Le testament de Charlotte Corday, sujet de discorde entre l’Etat et les collectivités normandes

June 16, 2023
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Le manuscrit écrit par Charlotte Corday mis aux enchères par la maison de vente Osenat à Versailles, près de Paris. BERTRAND GUAY / AFP

Le rendez-vous du testament de Charlotte Corday avec la justice aura attendu deux cent trente ans. Cette lettre manuscrite, retrouvée dans le corsage de la Normande de 24 ans après qu’elle eut assassiné le révolutionnaire Marat, dans sa baignoire, le 13 juillet 1793, avait rapidement disparu du dossier de procédure. Mais il y a de fortes chances qu’elle revienne aujourd’hui dans les mains d’un juge.

Car elle est au cœur d’un conflit qui oppose les collectivités locales normandes à l’Etat. Ce document historique, où Charlotte Corday, guillotinée quatre jours après son arrestation, proteste contre le dévoiement de la Révolution par un pouvoir brutal, a été acquis par la région Normandie, le conseil départemental du Calvados et la mairie de Caen, dimanche 11 juin, pour 271 000 euros dans le cadre d’une vente aux enchères. L’Etat leur avait pourtant demandé de ne pas intervenir, car il souhaitait lui-même acquérir la lettre.

Aujourd’hui, l’Etat s’étonne que le commissaire-priseur ait maintenu la vente. Mais l’Adresse aux Français reste cependant pour le moment dans le coffre de celui-ci. Le service interministériel des archives de France doit, « dans les jours qui viennent », formaliser auprès du vendeur sa demande de restitution. Car pour l’entourage de la ministre de la culture, Rima Abdul-Malak, le document, « ayant été saisi pour être versé au dossier de procédure » de Charlotte Corday, puis « soustrait frauduleusement », est cependant « devenu une archive publique, inaliénable et imprescriptible ».

« Du mépris à l’égard des collectivités »

Les collectivités locales ne l’entendent pas de cette oreille. Hervé Morin, président (Les Centristes) de la région Normandie, Jean-Léonce Dupont, président (Union des démocrates et indépendants) du conseil départemental du Calvados, et Joël Bruneau, maire (Les Républicains) de Caen, ont prévenu, vendredi 16 juin, qu’ils attaqueraient la demande officielle de « revendication » de l’Etat devant le juge administratif. M. Morin s’étonne que Paris n’ait « pas revendiqué cette pièce depuis belle lurette ». Selon le président de la région Normandie, en effet, « il a eu deux occasions de le faire, ces dix dernières années, et il n’a rien fait ». C’est après que les collectivités locales se sont intéressées au document que, « par un phénomène assez extraordinaire, les services de l’Etat se réveillent ».

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Or, objecte-t-il, l’Etat s’est engagé en 2016 dans un document portant sur « la revendication des archives publiques » à s’abstenir « d’exercer le droit de revendication relativement à des documents déjà passés en vente publique, dès lors qu’elle avait été mise en mesure, au moment de cette vente, de contrôler la nature de ces documents dans les conditions légales prévues par le code du patrimoine ». Ce qui est le cas du testament de Charlotte Corday, qui avait déjà été vendu lors d’une vente aux enchères en novembre 2022.

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Source: Le Monde