VIDÉO. La folle histoire de la femme de l’ex-PDG d’Indigo, cauchemar des écuries françaises
« À droite c’est Daphné et à côté c’est Éolie », indique Laurie Caubert en désignant, un licol entre ses doigts, deux chevaux bien portants à la robe alezan. Derrière la barrière qui la sépare des équidés, l’imposante silhouette blanc tachetée de Cavendish se détache. « Je ne sais pas ce qu’ils vont devenir. Ils ne méritent pas ça », soupire cette gérante d’un centre équestre associatif de Seine-et-Marne. Ouvert il y a quatre ans, l’Équilibre & Cau est déjà menacé de fermeture, asphyxié par les impayés d’une cliente.
En 2021, cette dernière confie deux chevaux à Laurie Caubert pour les mettre en pension et lui laisse les soins d’une jument gestante dont elle s’occupera gratuitement en échange d’un accord de propriété sur le poulain. Mais environ six mois plus tard, en décembre 2021, les paiements s’interrompent. Et lorsque Daphné met bas, Laurie se retrouve avec deux chevaux supplémentaires en pension sur les bras, sans réaction de la part de sa débitrice.
« La facture d’impayés s’élève aujourd’hui à environ 15 000 euros », estime la jeune femme, entre le prix du foin « qui augmente », les soins vétérinaires, les frais de maréchalerie et la pension impayée. « Clairement, l’association est en danger », s’alarme-t-elle, « dépassée ». « Si mon père n’avait pas réinjecté de l’argent, on aurait fermé l’hiver dernier. On est en survie ».
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En menant des recherches avec son père, Laurie Caubert découvre alors avec stupéfaction que sa mauvaise payeuse n’en serait pas à son coup d’essai et cumulerait les dettes à travers la France. Au cours de notre enquête, nous avons pu remonter la piste d’au moins dix écuries en Bretagne, Seine-et-Marne, Ariège, Normandie ou encore en Loire-Atlantique, accusant Laurence Clemente de ne pas régler les pensions de ses chevaux. Cette dernière en posséderait, selon ses dires, plus de soixante. Une vingtaine serait, selon nos informations, dans l’une de ses propriétés, en Ariège.
Partout où elle va, la sexagénaire, ancienne championne de France de natation, fait état de son pedigree à ses interlocuteurs. « Madame Laurence Clemente, future ex-femme du PDG d’Indigo. Elle se présente toujours comme ça », assure Corinne Accary, à la tête du Park, un élevage plutôt réputé dans le Morbihan. Sur ses réseaux sociaux, son statut marital est aussi mis en valeur. « Laurence mariée à Serge Clemente, PDG d’INDIGO », peut-on lire en préambule de son compte LinkedIn. Son mari, avec qui elle est en procédure de divorce, a quitté ses fonctions à la tête du leader du stationnement début avril. « Elle dit aux gens, ’ne vous inquiétez pas, je vais toucher beaucoup d’argent dans mon divorce’. Beaucoup d’argent… Moi ça fait six ans que ça dure », soupire l’éleveuse qui affirme avoir eu jusqu’à treize chevaux lui appartenant sur ses terres.
Aujourd’hui, il lui en reste six. « Les autres sont allés faire des impayés ailleurs », sourit-elle, énigmatique. Certains des équidés faisaient partie de son élevage et ont été achetés par Laurence Clemente. Mais elle n’aurait jamais réglé la totalité de la somme. « Elle ne m’a payé que 14 % d’Éolie », affirme Corinne en désignant un étalon enfermé dans un box. « Je me retrouve bloquée avec et c’est moi qui l’entretiens ». Au total, Laurence Clemente lui serait redevable d’environ 150 000 euros. « À chaque fois que je prends un round de foin, que j’emmène pour ses chevaux à elle, je me dis : ’voilà Corinne, tu as encore dépensé 40 balles pour elle’. Et ça fait mal au cœur », s’enflamme-t-elle. Déjà en difficulté financière, la pression de ces chevaux supplémentaires l’a contrainte à « vendre un appartement parisien » ainsi que quelques chevaux.
