Wall Street : rouge vif avec la flambée des taux obligataires

July 06, 2023
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(Boursier.com) — Plombé par l'envolée des rendements obligataires, Wall Street pique du nez en début de séance. La vigueur du marché du travail américain renforce les anticipations de poursuite du resserrement monétaire de la Fed au lendemain de la publication de 'Minutes' (nrlr : le compte rendu de la dernière réunion) déjà plus bellicistes que prévu. Le Dow Jones recule de 1,47% à 33.786 points, le S&P500 perd 1,29% à 4.390 points et le Nasdaq trébuche de 1,40% à 13.598 points, secoué par la flambée des taux.

Selon le dernier rapport d'ADP, les créations d'emplois privés aux États-Unis pour le mois de juin ont atteint 497.000, contre seulement 225.000 de consensus et 267.000 pour la lecture révisée (en légère baisse) du mois antérieur. Un rapport pour le moins explosif, qui confirme un peu plus la vive résistance du marché du travail de la première économie mondiale malgré le resserrement monétaire à marche forcée de la Réserve fédérale.

Les entreprises de 1 à 19 employés ont créé 162.000 postes, les firmes de 20 à 49 salariés ont généré 137.000 emplois, et les entreprises de 50 à 249 employés ont ajouté 171.000 jobs. Les entreprises de 500 employés et plus ont, en revanche, détruit 8.000 postes. Au niveau sectoriel, les loisirs et l'hôtellerie ont enregistré 232.000 nouvelles embauches, suivis de la construction avec 97.000 postes créés et le commerce, les transports et les utilities avec 90.000 emplois nouveaux.

Le rapport Challenger, dévoilé un peu plus tôt ce jour, a lui montré que 40.709 suppressions de postes ont été planifiées en mai contre 80.089 un mois avant. Toujours sur le front de l'emploi, les inscriptions au chômage sont ressorties légèrement plus élevées que prévu la semaine passée. Le Département américain au Travail a en effet annoncé, pour la semaine close au 1er juillet, que les inscriptions au chômage ont augmenté de 12.000 à 248.000. Le consensus était positionné à 245.000.

Enfin, le nombre d'offres d'emploi a légèrement diminué en mai mais le chiffre du mois précédent a été révisé à la hausse. Les ouvertures de postes ont ainsi atteint 9,824 millions (9,9 millions de consensus), selon le dernier rapport "JOLTS" (Job Openings and Labor Turnover Survey) du département du Travail. Celles d'avril ont été revues à 10,320 millions, contre 10,103 millions annoncées initialement. Demain, le marché scrutera de près le rapport mensuel de l'emploi publié par le 'Bureau of Labor Statistics', qui comprend également l'emploi public. Les économistes tablent sur la création de 225.000 emplois en juin avec un léger ralentissement de la croissance annuelle des salaires.

Les 'Minutes' de la dernière réunion de la Fed des 13 et 14 juin n'ont donc pas réservé de grosse surprise même si les opérateurs ont noté un ton un peu plus belliciste qu'anticipé de la Banque centrale. Le compte-rendu a en effet montré que si presque tous les membres ont jugé "approprié ou acceptable" de maintenir les taux inchangés dans une fourchette cible de 5% à 5,25%, certains auraient plutôt soutenu une augmentation d'un quart de point. "C'était un peu surprenant étant donné que la décision a été vendue comme unanime par les responsables de la Fed", déclare à 'Bloomberg' Lindsey Piegza, économiste en chef chez Stifel Nicolaus & Co. "Il est assez clair qu'il y avait une divergence d'opinions, certains responsables se montrant assez clairement contre une pause d'un mois".

La Fed a interrompu le mois passé son cycle de hausse des taux après 10 resserrements consécutifs, mais elle anticipe encore deux augmentations supplémentaires cette année... Les marchés voient désormais 94% de chances d'une hausse de 25 pb lors de la réunion de juillet de la Fed, selon l'outil FedWatch.

