opposition, Yaël Braun-Pivet a changé le cours de la journée. Sa décision d’invoquer l’article 40 a douché les espoirs de vote sur le recul de l’âge légal à 64 ans. Durant toute la matinée, la présidente de l’Assemblée nationale est donc le principal punching-ball des oppositions. « Le choix que vous avez fait de recourir à l’article 40 porte un coup terrible à notre démocratie parlementaire », lance le député communiste André Chassaigne, alors que ses collègues s’installent dans l’Hémicycle. « Il n’était pas question de respecter la Constitution, mais de décisions politiques et partisanes visant, sur ordre de l’exécutif, à exclure toute possibilité pour l’Assemblée de voter », abonde dans la foulée Eric Coquerel, le président LFI de la Commission des finances. L’élu Liot Benjamin Saint-Huile se montre plus grave : « Vous êtes en situation d’affaiblir une parcelle de notre République ».

Yael Braun-Pivet, suivi par des journalistes. - Ludovic MARIN / AFP

Sur son perchoir, l’intéressée grimace. Elle fait ensuite les gros yeux lorsque, dans ce climat délétère, Clémentine Autaine oublie de la saluer avant de prendre la parole. « Moi, on m’a appris à dire bonjour, mais manifestement, ce n’est pas le cas de tout le monde… », soupire-t-elle. Les prises de parole s’enchaînent sans qu’une seule ne vienne manquer d’égratigner la macroniste. L’écologiste Sandrine Rousseau raille « la servilité d’un perchoir » envers Emmanuel Macron, Marine Le Pen la juge « responsable » d'« une rupture démocratique majeure ».

Une minute de silence

Agacée, Yaël Braun-Pivet rappelle que les parlementaires ne peuvent créer de charges aggravant les finances publiques. « La Constitution, rien que la Constitution, le règlement, rien que le règlement, c’est mon rôle », dit-elle. Mais elle semble parfois bien seule, tout là-haut, et attend de longues minutes pour que viennent les premiers soutiens du camp présidentiel. « Je considère que Madame la présidente a tout à fait respecté son rôle », glisse Jean-Paul Mattei, le président du groupe MoDem. « J’ai été assez choqué de voir tout à l’heure que l’ensemble de l’Hémicycle ne s’est pas levé lorsque la présidente a pénétré dans l’Hémicycle », ajoute Laurent Marcangeli (Horizons), qui dénonce « le manque de respect dont font preuve les députés de la Nupes ». Sous les coups, les macronistes font le dos rond. Et répliquent : « Vous souhaitez uniquement renverser la table et mettre à mal nos institutions », siffle le ministre du Travail, Olivier Dussopt.

Un drame transforme alors l’atmosphère. L’insoumise Mathilde Panot évoque au micro l’attaque au couteau ayant fait six blessés, dont quatre jeunes enfants, quelques heures plus tôt sur les bords du lac d’Annecy. Les députés scrutent leurs téléphones. En hommage aux victimes, une minute de silence est prononcée. Le répit est bref. Les clivages écrasent la cohésion nationale. La présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé, s’en va dire sa colère devant les caméras. « Être en ce moment dans l’Hémicycle avec une espèce de bataille de chiffonniers sur une recevabilité ou non d’amendements nous paraît en total décalage par rapport à l’effroi qui submerge notre pays quand des enfants sont attaqués ».

Débat écourté, motion de censure à venir

La sortie suscite les critiques, de La France insoumise jusqu’au Rassemblement national. « Instrumentalisation absolument odieuse » pour Manuel Bompard (LFI). « Indécence totale », pour Caroline Parmentier (RN). De quoi enflammer de nouveau les débats en séance ? Non, car le patron du groupe Liot, Bertrand Pancher, siffle la fin de la récré. « Il ne reste plus rien dans le texte, sauf évidemment les amendements de la minorité présidentielle. En responsabilité, nous avons décidé de retirer notre texte ». Dépitée, l’opposition est obligée de concéder sa défaite. Au lendemain d’une mobilisation nationale en baisse contre la réforme des retraites, la séquence semble sur le point de s’achever, et offrir un peu d’air à l’exécutif.

C’était sans compter la Nupes, qui annonce dans l’après-midi le dépôt d’une nouvelle motion de censure contre le gouvernement. Mais elle ne semble pas en mesure de rassembler autant de voix que celle ayant fait vaciller Elisabeth Borne au mois de mars dernier. La droite n’en veut pas et même les élus Liot, remontés comme des pendules, hésitent sur la marche à suivre. Cette motion devrait être examinée par l’Assemblée en début de semaine prochaine.

Source: 20 Minutes