Le prochain Michael Mann privé de salles : nouveau coup de pression d’Amazon sur le cinéma français

June 22, 2023
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En annonçant que les nouveaux films de Michael Mann et Luca Guadagnino sortiraient directement sur Prime Video en France, la plateforme de Jeff Bezos bouscule sciemment notre sacro-sainte “chronologie des médias”.

« Ferrari » de Michael Mann. Produit par Amazon Studios, le nouveau film du cinéaste américain sortira directement sur Prime Video, en contournant les salles françaises. STXFilms

Par Caroline Veunac Partage

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Si l’on espérait voir le prochain Michael Mann au cinéma, c’est raté. Alors que le très attendu Ferrari, son premier film depuis Hacker, en 2015, aura droit à une sortie en salle dans d’autres pays, les cinéphiles français seront condamnés à le regarder depuis leur canapé. Idem pour Challengers, le nouveau Luca Guadagnino (Call me by your name), avec Zendaya en entraîneuse de tennis. La raison ? Les deux longs métrages sont des productions Amazon Studios, et la firme rechigne à patienter dix-sept mois après une sortie salle pour pouvoir les diffuser sur sa plateforme, comme l’exige la chronologie des médias.

Cette annonce, faite le 19 juin lors du grand raout de Prime Video France par sa directrice générale, Brigitte Ricou-Bellan, a fait l’effet d’un serrage de vis : dans le bras de fer qui oppose l’ensemble des plateformes à la législation française, la firme de Jeff Bezos a décidé de montrer les muscles. Jusqu’à présent, elle avait pourtant paru moins crispée que ses concurrentes sur la question, laissant la primeure à la salle pour de grandes figures de la cinéphilie comme Woody Allen (Café Society, Wonder Wheel) ou Leos Carax (Annette) – en 2018, Luca Guadagnino en avait d’ailleurs bénéficié pour Suspiria.

Les exploitants lâchés par le système censé les protéger

Mais un an après la dernière révision de la chronologie des médias, qui avait réduit la fenêtre de trente-six à dix-sept mois pour Prime Video, et à quinze mois pour Netflix et Disney +, les plateformes n’ont visiblement pas fini d’en redemander. En décembre dernier, Disney + a dégainé la première en privant les petits spectateurs français d’une sortie de son film d’animation de Noël, Avalonia, l’étrange voyage. Prime Video vient donc ajouter du poids dans la balance, d’autant que Brigitte Ricou-Bellan, interviewée par le magazine américain Variety, a précisé que le sort réservé à Ferrari et Challengers s’appliquerait à d’autres films dans le futur. Un coup de semonce, alors même que selon la directrice générale, des négociations « très actives » sont justement en cours pour obtenir une nouvelle mise à jour de la réglementation française.

En filigrane, la volonté des plateformes de se rapprocher le plus possible de la fenêtre moyenne dans les autres territoires, qui s’élève à quarante-cinq jours. Mais du point de vue du système français, un délai aussi bref ferait pencher la logique de ticket vers une logique d’abonnement, au détriment de la pérennisation du grand écran, et d’un modèle de financement du cinéma qui repose en grande partie sur la salle.

Difficile de savoir si le coup d’échecs d’Amazon troublera outre mesure les deux réalisateurs intéressés, plutôt du genre à naviguer d’un médium à l’autre avec un mélange de pragmatisme et de fluidité esthétique. Une chose est sûre en revanche : il met les exploitants français, privés de deux sorties prestigieuses, face à l’ironie de voir le système censé les protéger se retourner contre eux. Quant aux spectateurs qui aiment encore voir leurs films dans les salles obscures, il les oblige à prendre un billet pour Venise, où Ferrari et Challengers seront présentés lors de la Mostra, en septembre. Ça fait cher la place de cinéma.

Source: Télérama.fr