Assises : "Mort parce qu'il a tourné le dos à la délinquance"

June 22, 2023
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"C'étaient des bons amis, j'ai pas compris." Appelée mardi à la barre, la mère de Dimitri Saugrin a raconté le malheur qui a frappé sa famille le 6 mai 2019. Elle se trouvait justement au commissariat pour déposer plainte contre l'auteur des coups de feu tirés la veille dans le portail de sa maison, lorsqu'elle apprend que son fils vient d'être abattu devant chez elle par ses anciens camarades du quartier.

"C'était un garçon un peu coléreux mais avec un très bon coeur", décrit la mère de Dimitri, expliquant que son fils "avait laissé derrière lui" les bêtises et mauvaises fréquentations qui l'avaient conduit en prison. À sa sortie en 2016, il aurait commencé à mener une vie bien rangée aux côtés de sa compagne et de leur petite fille. "Il avait 33 ans, la vie devant lui. Sa petite n'avait qu'un an quand il est parti." Et la mère de famille de fondre en larmes : "Ils ont détruit sa vie et le cœur d'une mère. Eux sortiront de prison un jour, lui ne reviendra jamais du cimetière."

Même douleur et incompréhension pour la compagne de celui qui était surnommé "Tombé", comme écrit sur les tee-shirts de ses proches venus en nombre assister au procès de ses assassins présumés. "Je me suis efforcée de le remettre dans le droit chemin, qu'il aille en formation, qu'il retrouve un travail", raconte la jeune femme, qui a dû refaire sa vie loin du Port avec leur fille.

Sur sa relation avec les accusés, elle décrit : "Ça l'énervait un peu de les voir dépenser de l'argent facile, pendant qu'on trimait comme des gens normaux. Je lui disais de penser à sa fille, dont il s'occupait beaucoup", poursuit la compagne du défunt. "Il pensait mériter le même train de vie, ajoute-t-elle néanmoins, parce qu'il avait assumé pour eux." Sous-entendu que Saugrin avait fait de la prison pour protéger les intérêts de Fruteau et de la bande, "des copains d'enfance."

"Tiré pour tuer"

Est-ce là l'origine du conflit qui a viré au drame ? Pour Me Marie Briot, partie civile, "Dimitri n'était pas un ange. Mais c'est parce qu'il a voulu changer de vie et tourner le dos à la délinquance qu'il est mort. Ces deux-là ont voulu se débarrasser de lui alors qu'il menaçait de dénoncer leur trafic." L'avocate en veut pour indice cette publication sur les réseaux de Florent Pomeng peu avant le drame. Une photo de lui, tête encapuchonnée, barrée de la légende "Le business n'est pas un jeu." Ou ce message du même Pomeng, la veille : "Il faut se salir les mains."

Et Me Briot de battre en brèche la défense des accusés. "Personne à part eux n'a vu de couteau. Ni de sommation ou de tir en l'air. Pomeng a visé et tiré pour tuer."

Une action "concertée", embraye Me Aaéza Cadjee en évoquant la fameuse "réunion de Saint-Gilles", où les quatre occupants du véhicule se sont retrouvés après le drame pour "accorder leurs versions", et où le tireur en a profité pour changer de vêtements après avoir fait disparaître l'arme. "Qui d'autre encore les a aidés ? Cette question hante les jours de la compagne de Dimitri, qui a perdu un compagnon aimant et protecteur, et dont la fille ne pourra jamais célébrer la fête des pères", plaide l'avocate.

Le verdict est attendu aujourd'hui, après le réquisitoire et les plaidoiries de la défense.

Sébastien Gignoux

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Source: Clicanoo