" Les Gucci, c’est pour nous " : récit d’une nuit de pillages à Paris et partout en France

June 30, 2023
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« Faut pas avoir les yeux plus gros que le ventre les filles. Prenez juste ce qu’il faut pour votre daronne (NDLR : votre mère). » Rue de Rivoli, peu après 1 heure du matin jeudi soir, la devanture de la boutique Zara vient de voler en éclats, la curée peut commencer.

Des dizaines de jeunes au visage masqué se servent sur les portants du magasin de prêt-à-porter : un chemisier par-ci, un jogging par-là, une casquette et une paire de lunettes pour compléter le tout. Les pillards remplissent de grands sacs cabas en un rien de temps avant de décamper, sans être inquiétés par la police mobilisée en banlieue parisienne, épicentre des violences.

Les émeutiers à l’assaut du centre-ville

Dehors, les vitrines des boutiques luxueuses de cette grande artère ont été fracturées sans ménagement, les poubelles systématiquement incendiées. À l’angle de la rue du Louvre, c’est un commerce de bijoux et maroquinerie qui est dévalisé. Des silhouettes s’engouffrent dans la pénombre et ressortent les bras levés, brandissant des sacs à main de luxe. « Les Gucci, c’est pour nous », s’exclament deux adolescentes, hilares. Au cours de la scène, aucune mention n’est faite du nom de Nahel, ce garçon de 17 ans tué par un policier lors d’un contrôle routier à Nanterre, le 27 juin.

« Le Gucci, c’est pour nous. » De nombreux pillages en cours entre rue du Louvre et Rue de Rivoli dans le 1er arrondissement de Paris. Les émeutes des quartiers d’Ile-de-France gagnent le centre-ville de la capitale @LaCroixpic.twitter.com/Tb12frcGEd — Antoine Oberdorff (@A_Oberdorff) June 29, 2023

Parmi les émeutiers, l’euphorie se mêle au désir de vengeance, le tout dans un climat quasi-insurrectionnel. Un plan d’attaque se dessine pour les jours à venir : « Puisque Nanterre et la banlieue ça leur suffit pas, on va faire les choses différemment wallah. On va voir ce qu’ils ont à dire les petits bourgeois parisiens », lâche l’un des meneurs aux traits juvéniles. Le mot d’ordre pour ce week-end : alimenter le chaos dans les communes de l’ancienne ceinture rouge pour détourner les effectifs des forces de l’ordre et embraser le cœur de Paris. Les services de transport en commun franciliens l’ont anticipé : jeudi soir, les liaisons en bus et tramways étaient coupées à partir de 21 heures.

667 interpellations partout en France

Une demi-heure après le début des pillages dans le premier arrondissement de Paris, et alors que les hostilités avaient débuté dès minuit devant l’enseigne Nike du forum des Halles, les sirènes des camions de police se font finalement entendre. Celles et ceux qui n’ont pas eu le temps de détaler sont plaqués au sol sur l’esplanade du Louvre, puis embarqués. Ils seront seize à être ainsi interpellés avec des sacs, des chaussures et des vêtements dérobés. « Sortez les flashs et filmez, ils pourront pas les taper », hurle un témoin. Comme une allusion au rôle joué par la vidéo de l’interpellation de Nahel dans la mise en examen pour homicide volontaire du policier auteur du tir mortel.

Des jeunes sont interpellés par les forces de l’ordre sur l’esplanade du Louvre. Les témoins de la scène : « Sortez les flashs et filmez, ils peuvent pas le taper » @LaCroixpic.twitter.com/GfBj9EuEwP — Antoine Oberdorff (@A_Oberdorff) June 30, 2023

Comme depuis le début de ce déferlement de violences, les poussées enregistrées en Ile-de-France se répandent aussitôt à l’autre bout de la France. Les pillages ne font pas exception à la règle : une boutique de téléphonie Orange à Marseille (Bouches-du-Rhône), un Apple store à Bordeaux (Gironde), des enseignes de grande distribution alimentaire à Sevran (Seine-Saint-Denis) et Cergy (Val-d’Oise).

Les 40 000 policiers et gendarmes mobilisés, dont 5 000 pour la seule ville de Paris, n’auront pas suffi endiguer la propagation des violences urbaines. Pas plus que le renfort des unités d’intervention de la BRI, du GIGN et du Raid. Douché par une pluie de projectiles et de mortiers d’artifice, leur camion blindé a même été contraint de battre en retraite à la cité Pablo-Picasso de Nanterre. Dans un tweet, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a fait état de 667 interpellations partout sur le territoire. L’essentiel aurait entre 14 et 18 ans.

Source: La Croix