Giorgia Meloni reçue par Emmanuel Macron : un couple contraint

June 20, 2023
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Un entretien à l’Élysée en fin d’après-midi, ce mardi 20 juin, avec Giorgia Meloni, mais pas de dîner avec celle qui représente pourtant le deuxième partenaire économique de la France. Cet apparent « détail » du protocole n’est pas sans interroger alors que, le 16 juin, le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed Ben Salmane (alias « MBS ») était reçu avec tous les égards à déjeuner à l’Élysée. La France a vite oublié l’assassinat, dans l’enceinte de l’ambassade saoudienne à Istanbul en 2018, de l’opposant saoudien Jamal Khashoggi. « La différence de traitement est patente », souligne Jean-Pierre Darnis, professeur à l’université Luiss de Rome.

Des sujets de convergence

Entre la France et l’Italie, les dossiers importants ne manquent pas. « Les investissements et l’importance des échanges créent uneintégration permanente entre les deux pays. Cette relation ne peut pas être vue seulement par le prisme culturel et historique. La gérer ne se fait pas sans heurts », rappelle Jean-Pierre Darnis.

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Les sujets de convergence sont nombreux : le dossier ukrainien et le soutien appuyé des deux capitales à Kiev, la renégociation du pacte de stabilité budgétaire européen, la ligne ferroviaire Lyon-Turin voulue par les deux pays ou encore la mise en œuvre du traité du Quirinal, signé en 2021. Mais des divergences fortes existent entre les deux pays, comme sur la question migratoire : l’Italie rappelle régulièrement qu’elle se sent bien seule face aux arrivées massives de migrants sur ses côtes et que l’Europe ne fait pas grand-chose pour partager ce fardeau. Dernier sujet d’agacement en date : la candidature de Rome à l’Exposition universelle de 2030 que vient défendre à Paris Giorgia Meloni, alors que la France soutient celle de Riyad.

Plusieurs rencontres entre Macron et Meloni

Entre Emmanuel Macron et Giorgia Meloni, l’entente est loin d’être aussi cordiale qu’avec le prédécesseur de celle-ci, Mario Draghi, ou avec le président italien Sergio Mattarella, reçu chaleureusement par le président français début juin. L’Élysée avait insisté à cette occasion sur les « liens exceptionnels qui unissent » les deux pays. Rien de tout cela entre Emmanuel Macron et Giorgia Meloni. Les deux responsables politiques se sont toutefois déjà rencontrés à plusieurs reprises, dont deux fois en tête à tête.

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En octobre dernier, le président français avait été le premier chef d’État à s’entretenir à Rome – au cours d’un voyage pour le sommet de la paix et une rencontre au Vatican avec le pape – avec la toute nouvelle élue italienne, avant même qu’elle ne prenne officiellement ses fonctions. Au G20 au Japon, en mai, ils ont eu un tête-à-tête de 45 minutes et leurs ministres des affaires étrangères un entretien qualifié de « chaleureux » il y a un mois, à Rome. Le courant passe bien également entre les ministres de l’économie de part et d’autre. « Les dossiers entre les deux pays sont tellement importants et l’intégration si forte qu’ils doivent être traités au plus haut niveau », rappelle Jean-Pierre Darnis.

Deux leaders politiquement très éloignés

Comment, dès lors, expliquer ces tensions récurrentes entre Emmanuel Macron et Giorgia Meloni ? Certes, les deux dirigeants sont politiquement très éloignés : le premier se revendique d’un progressisme franchement pro-européen ; la seconde, qui est issue d’un parti post-fasciste et qui a adopté par le passé des positions nettement eurosceptiques, est à la tête d’une coalition ultraconservatrice. Pourtant, comme le souligne Jean-Pierre Darnis, « il n’y a pas eu de virage liberticide en Italie et l’opposition italienne dispute chaque loi. Même si certains dans le gouvernement peuvent avoir quelques proximités avec l’histoire du fascisme, les institutions judiciaires sont respectées. L’Italie n’est ni la Pologne, ni la Hongrie ».

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Pour l’enseignant à la Luiss de Rome, ces tensions sont avant tout liées à une « politisation » de la relation à des fins d’agenda intérieur. Pour preuve, ajoute-t-il, l’attaque du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin contre Giorgia Meloni que le premier accusait, en mai dernier, d’être incapable de gérer l’immigration dans son pays.

Source: La Croix