En Belgique, la victoire en demi-teinte des professionnels du sexe

June 12, 2023
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Sonia Verstappen chez elle, dans la banlieue de Bruxelles, le 26 mai 2023. GAEL TURINE POUR M LE MAGAZINE DU MONDE

Installée sur la terrasse de sa maison au standing ultramoderne en périphérie de Bruxelles, dans une commune tenue secrète par souci de discrétion, Sonia Verstappen met les petits plats dans les grands en ce début d’après-midi. Cette ancienne travailleuse du sexe de 71 ans, aujourd’hui à la retraite, apporte le plateau de fromages et semble prête à déboucher le rosé ou le champagne. Un apéro avant l’heure. Comme s’il y avait quelque chose à fêter.

Le 1er juin 2022, la Belgique est devenue le premier pays européen et le deuxième au monde, après la Nouvelle-Zélande en 2003, à décriminaliser la prostitution. Une pratique jusqu’alors tolérée, mais officiellement interdite. La fin d’une zone grise pour les quelque 6 000 travailleurs du sexe du royaume – un chiffre approximatif et impossible à vérifier –, dont a fait partie Sonia Verstappen pendant ses trente-huit années de « putanat », dit-elle avec le sourire, fière de sa formule.

Visage poudré et silhouette entièrement vêtue de noir, la septuagénaire est l’une des cofondateurs d’Utsopi, le premier collectif de travailleurs du sexe du pays créé en 2015. Avec l’objectif d’obtenir un statut social pour ces professionnels. C’est désormais chose faite. La loi leur confère à présent des droits sociaux, au même titre que n’importe quel indépendant : assurance-maladie, congé maternité, assurance-chômage, etc. Du moins, en théorie. Car, un an après l’adoption de la loi, la réalité du ­terrain demeure compliquée.

« Cette victoire est symbolique, car elle envoie un message de considération envers notre métier, se félicite Sonia Verstappen. Mais l’application de la loi se heurte toujours à une discrimination qui empêche de changer les choses. » Pour elle, le prochain défi est de bousculer les mentalités. « La prostitution n’a jamais eu bonne presse, euphémise-t-elle. Mais cette loi a le mérite de permettre aux travailleurs du sexe de sortir du placard, de s’assumer davantage dans une société qui peut se révéler très moralisatrice. »

Un accès au logement impossible

Sonia Verstappen, elle, n’a jamais eu honte de son métier. Elle s’est lancée en 1973, presque « par vocation ». « La mère de mon petit ami de l’époque tenait un bordel dans les quartiers nord de Bruxelles et elle m’a demandé si ça m’intéressait de rejoindre les autres dames de compagnie », raconte celle qui a lâché son poste de serveuse dans un restaurant de la Grand-Place de la capitale belge pour tenter l’aventure. Elle se poursuivra jusqu’en 2011, toujours dans la même vitrine, en tant qu’indépendante.

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Source: Le Monde