Mort d’Alain Touraine : 5 livres phares du sociologue des mouvements sociaux
Le sociologue Alain Touraine est mort à Paris vendredi matin 9 juin. Il est l’auteur d’une œuvre prolifique, retraçant près d’un demi-siècle d’histoire sous le prisme des mouvements sociaux. (Re)découvrez son travail en cinq livres.
Alain Touraine laisse derrière lui plus de cinquante ouvrages décryptant les évolutions du monde et des mouvements sociaux. Intellectuel français et sociologue, proche notamment d’Edgar Morin, Alain Touraine est décédé à Paris dans la nuit du vendredi 9 juin. De son enquête au cœur du mouvement ouvrier dans les usines, à l’Amérique latine en passant par Mai-68, voici cinq livres rendant compte de la diversité du travail d’Alain Touraine.
1 La conscience ouvrière (1966, Seuil)
Alain Touraine est avant tout connu pour son étude du mouvement ouvrier. Après avoir obtenu une agrégation à l’Ecole Normale Supérieure (ENS), il se consacre à la recherche et rejoint le CNRS. Pour sa thèse, supervisée par le sociologue humaniste Georges Friedmann, il mène une enquête intitulée L’évolution du travail ouvrier aux usines Renault (1955). Le début de longues années de recherches sur les travailleurs de l’industrie, un milieu en pleine mutation à l’époque des Trente Glorieuses. En 1966, il publie La Conscience ouvrière. Un ouvrage où le sociologue analyse la "définition que les travailleurs se donnent de leur condition, de leurs objectifs et des conflits où ils sont engagés ; et à situer cette même idée par rapport à celles, plus classiques, d'attitudes au travail et d'action ouvrière."
2 Le mouvement de mai ou le communisme utopique (1968, Seuil)
"Le mouvement de mai", d'Alain Touraine. (Points / Seuil)
Lors des événements de mai 68, qui ont vu l’émergence d’un mouvement sociétal d’ampleur, Alain Touraine est aux premières loges. Il occupe un poste de professeur à la faculté de Nanterre, où le mouvement étudiant s’organise. Il compte notamment parmi ses élèves le jeune Daniel Cohn-Bendit, figure de proue d’une révolte qui touchera la France entière. Moins d’un an après les événements, Alain Touraine publie la première étude critique sur le sujet, Le mouvement de mai ou le communisme utopique. "Le soulèvement de mai fut plus un mouvement social qu'une action politique. Il est, un siècle après le socialisme utopique et la naissance de la société technocratique, l'expression du communisme utopique", indique le sociologue.
3 La parole et le sang (1988, Odile Jacob)
Alain Touraine a aussi porté ses réflexions sur l’international, avec notamment une étude sur le mouvement Solidarnosc (un groupement polonais d’opposition au gouvernement communiste) ou le Chili des années 1970. En 1988, il publie une grande étude sur l’Amérique latine, proposant une analyse générale, politique et sociale du continent sur un demi-siècle. Dans La parole et le sang, Alain Touraine analyse "les chances de croissance et de liberté en Amérique latine" et "amène à réfléchir sur les voies par lesquelles les peuples accèdent à leur propre histoire", avance la maison d’édition Odile Jacob.
4 Critique de la modernité (1992, Fayard)
"L'Occident a longtemps cru que la modernité était le triomphe de la raison, la destruction des traditions, des appartenances, des croyances, la colonisation du vécu par le calcul", introduit Alain Touraine dans son ouvrage. Avec Critique de la modernité, le sociologue propose un retour aux sources du concept de "moderne" et nous invite à "écouter la voix du sujet". Un sujet aux droits universels, en recherche de liberté. Cet essai marque un tournant dans la réflexion du chercheur. "Le déclin de ce qu'il avait appelé les nouveaux mouvements sociaux l'amène à chercher un fondement plus général pour la compréhension des conduites sociales et des mouvements sociaux. Il le trouve dans la notion de sujet qui avait été si violemment rejetée au cours des dernières décennies", indique l’éditeur Fayard.
5 La fin des sociétés (2013, Seuil)
Avec La fin des sociétés, Alain Touraine déclare l’avènement d’une ère "post-sociale et post-historique". Le sociologue analyse la façon dont la "décomposition du capitalisme industriel" implique la création d’un "autre type de vie collective et individuelle fondé sur la défense des droits humains universels contre toutes les logiques d’intérêt et de pouvoir". Il se penche sur des formes de militantisme contemporain, aux revendications "éthiques" : "les militants du Printemps arabe ou d’Occupy Wall Street, les indignados de la Puerta del Sol, les nouveaux dissidents chinois, les étudiants chiliens ou, plus généralement, le mouvement des femmes et des minorités sexuelles comme l’écologie politique".
Source: franceinfo