" Nous nous sommes trompés ", le serpent de mer de la renégociation des contrats d’autoroutes

April 29, 2023
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« Nous nous sommes trompés. » Il n’est pas si fréquent de voir un homme politique admettre une erreur, comme l’a fait Bruno Le Maire lors de son audition devant les députés le 22 mars 2023. Le ministre de l’Économie a admis que la rentabilité des concessions autoroutières était anormale, bien supérieure à ce qui était prévu lors de leur privatisation, en 2005, par le gouvernement dirigé par Dominique de Villepin… Dont Bruno Le Maire était alors le directeur de cabinet.

C’est la faute originelle, mais ce n’est pas la seule. Au fil des années, différents gouvernements ont eu recours aux sociétés d’autoroutes pour leur faire financer d’importants travaux. Avec une contrepartie : l’allongement de la durée des contrats, donc de la manne dont elles profitent. Sans compter des risques de « surcompensations », pour reprendre le terme utilisé par la Cour des comptes dans un référé de 2019.

Exemple en 2015. Un plan de 3 milliards d’euros est signé, côté gouvernement, par Emmanuel Macron et Ségolène Royal, alors ministre de l’Économie et ministre de l’Écologie. Leurs directeurs de cabinet respectifs étaient Alexis Kohler, aujourd’hui secrétaire général de l’Élysée, et Élisabeth Borne, Première ministre. « Je n’ai pas suivi les négociations », a raconté Ségolène Royal lors d’une audition devant le Sénat. En privé, elle prétend avoir ignoré qu’Élisabeth Borne avait été la directrice des concessions d’Eiffage, en 2007 et 2008, et juge qu’à ce titre, elle aurait dû « se défausser ».

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Nationaliser ?

Les années passent et les milliards s’accumulent pour les sociétés d’autoroutes. Lors de la campagne présidentielle de 2022, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen ou le communiste Fabien Roussel ont réclamé leur nationalisation. « La renationalisation est un slogan politique qui ne tient pas la route, signale toutefois l’économiste Yves Crozet. Ce serait leur verser une trentaine de milliards d’indemnités ! »

L’enjeu est surtout de préparer les échéances qui approchent car les principales concessions arrivent à terme entre 2031 et 2036. C’est court, si l’on tient compte de la durée des appels d’offres. Pour sortir de l’impasse, le sénateur socialiste Olivier Jacquin propose de créer un nouvel établissement public. Baptisé « Routes de France », il pourrait « utiliser la manne des autoroutes pour financer l’entretien du réseau non concédé, comme les départementales et les anciennes nationales. » Mais aussi le verdissement du réseau autoroutier ainsi que le ferroviaire, comme le propose également le ministre des Transports, Clément Beaune, qui compte organiser des « Assises des autoroutes » d’ici à l’été. L’Assemblée nationale poursuit aussi sa réflexion : les superprofits des concessions y feront l’objet d’un débat mercredi soir.

Source: Ouest-France