Drame de Plonévez-du-Faou : le tireur mis en examen pour assassinat [Vidéo]

June 13, 2023
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Si ce n’est son regard ahuri, Dirk Raats ressemblait à un inoffensif retraité, tandis qu’il pénétrait, sous escorte, dans la salle du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Brest. Il était 17 h 30, ce lundi 12 juin 2023. Avec sa généreuse moustache et ses cheveux mi-longs retenus en queue-de-cheval, il avait des faux airs de figurant échappé du dernier Astérix.

C’est ce ressortissant néerlandais de 70 ans qui a semé la mort et la terreur dans le hameau de Saint-Herbot , à la lisière des communes de Plonévez-du-Faou et de Loqueffret, dans le Centre-Finistère. Dans ce petit village construit autour de son emblématique chapelle, la journée de samedi s’était déroulée de la façon la plus banale. Dans l’après-midi, Adrian Thornton, âgé de 50 ans, avait élagué une haie qui séparait sa propriété et celle de ses voisins.

Ce débroussaillage anodin a fini d’exaspérer Dirk Raats, qui remâchait sa rancœur envers ce voisin, trop actif à ses yeux. Depuis son arrivée en 2019, Adrian Thornton a, en effet, entrepris de défricher son terrain longtemps abandonné à la végétation. La crise sanitaire lui a permis de mettre les bouchées doubles. Intolérable pour Dirk Raats, qui n’avait pas eu de voisinage entre 2015 et 2019. Tout à coup, le bruit d’une débroussailleuse était venu perturber son quotidien. Les travaux avaient eu un autre effet : ils avaient dégagé la vue sur sa bâtisse, jusque-là à l’abri des regards.

Il s’en était plaint en mairie. L’équipe municipale avait tenté, sans succès, une conciliation, fin 2020-début 2021. Samedi soir, après s’être alcoolisé et avoir fumé du cannabis avec sa compagne, Dirk Raats s’est saisi d’une carabine Winchester 22 Long Rifle. Dans leur jardin, les parents Thornton, assis sur un banc, profitaient de la fraîcheur du soir et regardaient leurs filles, l’une sur la balançoire, l’autre sur le trampoline. Dirk Raats a surgi « à 10 m de distance », selon le procureur, et a fait feu. Trois à quatre détonations auraient retenti.

Le GIGN activé

Premier visé, Adrian Thornton s’est écroulé. Son épouse a crié à leurs filles de s’enfuir avant d’être touchée à son tour. L’aînée, Solaine, 11 ans, est tombée, frappée en plein cœur. Sa petite sœur Céleste, 8 ans, a trouvé refuge chez des voisins. Le tireur s’est ensuite retranché dans sa grande maison. Rapidement alertés, les gendarmes ont bouclé la zone. « Il s’agissait de mettre les voisins et les victimes à l’abri, pour que le Samu fasse son travail », a relaté Charlotte Tournant, commandante du groupement du Finistère. Le GIGN et un négociateur ont également été activés.

Les deux carabines cachées

Il n’a pas eu à intervenir. Dirk Raats s’est rendu, sans arme, une demi-heure plus tard. Son épouse, appelée au porte-voix, a fait de même peu après. Elle avait pris le temps de cacher la carabine 22 LR Winchester et une autre carabine 30 X 30. Elles ont finalement été découvertes dans un carton. L’une comme l’autre avaient été acquises dans le sud de la France et en Normandie, sans autorisation ni déclaration. Déférée, l’épouse a été placée sous le statut de témoin assisté « pour soustraction d’objets afin de faire obstacle à la manifestation de la vérité », et laissée libre.

Inconnu de la justice

Dirk Raats a été présenté à un juge d’instruction, inculpé pour assassinat et tentative d’assassinat et écroué. Le ressentiment dans lequel s’était enfermé cet homme sera au cœur de l’instruction qui s’ouvre. Auparavant photographe et brièvement berger, il avait ensuite été éducateur durant 25 ans, en Belgique, prenant en charge des personnes lourdement handicapées au sein d’un institut spécialisé. Il était inconnu de la justice.

« Il leur faudra être très entourés »

De nombreux habitants de Saint-Herbot et de Plonévez-du-Faou, « la boule au ventre », éprouvaient le besoin de parler, ce lundi. « On a l’impression que les gens ne supportent plus rien, et ça prend des proportions dramatiques », témoignait une dame. Plusieurs dressaient le portrait du tireur en homme acariâtre, fuyant le contact, à l’opposé de la famille anglaise, « serviable, gentille, avenante… ». Le pronostic vital d’Adrian Thornton, hospitalisé en réanimation, à Brest, est toujours réservé. Son épouse, Rachel, est tirée d’affaire. Leur fille est en état de choc, prise en charge dans l’unité pédiatrique de l’hôpital Morvan, à Brest. La famille se faisait une joie de se rendre à Manchester, le 27 juin prochain, pour un séjour chez la mère de Rachel Thornton. « Je pense au moment où les survivants vont revenir dans leur maison. Il leur faudra être très entourés », témoignait, lundi, Marguerite Bleuzen, maire de Plonévez-du-Faou.

Source: Le Télégramme