La présidente de la Fed de Dallas, Lorie Logan, a déclaré ce jeudi qu'elle s''était montrée en faveur d'une hausse des taux en juin et voit la Fed augmenter ses taux deux fois de plus cette année. "À mon avis, il aurait été tout à fait approprié de relever la fourchette cible des fonds fédéraux lors de la réunion du FOMC en juin, conformément aux données que nous avions vues ces derniers mois et aux objectifs du double mandat de la Fed", a affirmé la dirigeante dans un discours prononcé à l'Université de Columbia. "Mais en votant, j'étais consciente de plusieurs facteurs... Dans un environnement difficile et incertain, il peut être logique de sauter une réunion et d'agir plus progressivement. [Aussi], les conditions financières importent plus pour l'économie que la trajectoire précise du taux directeur".

L'indice ISM des services américains pour le mois de juin est par ailleurs ressorti à 53,9, contre 51,2 de consensus de marché et 50,3 un mois auparavant. L'indicateur des commandes nouvelles du mois a lui atteint 55,5, contre 52,9 en mai.

Sur le front géopolitique, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, est arrivée à Pékin pour une visite de quatre jours destinée à redéfinir les relations entre les deux premières puissances économiques mondiales. Mardi, la Chine a fait part de sa décision de limiter les exportations de métaux rares (le germanium et le gallium) servant notamment à la fabrication de puces et de véhicules électriques. Les contrôles à l'exportation de la Chine sur les métaux utilisés dans la fabrication de semi-conducteurs ne sont "qu'un début", a déclaré un conseiller américain influent en matière de politique commerciale.

Enfin, à noter que sur le marché obligataire, les taux se tendent fortement après les chiffres explosifs de l'emploi privé américain. Le rendement du deux ans bondit de 14,6 points de base à 5,09% tandis que celui du Bon du trésor à 10 ans prend 13,8 pb à 4,067%, au plus haut depuis début mars.

Sur le marché pétrolier, les cours évoluent en net repli : le WTI (échéance août) cède 1,9% à 70,4$ sur le Nymex tandis que le baril de Brent (échéance septembre) redonne près de 2% à 75,2$ à Londres. Du côté des devises, l'indice dollar avance de 0,2 pt à 103,2 pts, tandis que l'euro recule désormais de 0,1% face au billet vert, autour des 1,0836$. Enfin, le Bitcoin abandonne 0,6% à 30.200$ sur Coindesk.

Les valeurs

* Meta gagne 1%. Déjà 10 millions de personnes se sont inscrites sur l'application de microblogage Threads, dévoilée la veille par le cofondateur et PDG de Meta Platforms, Mark Zuckerberg, qui cherche à concurrencer Twitter. Quelques minutes après le lancement de Threads, des entreprises comme Billboard, HBO ou Variety, et des célébrités, comme Kim Kardashian et Jennifer Lopez avaient déjà ouvert des comptes. "Allons-y. Bienvenue sur Threads", a écrit Mark Zuckerberg sur l'application disponible dans une centaine de pays, mais pas en France ni en Europe. Elle revendique 10 millions d'inscriptions en sept heures. Bien que Threads soit une application indépendante, ses utilisateurs pourront conserver les abonnés de leur compte Instagram, dont Meta Platforms est également la maison-mère, ainsi que le même nom d'utilisateur.

Ce lancement intervient alors que Twitter est confronté à de nombreuses controverses depuis qu'Elon Musk a racheté la société pour 44 milliards de dollars en 2022. La semaine dernière, le milliardaire, directeur général de Tesla, a annoncé une série de nouvelles restrictions sur l'application, limitant le nombre de tweets que les utilisateurs peuvent consulter par jour, suscitant l'indignation de nombreux utilisateurs de la plateforme.

* JetBlue Airways (-6%) va mettre fin à son alliance avec American Airlines afin de se donner plus de chances de mettre la main sur Spirit Airlines. La compagnie aérienne a indiqué hier soir qu'elle ne ferait pas appel de la décision d'un tribunal fédéral concluant que son Alliance 'Northeast' violait les lois antitrust et qu'elle mettrait fin à sa co-entreprise avec American Airlines "au cours des prochains mois". Le transporteur basé à New York a déclaré qu'il n'était pas du tout d'accord avec cette décision mais qu'il s'y soumettrait.

