Au procès du " tueur de DRH " Gabriel Fortin, la défense explore la piste du licenciement irrégulier

June 19, 2023
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Curieuse audience, ce lundi 19 juin aux assises de la Drôme. Bertrand Meichel, victime, aura passé près de trois heures à la barre.

Le 26 janvier 2021 au soir, l’homme était chez lui en télétravail, en pleine visioconférence, quand avait sonné à la porte un homme coiffé d’une casquette, un carton de pizza à la main. Il était allé ouvrir la porte. « Bertrand Meichel ? », avait demandé l’homme à la casquette, caché en plus par des lunettes et un masque chirurgical. Dans sa boîte à pizza, était dissimulée une arme. Un coup de feu était parti mais il avait raté sa cible. L’homme à la casquette avait fui, Bertrand Meichel l’avait poursuivi. Une bagarre avait éclaté, puis l’homme à la casquette avait repris sa voiture et s’était définitivement enfui.

Jugé pour trois assassinats et une tentative d’assassinat

Moins d’une heure plus tôt, à moins de 50 km de là en Alsace, la DRH Estelle Luce avait été abattue, alors qu’elle s’apprêtait à rentrer chez elle. Elle et Bertrand Meichel ont un point commun : ils ont participé au licenciement de l’homme à la casquette à l’été 2006, dans leur ancienne entreprise Francel, à Gallardon, près de Chartres (Eure-et-Loire). Bertrand Meichel, en tant que responsable des ressources humaines, Estelle Luce comme simple stagiaire.

Son nom ? Gabriel Fortin, jugé de puis le 13 juin pour trois assassinats, de deux DRH et d’une conseillère Pôle Emploi, ainsi que d’une tentative d’assassinat d’un DRH. Au premier jour de son procès, il s’était dit « victime » et parlait d’une « continuité de faits » qui ont eu « beaucoup de répercussion sur ma vie personnelle, sur ma vie intime ».

Ses avocats ont donc exploré ce lundi, auprès de Bertrand Meichel, les raisons du licenciement de leur client en 2006 : des problèmes de capacité de travail en équipe et des problèmes de compétences, selon la victime. Sa hiérarchie lui avait demandé d’opérer au licenciement pour faute de Gabriel Fortin, il n’en avait pas été d’accord, les éléments n’étant pas suffisants. Dans la procédure, Gabriel Fortin était qualifié « d’ingérable, de fort caractère, incapable de travailler en équipe ». « Certains disent qu’il était totalement insignifiant, rasant les murs, ne participant pas à la vie de l’entreprise », nuance pourtant le président Yves De França à l’audience. « Comment expliquez-vous que l’entreprise ait alors pu l’embaucher après le respect de sa période d’essai ? »

« Trois à quatre mois de période d’essai, ça ne suffit pas, estime Bertrand Meichel. Le fort caractère n’est pas interdit par le Code du travail. Mais le fort caractère en plus de l’incompétence, cela devient impossible. »

Les avocats de la défense insistent

Me Laëtitia Galland reprend alors, avec son confrère Me Romaric Chateau, en défense de ce même Gabriel Fortin recruté par Francel en octobre 2005, puis licencié en août 2006. Sans contester le poids des chefs d’accusation qui pèsent sur leur client, ils insistent : la période d’essai de Gabriel Fortin n’a pas été renouvelée au début de son contrat, signe que « les problèmes de compétence ne devaient pas être si importants ».

D’ailleurs, dans une audition, Bertrand Meichel dit : « Je me souviens de quelqu’un de brillant, mais avec du mal à travailler en équipe. » Un entretien d’évaluation a eu lieu le 26 juillet 2006 : « On lui dit que ça va mais que ce n’est pas parfait », souligne la défense. Il n’est alors pas question de licenciement.

« Vous pouvez comprendre qu’il ait ressenti cette procédure de façon brutale ? »

Mécontent de cette évaluation, Gabriel Fortin l’envoie à la direction générale dans la foulée, accompagnée d’une lettre de trois pages pour la contester. Le 28 juillet, il part en vacances. Une lettre en vue d’un entretien de licenciement est envoyée à son domicile le 7 août. « Quel est l’élément nouveau à ce moment-là ? », interroge Me Romaric Chateau. « Gabriel Fortin a envoyé son évaluation à la direction en la contestant. C’est le seul élément nouveau qui apparaît au dossier. » Bertrand Meichel est embêté. Gabriel Fortin est encore en congé le 16 août au moment de son entretien de licenciement. Le 23 août, ce licenciement lui est notifié. « Vous pouvez comprendre qu’il ait ressenti cette procédure de façon brutale ? ». « Non, oppose Bertrand Meichel. Parce qu’il y avait déjà eu un entretien fin mai début juin. »

Dans le box, Gabriel Fortin n’a toujours « rien de plus à dire ».

Source: Ouest-France