" Et Dieu créa Barbie ", sur France.tv : une poupée à l’épreuve des stéréotypes depuis 1959

April 28, 2023
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Des poupées Barbie. BANGUMI

FRANCE.TV − À LA DEMANDE − DOCUMENTAIRE

La poupée Barbie ne fête pas un anniversaire particulier en 2023. Aussi faut-il probablement lier la diffusion du documentaire Et Dieu créa Barbie, de Julie Delettre et Gabriel Garcia, réalisé par Julie Lazare, à la sortie du film Barbie, de Greta Gerwig, attendu cet été sur les écrans.

Au vu de la longueur du film (1 heure et 26 minutes), on avouera s’être demandé si le sujet méritait de tels développements ; après l’avoir visionné, on conviendra avoir appris beaucoup de choses au long d’un décryptage varié et foisonnant. Les auteurs reviennent sur l’histoire de cette poupée commercialisée le 9 mars 1959 par la marque Mattel, fondée en 1945 en Californie, par Harold « Matt » Matson et Elliot Handler (d’où le « nom-valise » Mattel).

Désexualisation

Mme Handler était revenue d’un voyage en Europe avec, dans ses bagages, la poupée mannequin Lilli, produite depuis 1955 par une société allemande. Elle suggéra à son mari de faire fabriquer une créature qui pourrait, de la même façon, être habillée (et déshabillée) à l’envi grâce à de véritables vêtements miniatures. Le mari n’y crut d’abord pas, ignorant encore que son entreprise de jouets allait y trouver sa poule aux boucles d’or, si l’on ose dire.

Le documentaire relate ensuite la désexualisation d’une figurine pourtant inspirée par les formes généreuses de Jayne Mansfield : nettement « bustée », Barbie fut néanmoins privée de tétons. Trop stéréotypée, elle dut s’adapter : à partir de 2016, Mattel fut contraint de proposer des corps moins parfaits, ainsi que différents de types de cheveux et de couleurs de peau.

Une poupée handicapée en chaise roulante sera même commercialisée, puis une Barbie albinos, une Barbie transgenre (inspirée de l’actrice et activiste Laverne Cox) ou une autre, atteinte de vitiligo – non évoquées par le documentaire, pas plus que la Barbie en hidjab, sujet sensiblement plus clivant. Le 25 avril, Mattel commercialisait une Barbie porteuse de trisomie 21.

Des Barbie vivantes

Mattel a toujours surveillé de près l’image de sa créature de 29 centimètres : dans sa chanson Barbie (1986), Lio racontait « la déchéance de la poupée Barbie qui finit par se suicider », pour reprendre les termes des plaignants qui assignèrent en justice les auteur et producteur du titre mais perdirent leur procès. La société de jouets ne parvint pas davantage à ses fins en attaquant le groupe Aqua pour un autre tube, Barbie Girl (1997).

Le documentaire abonde en témoignages, de qualité inégale : Frédérique Bel, Zahia Dehar, Arielle Dombasle, Lio, Olivier Rousteing, Chantal Thomas, et la joueuse de football Amandine Henry, qui regrette que la figurine à son effigie fabriquée par Mattel n’ait pas été distribuée. Ainsi que des femmes journalistes, essayistes, conservatrices de musée (la séquence sur les poupées Barbie habillées par Yves Saint Laurent est étonnante), un chercheur en arts et en études de genre… Et des Barbie vivantes, prêtes à tous les risques occasionnés par des opérations de chirurgie plastique.

La fin est amusante. « Et Ken, dans tout ça ? », s’interroge le documentaire à propos du partenaire masculin de la poupée. Lio, fidèle à son salutaire franc-parler, lui règle son compte en quelques mots : « Ken ? Pour moi, c’est un crétin ! » Mais a-t-elle vu le nouveau Ken, non binaire, aux longs cheveux blonds ?

Et Dieu créa Barbie, de Julie Delettre et Gabriel Garcia, réalisé par Julie Lazare (Fr., 2023, 86 min). Diffusé sur France 5 le vendredi 28 avril à 21 heures et disponible jusqu’au 3 août en replay sur France.tv

Source: Le Monde