Nouveau préfet de la " doctrine de la foi ", le pape François choisit la rupture
C’est un proche parmi les proches que François vient de nommer, samedi 1er juillet, comme préfet du dicastère pour la doctrine de la foi. Le pape a choisi Mgr Vìctor Manuel Fernàndez, un théologien argentin, archevêque de La Plata depuis 2018, pour prendre la tête de ce service stratégique de la Curie, héritier de la Sainte Inquisition.
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À 60 ans, celui qui sera désormais chargé, à partir de la mi-septembre, d’être le « gardien du dogme » de l’Église catholique, a un long parcours de théologien derrière lui. Né en Argentine, où il avait noué des liens proches avec le pape François, il a fondé au milieu des années 1990 un centre de formation pour les laïcs, avant de diriger, pendant neuf ans, la prestigieuse université catholique pontificale argentine. Parmi les centaines d’articles dont il est l’auteur, on trouve un fil conducteur : le dialogue entre la théologie et la culture contemporaine, ainsi qu’une importance accordée aux questions sociales.
Carta do #PapaFrancisco a dom Víctor Manuel Fernández, que dirigirá o Dicastério para a Doutrina da Féhttps://t.co/6lzPXrzRrw — Vatican News (@vaticannews_pt) July 1, 2023
La plume du pape
Depuis le début du pontificat de François, celui qui fut également président de la Société argentine de théologie a multiplié les allers-retours à Rome, pour travailler avec François, dont il est l’un des proches. « Lorsque le pape a un texte important à écrire, il s’enferme une semaine avec Mgr Fernàndez, et ils travaillent sans relâche jusqu’à ce quelque chose en sorte », explique l’un des amis du pape. Le théologien argentin fut d’ailleurs l’une des plumes principales d’Amoris Laetitia, l’exhortation sur la famille publié en 2016 et qui avait provoqué de forts débats dans l’Église catholique, notamment sur la situation des divorcés remariés. Il a également passé les jours précédant sa nomination, fin juin, à la résidence Sainte Marthe, où vit François, pour travailler avec le pape.
C’est donc un profil de rupture qu’a choisi le pape François pour succéder au jésuite Luis Ladaria, à la tête de la doctrine de la foi depuis 2017, et ayant atteint la limite d’âge. À Rome, certains se souviennent encore de l’entretien donné par le théologien argentin au Corriere della Sera, en mai 2015. À l’époque, l’archevêque argentin expliquait ainsi au quotidien italien que la Curie romaine « n’était pas essentielle ». « Le pape pourrait tout aussi bien aller vivre en dehors de Rome, avoir un dicastère à Rome et un à Bogota, et peut-être se connecter par vidéoconférence avec des experts en liturgie qui résident en Allemagne », expliquait-il alors.
La fin de la lutte contre les erreurs doctrinales ?
Au nouveau préfet, le pape François donne un cap clair, celui de « veiller sur l’enseignement » de l’Église, « mais pas comme des ennemis qui montrent du doigt et condamnent ». Cette conception de ce dicastère, dont le travail est précisément de condamner les déviances théologiques, risque de faire couler beaucoup d’encre, mais est parfaitement assumée par le pape. « Le Dicastère que vous présiderez a connu d’autres époques où des méthodes immorales ont été utilisées, écrit François dans une lettre en espagnol adressée à son ami argentin, et publié par le Vatican. Il s’agissait d’époques où, au lieu de promouvoir la connaissance théologique, on poursuivait d’éventuelles erreurs doctrinales. Ce que j’attends de vous est sans aucun doute très différent. »
« Il est bon que votre tâche exprime que l’Église encourage le charisme des théologiens et leur effort de recherche théologique à condition qu’ils ne se contentent pas d’une théologie de bureau, d’une logique froide et dure qui cherche à tout dominer », écrit encore François, avant d’insister sur son attachement à « une pensée capable de présenter de manière convainquant un Dieu qui aime, qui pardonne et qui sauve ».
Lutte contre les violences sexuelles
À la tête de son dicastère, le nouveau préfet aura aussi responsable de la lutte contre les violences sexuelles les plus graves, puisque c’est son dicastère qui est chargé de traiter les dossiers de pédophilie et d’atteintes sexuelles sur les majeurs protégés. Au fil des années, la « section disciplinaire » n’a fait que croître, atteignant 25 « officiaux », contre 18 il y a 5 ans. La « section doctrinale », elle, garante du respect de la bonne doctrine, compte quant à elle 9 personnes.
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Il est plus que probable que cette nomination provoque de nombreux commentaires à Rome, tant le profil du nouveau préfet est proche de François, et surtout qu’il incarne une nouvelle conception du dicastère pour la doctrine de la foi. Dans l’entretien accordé au Corriere della Sera en 2015, Mgr Fernàndez développait l’esprit de la réforme de la Curie romaine initiée par son compatriote : « Le pape va lentement parce qu’il veut être sûr que les changements auront un impact profond, disait-il alors. La lenteur est nécessaire à leur efficacité. Il sait que certains espèrent qu’avec le prochain pape, tout ira en arrière. Si l’on va lentement, il est plus difficile de revenir en arrière. » Un soutien apporté à une réforme profonde. Et définitive.
Source: La Croix