Derrière les " start-ups d’Etat ", les bonnes affaires de l’entrepreneur Pierre Pezziardi

June 26, 2023
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Appliquer les recettes des entrepreneurs du numérique au service de l’administration. Tel est le mantra des « start-ups d’Etat », grand programme de services publics numériques développés en quelques mois avec des effectifs réduits, comme pourraient le faire de jeunes diplômés. La nouvelle feuille de route de la direction interministérielle du numérique (Dinum), publiée le 12 juin, consacre cette « expérience réussie », qui a donné naissance à la plate-forme Démarches simplifiées, à la boîte à outils Mon entreprise ou au site du Pass culture. En dix ans, y lit-on, les start-ups d’Etat ont prouvé que la sphère publique peut développer « des services numériques innovants en dépassant les modes classiques d’organisation administrative ».

Mais cette multiplication d’incubateurs publics s’est accompagnée de dérives, avec un recours systématique à des prestataires et d’importants conflits d’intérêts, révèle une enquête du Monde. Le cas de l’entrepreneur Pierre Pezziardi interroge tout particulièrement : inspirateur du projet à ses débuts, il a ensuite été l’un des principaux bénéficiaires des marchés publics afférents, usant de son entregent et jouant sur un certain flou quant à ses attributions réelles.

L’histoire commence en 2013 à Etalab, le service responsable de la politique des données publiques du gouvernement français. Son directeur de l’époque, Henri Verdier, fait appel à l’entrepreneur multicarte Pierre Pezziardi pour refondre son portail data.gouv.fr. L’informaticien gère le projet comme il l’aurait fait dans le privé, avec succès, et une facture « divisée par vingt » par rapport aux prestataires précédents.

Un « entrepreneur en résidence »

Le duo décide alors de répliquer la méthode ailleurs. Les start-ups d’Etat sont nées. En 2015, Henri Verdier prend la tête de la Dinum, alors appelée Dinsic, et lance l’incubateur beta.gouv.fr. Le principe est simple : un agent public propose de s’attaquer à un problème précis de l’administration. Si son dossier est choisi, cet « intrapreneur » se voit confier un budget, un coach et un ou plusieurs développeurs informatiques, avec six mois pour prouver l’utilité et la viabilité de son projet. D’une dizaine de projets en 2015, les start-ups d’Etat essaiment : on en compte 173 en activité en 2022.

Pierre Pezziardi s’est présenté pendant des années comme « entrepreneur en résidence », sans mentionner le fait qu’il était un prestataire extérieur à l’administration dans le cadre des start-ups d’Etat. YOUTUBE.COM / BLENDWEBMIX

Sur son site, Pierre Pezziardi écrit qu’il « a créé et animé la filière des start-ups d’Etat » de 2013 à 2019. Durant toutes ces années, il se présente comme « entrepreneur en résidence » dans l’appareil d’Etat. De conférences en interviews, il défend sa cause avec passion et une louche de provocation vis-à-vis des administrations, jugées trop rigides. Ce qu’il ne dit pas clairement, en revanche, c’est qu’il intervient sur les start-ups d’Etat en tant que consultant, avec sa société personnelle, Informatique Conviviale Conseil, qui a largement bénéficié financièrement de l’expansion du projet. Lui assure ne pas voir le problème : « Je n’allais juste pas rappeler mon statut à chaque fois », explique-t-il au Monde.

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Source: Le Monde