" Aux Etats-Unis, la guerre culturelle n’est guère favorable aux entreprises "

June 13, 2023
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Vingt milliards de dollars la canette de bière : c’est ce qu’a coûté à Budweiser, le roi des brasseurs de Saint-Louis (Missouri), une unique boîte métallique de Bud Lite. Cette dernière avait été décorée à l’effigie d’une influenceuse transgenre, qui s’est empressée d’en faire la promotion sur Instagram.

Quarante-cinq secondes de clip plus tard, la catastrophe était déclenchée. Révolte autour des barbecues : dans le Midwest, l’Amérique profonde a cessé d’acheter la célèbre bière légère, dont les ventes ont chuté de 20 %. Panique à Wall Street, où la capitalisation de l’entreprise a perdu 20 milliards de dollars (18,6 milliards d’euros). Un séisme jamais vu, qui, loin d’être anecdotique, reflète l’état du débat aux Etats-Unis.

Le réchauffement climatique menace la planète, la Russie attaque l’Ukraine, le conflit gronde avec la Chine, mais le sujet qui obsède l’Amérique, c’est le sort des personnes transgenres, point d’orgue de la bataille culturelle qui oppose conservateurs et woke.

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Quel changement en huit ans, quand Donald Trump faisait campagne pour défendre les ouvriers blancs des régions désindustrialisées de la Rust Belt, la « ceinture de la rouille » ! Aujourd’hui, les Etats-Unis sont engagés dans un nouvel isolationnisme pour promouvoir « America first ». Le combat se concentre sur la guerre culturelle, dont le chantre est le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, prétendant à l’investiture républicaine pour 2024.

Bien sûr, cette réaction n’est pas un gage de succès. La décision de la Cour suprême, qui a supprimé le droit fédéral à l’avortement à l’été 2022, est une victoire à la Pyrrhus, qui a entraîné la mobilisation des femmes et la défaite relative des républicains aux élections de mi-mandat. A force d’aller trop loin, Ron DeSantis est en difficulté face à Donald Trump.

Il n’empêche : c’est le sujet dominant, et les entreprises n’en peuvent plus d’être sommées de prendre position sur tous les sujets sociétaux. Le point culminant avait été atteint, à juste titre, lors du meurtre de l’Afro-Américain George Floyd par un policier blanc de Minneapolis, en mai 2020. L’Amérique médusée a fait son examen de conscience collectif.

Valeur négative

Le reflux a d’abord concerné l’environnement. Après avoir eu une valeur négative sur les marchés au pire de la pandémie de Covid-19, le pétrole a rebondi, contribuant à l’inflation. La petite musique républicaine venue des Etats pétroliers du Sud et du Midwest était triple : désinvestir, c’est accroître la dépendance américaine, c’est faire envoler le prix du gallon d’essence, qui a un temps dépassé les 5 dollars, c’est avoir une performance boursière minorée des fonds de pension. Ces Etats ont adopté des lois bannissant les investissements publics des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), et l’idée de « désinvestir » les énergies carbonées a reflué dans un monde complexe : peut-on traiter pareillement des entreprises qui promettent d’utiliser la manne carbone pour réinvestir dans les renouvelables et celles qui promettent vaguement de capturer le carbone ?

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Source: Le Monde