Ligne Lyon-Turin : l’interdiction d’une manifestation d’opposants confirmée par la justice
Manifestation contre le projet de ligne à grande vitesse Lyon-Turin, à Saint-Michel-de-Maurienne (Savoie), en mars 2015. JEAN-PIERRE CLATOT / AFP
Les opposants au chantier de ligne ferroviaire grande vitesse Lyon-Turin ont commencé à affluer vendredi 16 juin en vallée de Maurienne sans attendre la décision de la justice, qui a confirmé dans la soirée l’arrêté préfectoral interdisant leur grande manifestation prévue samedi.
Le tribunal administratif de Grenoble a rejeté une requête déposée par Europe Ecologie-Les Verts (EELV), Attac Savoie et l’association Vivre et agir en Maurienne, car la « configuration du parcours (…) ne garantit pas (…) la sécurité » du cortège, mais aussi du fait du « risque d’intrusion de sites particulièrement sensibles » et de l’éventuelle présence de « manifestants radicaux », selon l’ordonnance publiée sur le site du tribunal.
« Le droit de manifestation est de plus en plus restreint en France », a réagi auprès de l’Agence France-Presse (AFP) l’avocat des requérants, Me Arie Alimi, dénonçant une « criminalisation du mouvement environnemental engagée par le ministre de l’intérieur depuis un certain temps ».
La préfecture de Savoie avait interdit jeudi « toute manifestation ou rassemblement sur la voie publique » de vendredi à dimanche dans neuf communes de Maurienne « afin d’assurer la sécurité des personnes et des biens ».
« Ce sont eux qui cassent la montagne »
Sans attendre, les manifestants ont commencé à installer leur campement dans les prés, dans la partie basse de la vallée de la Maurienne, sur un terrain prêté par la commune de La Chapelle, hors de la zone d’interdiction tracée par les autorités. Un emplacement « plus confortable » pour les militants, où « on se sent en sécurité », souligne Pina, une militante des Soulèvements de la Terre. Préférant rester anonyme, elle rappelle que 2 000 policiers vont être déployés, tandis que les organisateurs attendent de 2 000 à 4 000 participants pour cette « mobilisation massive ».
Les autorités prévoient « un peu moins de 5 000 participants, dont de nombreux ressortissants italiens et suisses », avec « plus de 400 radicaux susceptibles de provoquer de graves troubles à l’ordre public ». Jeudi, la préfecture de Savoie avait dit « craindre des intrusions et des dégradations sur les chantiers » pour justifier les arrêtés, un motif retenu par la justice.
Quelque 107 interdictions administratives de territoire – destinées à bloquer l’accès d’un étranger en France lorsque « sa présence constitue un danger grave » – ont été prises, selon le ministère de l’intérieur. « Ce n’est pas nous les casseurs, ce sont eux qui cassent la montagne », s’indigne Etienne, 40 ans, venu de la région de Dijon, où il travaille dans le maraîchage.
Une dizaine d’organisations, dont les Soulèvements de la Terre et les No-Tav italiens, battent le rappel depuis plusieurs semaines en vue de ce rassemblement destiné à dénoncer l’impact « néfaste », selon eux, de ce chantier colossal lancé il y a plus de trente ans par l’Union européenne.
« La France n’a rien budgétisé »
Les tensions se cristallisent depuis que le ministère français des transports, sous pression du gouvernement italien et des partisans du projet, a commencé à chiffrer le coût des 150 km de voies d’accès au tunnel en cours de creusement sous les Alpes. « C’est la période des financements pour les travaux définitifs (…), la France n’a rien budgétisé (…), donc c’est le moment de l’arrêter », estime Max Milliex, un membre local du collectif Vivre et agir en Maurienne.
Des élus comme le maire EELV de Grenoble, Eric Piolle, et la députée La France insoumise (LFI) Mathilde Panot ont annoncé leur présence samedi.
Des décisions concernant d’autres recours contre les interdictions de rassemblements festifs ou la circulation d’engins agricoles devraient être publiées samedi matin, selon le tribunal administratif.
Selon les militants écologistes, le chantier « titanesque » impliquant le forage de galeries à travers les massifs alpins représente une menace du fait du drainage lié à la construction du tunnel, représentant « 60 à 125 millions de mètres cubes d’eau annuellement ». Selon eux, les travaux prévus vont provoquer « l’artificialisation de 1 500 hectares de terres agricoles » et « détruire la montagne pour les intérêts économiques de quelques-uns ».
« Il faudra bien un jour savoir dans quel esprit malade est née l’idée que le tunnel Lyon-Turin allait détruire la planète alors que les Suisses en ont construit trois identiques sans aucun problème », a répliqué jeudi dans un tweet le Comité pour la Transalpine, réunissant les partisans ardents du chantier, d’un coût global estimé à 26 milliards d’euros.
Le Monde avec AFP
Source: Le Monde