« Il y a une obligation légale de bientraitance animale. La personne à qui l’animal a été confié lui doit les soins les plus essentiels », détaille maître Aude Betzler, avocat de l’écurie de Seine-et-Marne, Équilibre & Cau et docteur en droit équin. Autrement dit, « on est coincé », résume Corinne Accary qui explique ne pas avoir le droit de les utiliser pour une quelconque activité. Elle avoue avoir parfois pensé à les déposer devant l’immeuble de Laurence Clemente, en plein Paris. « Mais, précise-t-elle, je suis tenue pour responsable s’il arrive quoi que ce soit. »
« C’est la lutte des classes »
Contactée, Laurence Clemente a accepté de répondre à nos questions. À peine installée sur son siège, la femme, décrite comme « très procédurière » par la quasi-totalité des écuries que nous avons interrogées, annonce la couleur : « J’imagine que je vais porter plainte pour diffamation, accusations calomnieuses et tout ça ». Interrogée sur les 150 000 euros dont elle serait redevable envers l’élevage du Park, elle s’emporte : « Et pourquoi pas 10 millions ? C’est la fête du slip, c’est la lutte des classes. La grosse richarde que je suis doit payer à la pauvre madame Accary ».
Dans le cas de l’écurie de Laurie Caubert, en Seine-et-Marne, elle explique avoir arrêté de payer les pensions en raison des factures jugées « fausses » et l’accuse « d’arnaque à la TVA ». Pourtant, une association est en droit de facturer une prestation de service et peut être, sous certaines conditions, exonérée de TVA. Dans le cas de l’élevage du Park, elle affirme que les chevaux n’ont jamais été en pension et qu’ils étaient en fait loués à Corinne Accary pour « faire des poulains ». Nous avons pourtant pu consulter un contrat de pension et des reconnaissances de dettes manuscrites évoquant le règlement incomplet de certains chevaux et des impayés pour « l’entretien » des équidés. Laurence Clemente affirme n’avoir jamais signé le premier et se refuse à commenter les deuxièmes. « Une procédure pénale est en cours », répond-elle simplement.
« Je pèse mes mots, ils (les écuries, NDLR) sont payés, et j’ai des preuves, par des personnes pour me nuire. Ce sont des gens qui sont sous influence et qui, dans l’énorme divorce dans lequel je suis mêlée depuis six ans, essayent de récupérer de l’argent, de la part des hommes de main de mon mari », assure-t-elle, sans nous fournir les preuves des propos avancés.
Contacté, Serge Clemente n’a pas donné suite à nos sollicitations mais son avocate a accepté de nous répondre par écrit : « Sachez que de nombreuses procédures sont en cours devant des juridictions différentes dans le cadre de factures impayées par Madame Bensimon (nom de jeune fille de Laurence Clemente) à différents haras. Ces procédures étant en cours, Monsieur Clemente ne souhaite pas s’exprimer et se réserve la possibilité de le faire une fois que celles-ci seront clôturées », commente-t-elle dans un mail le lendemain de notre entretien.
Des ventes aux enchères ?
Depuis fin 2021, les écuries peuvent recourir à une nouvelle procédure qui leur permet de vendre les chevaux aux enchères et ainsi recouvrir au moins une partie des impayés. C’est ce que tente de faire aujourd’hui l’écurie de Laurie Caubert, en Seine-et-Marne. « Un premier référé a été déposé pour mettre aux enchères ses chevaux pour qu’ils partent. Une deuxième action en justice sera faite pour espérer récupérer l’argent qu’elle nous doit », détaille Christophe Caubert, président de l’association Equi-libre & Cau et père de Laurie.
Mais dans toutes les actions en justice dans lesquelles elle est mêlée, un problème se pose : « Elle fait tout pour ralentir les procédures », assurent de nombreux témoins. « Les contrats de pensions sont à son nom et au nom de sa fille. Mais on s’est rendu compte que les chevaux étaient à d’autres noms, des noms de sociétés ou bien de son fils mineur », dévoile Laurie Caubert. « Forcément ça multiplie juridiquement les interlocuteurs. On n’arrive pas à saisir, à recouvrir », complète Maître Aude Betzler, son avocat.
« Un dossier comme ça, on en a qu’une fois dans sa vie ! », s’exclame Maître Eveno, qui représente plusieurs écuries en Bretagne dans les litiges qui les opposent à Laurence Clemente. Dans un procès en cours depuis 2018 sur une affaire d'haras à 1,6 million d’euros jamais réglé, « elle a changé une quarantaine de fois d’avocat », témoigne-t-il. « L’énergie judiciaire dépensée… », souffle-t-il avant d’ajouter : « il faudrait une pièce entière pour y mettre toutes ses procédures ».
Source: Le Parisien