Sanctionner les parents " défaillants " : que dit la loi ?
► Est-il possible de supprimer les allocations familiales versées aux parents de mineurs délinquants ?
Emmanuel Macron a évoqué, le 4 juillet, la perspective de « sanctionner financièrement et facilement les familles dès la première infraction », sans autre précision. La droite et l’extrême droite réclament quant à elles la suspension du versement des allocations familiales aux parents d’enfants délinquants. Le chef des Républicains, Éric Ciotti, a appelé à remettre sur le métier sa propre loi, votée en 2010, en l’élargissant. Celle-ci permettait de restreindre voire de supprimer les allocations familiales versées aux parents d’élèves absentéistes : elle avait débouché sur près de 600 suspensions d’allocations pour 80 000 signalements, avant que la gauche ne supprime en 2013 un dispositif jugé « injuste et inefficace ».
► Des actes commis par un mineur peuvent-ils entraîner l’expulsion d’un logement social ?
Un autre texte proposé par le sénateur LR Stéphane Le Rudulier en réaction aux émeutes de ces derniers jours propose de « retirer toute prestation familiale et tout droit à un logement social » aux personnes ayant la charge d’un enfant « qui aurait été reconnu coupable d’un crime et d’un délit ». Gérald Darmanin avait évoqué en octobre 2022 la perspective de « généraliser » l’expulsion des logements sociaux des familles de délinquants, ce qui avait suscité l’hostilité de Sacha Houlié. Le président de la commission des lois avait en effet estimé que la mesure n’était ni « constitutionnelle », ni « souhaitable ».
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À ce stade, aucun texte législatif n’autorise ces expulsions. La loi de 1989 fixant les obligations du propriétaire et du locataire impose certes au second de « jouir paisiblement des lieux sans provoquer de troubles ». Sur ce fondement, des expulsions de locataires indélicats impliqués dans le trafic de drogue dans les bâtiments ont pu avoir lieu chez des bailleurs sociaux parisiens, mais au terme de longues procédures.
► La justice peut-elle engager la responsabilité pénale des parents pour défaut d’autorité parentale ?
La volonté de sanctionner « les parents qui ne tiennent pas leurs gosses » affichée par le garde des sceaux s’appuie sur l’article 227-17 du code pénal, qui prévoit de punir de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende les parents qui auraient compromis « la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation » de leur enfant mineur, mais la jurisprudence est peu fournie en la matière. « Est-ce que laisser un gosse sortir le soir compromet nécessairement sa sécurité ? », s’interroge l’avocate Emmanuelle Haziza.
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S’agissant des dégradations commises par des mineurs, l’article 121-1 du code pénal rappelle que « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ». Par conséquent, les parents ne peuvent pas être tenus pour responsables des infractions pénales commises par leurs enfants. Une jurisprudence pourrait cependant être citée dans les affaires à venir : en 2003, le tribunal de Bourg-en-Bresse avait ainsi condamné la mère d’un mineur qui dégradait régulièrement du matériel municipal. « La justice l’avait cependant condamnée à une peine légère car elle travaillait beaucoup et élevait seule ses enfants », détaille Me Haziza, qui s’interroge sur la pertinence de sanctionner les parents. « Cela revient à constater qu’ils ont failli, et les enfants seront ensuite placés dans des foyers dont il est facile de fuguer : y gagnera-t-on quelque chose sur le terrain de la délinquance ? », questionne-t-elle.
À la sortie du conseil des ministres le 5 juillet, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a, lui, évoqué des « stages de responsabilisation parentale », mais sans en détailler les modalités.
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Un décès à Marseille
L’homme de 27 ans décédé à Marseille dans la nuit de samedi à dimanche, émaillée d’émeutes, a été possiblement victime d’un tir de projectile de « type flash-ball », selon le parquet. À ce stade de l’enquête, « il n’est pas possible de déterminer le lieu » où la victime, qui circulait à scooter, aurait été victime de ce tir éventuel, a ajouté le parquet, ni si celle-ci avait participé aux émeutes. La police judiciaire et l’IGPN ont été saisies de l’enquête. Par ailleurs, l’avocat d’un jeune homme dans le coma après avoir subi une blessure à la tête dans une ville de Meurthe-et-Moselle où intervenait le Raid vendredi 30 juin a annoncé mercredi qu’il allait déposer plainte pour « tentative d’homicide volontaire ».
Source: La Croix