JetBlue a souligné que la fin de son alliance avec American rend "tout à fait théoriques" les objections du ministère américain de la Justice (DOJ) qui l'ont conduit à intenter une action en justice pour bloquer son accord de fusion avec Spirit, qui serait le plus important de l'industrie aérienne américaine depuis la fusion d'American et d'US Airways en 2013. JetBlue et Spirit espèrent toujours recevoir les approbations réglementaires requises et conclure leur rapprochement au plus tard au premier semestre 2024. Ce sera néanmoins un combat difficile compte tenu de la position anti-consolidation adoptée par l'administration du président Joe Biden.

* Coty trébuche de 4,5% alors que le groupe propriétaire des marques CoverGirl et Max Factor a une nouvelle fois rehaussé ses objectifs annuels. En amont d'une journée investisseurs organisée à Paris en vue d'une potentielle double cotation sur Euronext Paris, le groupe a rehaussé pour la troisième fois de l'année ses prévisions 2023 et anticipe désormais un EBITDA ajusté compris entre 965 et 970 millions de dollars, contre une fourchette précédente de 955 à 965 M$, malgré un impact négatif des taux de change de près de 70 M$, dont plus de 10 M$ au quatrième trimestre.

Coty s'attend par ailleurs désormais à enregistrer une croissance de ses revenus de 12% à 15% à données comparables au cours du trimestre clos le 30 juin, contre une prévision précédente de 10 %. La société cite la "forte dynamique" de sa division Prestige et la reprise du marché chinois. La firme basée à New York a indiqué en mai qu'elle envisageait une deuxième cotation à Paris, "la maison historique de la beauté", pour atteindre un nouveau bassin d'investisseurs et renforcer sa présence dans la région. Comme le rappelle 'Bloomberg', depuis que Sue Nabi a pris la tête de l'entreprise en 2020, cette dernière s'est concentrée sur le rafraîchissement de ses marques grand public, qui incluent Covergirl, Rimmel et Max Factor, en lançant de nouveaux produits et campagnes de marketing et, plus récemment, en augmentant les prix. Ces efforts ont contribué au redressement des ventes et des bénéfices.

* Exxon Mobil recule de 3,2%. Le géant pétrolier, qui publiera ses résultats le 28 juillet, devrait accuser une forte baisse de son bénéfice d'exploitation au deuxième trimestre en raison du repli des prix du gaz naturel et d'une réduction des marges dans le raffinage du pétrole, montre un avis réglementaire.

* Tesla recule de 2,6%. Vers la fin de la guerre des prix sur les véhicules électriques en Chine ? Tesla, ainsi que 15 constructeurs locaux, ont signé un accord lors d'une conférence de l'industrie automobile à Shanghai visant à maintenir une concurrence loyale et à éviter les "tarifications anormales" sur le plus grand marché mondial des véhicules électriques. Le constructeur basé à Austin a commencé à réduire les prix en Chine à la fin de l'année dernière, incitant d'autres grandes marques à effectuer des remises importantes au début de 2023 alors que les ventes ralentissaient.

"L'accord intervient à un moment où la guerre des prix est déjà sur le point de s'arrêter", a déclaré le secrétaire général de l'Association chinoise des voitures particulières, Cui Dongshu. L'accord, qui n'est pas contraignant, comprend quatre grands points : "adhérer aux règles et réglementations de l'industrie, réglementer les activités de marketing, maintenir une concurrence loyale et ne pas perturber la concurrence loyale avec des prix anormaux" ; "faire attention aux méthodes de marketing et de publicité, ne pas exagérer ou utiliser de fausse publicité pour attirer l'attention ou gagner de nouveaux clients" ; "donner la priorité à la qualité, améliorer la vie avec des produits et services de haute qualité" ; et "promouvoir les valeurs socialistes fondamentales, assumer activement les responsabilités sociales et assumer la lourde responsabilité de maintenir une croissance régulière, de renforcer la confiance et de prévenir les risques".

Cité par le 'Financial Times', Yaqiu Wang, chercheur principal sur la Chine à 'Human Rights Watch', affirme que l'engagement de Tesla va saper la réputation du groupe. "Le non-respect des "valeurs socialistes fondamentales" a été fréquemment utilisé par les autorités pour punir les discours critiques à l'égard du gouvernement chinois".

Source: Boursier.com