Le lac de Sainte-Croix n'a pas toujours été là... Plongez dans le passé, 50 ans après
Pour rejoindre le village des Salles, il faut se faufiler sur les longues départementales qui serpentent jusqu’à la "plaine des Salles".
Un plateau long de onze kilomètres, pris en étau entre le Grand Canyon du Verdon, en amont, et les gorges de Baudinard, en aval.
Un village où il faisait bon vivre
"Ceux qui ont parlé de “tristesse" dans la vallée n’y vivaient pas", dément Lucette Poncin, s’appuyant sur de nombreux témoignages.
Au contraire, entre les fêtes et les cérémonies religieuses, sans parler de l’ambiance dans les bars et les restaurants, l’heure est souvent à la célébration.
La commune sert aussi de point de ralliement "chaque samedi" pour les adolescents des environs. À pied ou à vélo, ils arrivent de Bauduen, de Sainte-Croix, voire de Moustiers, pour profiter des grands espaces.
Pour les Sallois, rien de plus simple: "c’était une vie de village comme les autres." Qui s’apprête à basculer…
C’est au centre de cette immense bouche géologique, perchée à 450mètres d’altitude, que se sont installés dès le XIe siècle, selon les traces retrouvées, les Sallois.
165 habitants en 1970
Les maisons étaient bâties en pierre et calcaire. Photo Gérard Roucaute - Inventaire général du patrimoine culturel.
Exposées aux éléments, les maisons en pierre et calcaire portlandien laissent apparaître un village "ramassé sur lui-même, comme pour mieux résister au vent qui souffle du nord", décrit Lucette Poncin, historienne et auteur de l’ouvrage La vallée du Verdon avant le lac, aux éditions C’est-à-dire.
Les bourrasques du mistral fouettent, en effet, régulièrement les plateaux d’arbres fruitiers, de lavandes et de chênes truffiers, principales cultures de la vallée.
En cette belle journée de 1970, le soleil darde ses rayons sur les étroites ruelles animées par les 165 habitants (le triple l’été). Cachés à l’ombre des parasols rouges, se prélassent jeunes et moins jeunes au fameux café des Taxil, qui a pignon sur rue à l’extrémité de la place du Château.
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Fontaine-l’Evêque, une source hors du commun
Le café des Taxil, sur la place du Château, le 10 juin 1973. Photo Jean-Jacques Grézoux.
" [Mon père] nous parlait de Fontaine-l’Évêque qui sortait d’un trou énorme, impétueuse comme une cataracte et capable d’emporter un homme dans ses remous transparents." En quelques mots, le père de l’écrivain provençal Pierre Magnan – dans son ouvrage –, dépeint un sentiment que toutes les personnes ayant connu la source, au lieu-dit Fontaine-l’Évêque, disent reconnaître.
Celui d’une force de la nature, qui, chaque seconde, voit ses rochers de la rive gauche du Verdon, à six kilomètres du village des Salles, cracher entre 4 et 13m³ d’eau. Impressionnante, certes, mais aussi considérée par les habitants comme "une des plus belles sources de France".
"Elle était à une température constante de 12 degrés, toute l’année", jure-t-on. Sa présence perpétuelle est une chance pour la vallée. Chaque saison, et jusqu’à la disparition de la source sous le lac, environ 70.000 touristes viennent se promener et pique-niquer à ses abords pour échapper à la chaleur estivale.
Couplée avec le Verdon, la source est une véritable aubaine pour irriguer les cultures, qui souffrent peu de la sécheresse.
Un cours d’eau "casse-tête"
La résurgence karstique Fontaine-l’Evêque, en 1911. Photo André Hallayes.
Alimenté majoritairement par l'Artuby, le cours d’eau draine les plateaux de Canjuers et de la vallée du Jabron. Pour tenter de percer sa configuration souterraine, quatre expéditions ont lieu à l’entrée de Fontaine-l’Évêque, entre 1900 et 1969.
Du spéléologue et explorateur Édouard-Alfred Martel en passant par le célèbre Jacques-Yves Cousteau, alias "Commandant Cousteau", les missions se soldent par de multiples échecs. "Le siphon est infranchissable", déclare-t-on.
Des inquiétudes sur la source
La source Fontaine-l’Évêque dans les années 1960-1970 avec la famille de René Bondil, ancien habitant du lieu-dit. Photo René Bondil.
Il faudra attendre l’arrivée de deux spéléologues de renom pour progresser sur plusieurs centaines de mètres, avant de finir coincés à – 44mètres de l’entrée et rebrousser chemin. Finalement, EDF finit par jeter des colorants verts en amont pour lever le voile sur une partie du chemin fluvial de Fontaine-l’Évêque. Qui révèle un schéma souterrain très complexe.
Pourquoi tant d’efforts? Outre tenter de comprendre le fonctionnement d’une source atypique, par crainte de voir apparaître, sous la future retenue, "des contre-pressions susceptibles" de créer de multiples débordements ailleurs et des éboulements.
Heureusement, les études menées par EDF prouvent que noyer Fontaine-l’Évêque n’est pas dangereux. Aujourd’hui, la source coule encore sous le lac!
Une des nombreuses ruelles du village des Salles, en 1973. Photo Gérard Roucaute - Inventaire général du patrimoine culturel.
Source: Var-matin