PSG : Luis Enrique peut-il sauver le Paris Saint-Germain ?
Le Paris Saint-Germain a trouvé chaussure à son pied. Après plusieurs semaines de négociations avec différents entraîneurs – plus ou moins poussées – et de multiples pistes envisagées (Zidane, Nagelsmann, Mourinho, Motta, Conceição…), le PSG a choisi Luis Enrique pour s’installer sur son banc l’année prochaine. L’ancien sélectionneur de l’Espagne (53 ans) a signé un contrat de deux ans pour devenir le nouveau technicien du club de la capitale. Lucho peut-il sauver le PSG ? Analyse.
Le sempiternel feuilleton du coach touche à sa fin. Si les médias et les différents pôles décideurs du club ont clamé tout et son contraire depuis plusieurs semaines, la saga trouve enfin son épilogue : Luis Enrique est désormais l’entraîneur du Paris Saint-Germain. L’ancien du FC Barcelone semble avoir fait l’unanimité entre Nasser Al-Khelaïfi et Luis Campos. De son côté, malgré quelques réticences au départ, l’entraîneur se projette dans la capitale. Enfin le capitaine d’un navire à la dérive depuis trop longtemps ?
Luis Enrique, CV de taulier
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Remercié de son poste de sélectionneur de l’Espagne en décembre après l’élimination de la Roja en huitièmes de finale de la Coupe du Monde face au Maroc, le natif de Gijon s’est tout de même distingué en contribuant à replacer l’Espagne sur l’échiquier majeur des sélections nationales. Malgré son élimination prématurée lors de la dernière Coupe du Monde.
Lors de sa première compétition internationale, l’Euro 2020, son équipe était proche d’éliminer l’Italie, futur vainqueur du tournoi, mais elle s’est finalement inclinée aux tirs aux buts, aux portes de la finale. Quelques semaines après, l’Espagne bute face à l‘Equipe de France en finale de Ligue des nations. Malgré les défaites, la Roja, la vraie, celle qui épatait par son jeu de possession léché et sa capacité à priver l’adversaire de ballon, semblait de retour. Un retour au plus haut niveau dû à la patte Enrique, qui a su imposer ses choix, insuffler ses idées au collectif et marquer une distinction forte avec les sélectionneurs précédents. L’Espagnol s’est mis en lumière, aussi, en lançant des politiques novatrices, comme privilégier les jeunes et afficher une communication totalement transparente, en s’exprimant via des lives Twitch au lieu de répondre aux questions des journalistes en conférence de presse.
Au-delà de son expérience internationale, Luis Enrique n’a plus entraîné en club depuis son départ du FC Barcelone à l’issue de la saison 2016-2017, celle de la fameuse remontada en huitièmes de finale de Ligue des champions. Au Barça aussi, le technicien s’était mis en exergue par une patte singulière. Il a été le seul à véritablement faire évoluer le jeu des Blaugrana après l’ère Guardiola. Avec un trio Messi Neymar Suarez à son apogée, il remporte 9 titres sur 13 possibles à Barcelone, dont une Ligue des Champions, deux Liga et deux Coupes d’Espagne. Auparavant, Lucho a construit sa carrière sur les bancs de touche au Barça B avant de tenter l’aventure transalpine à l’AS Rome au début des années 2010, où ses principes de jeu contrastaient avec la culture tactique du football italien. L’entraîneur est ensuite retourné en Espagne, à Celta Vigo, avant de découvrir l’élite au Barça.
Apôtre du beau jeu
Indéniablement, l’ancien capitaine du FC Barcelone s’érige parmi les techniciens les plus spectaculaires du 21ème siècle. Indépendamment des résultats, ses formations ont toujours tendance à bien jouer, garder le ballon et se projeter vers l’avant.
À Barcelone, Luis Enrique est parvenu à conserver les fondamentaux du jeu de Guardiola en le rendant plus direct. Les principes de bases étaient les mêmes : un 4-3-3, une possession de balle très élevée, des joueurs en mouvement perpétuel ainsi qu’un pressing intensif à la perte du ballon. Mais Lucho a effacé la philosophie de « possession pour la possession » en enlevant les aspects parfois stériles que pouvaient constituer le jeu de Guardiola. C’est celui qui était le fer de lance des attaques des deux hommes, Lionel Messi, qui en parle le mieux à l’époque :
« Nous avons un peu changé avec Luis. Nous sommes devenus une équipe beaucoup plus verticale. Bien sûr, nous n’avons pas perdu notre idéologie de conservation du ballon. C’est notre marque de fabrique et notre priorité. Mais maintenant, nous avons incorporé l’idée que, en quelques touches de balle, nous pouvons nous retrouver devant le but de l’adversaire. Avant, nous nous y retrouvions après une construction beaucoup plus élaborée. Avec Luis, nous sommes peut-être un peu plus agressifs et nous utilisons beaucoup de contre-attaques. Avec Pep, nous en utilisions moins » Lionel Messi
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Plus vertical, agressif et rapide, le Barça de Luis Enrique s’est renouvelé, s’éloignant des petits espaces au profit de schémas moins élaborés mais plus directs, afin d’alimenter une attaque considérée par la majorité des observateurs comme l’une des – si ce n’est la – plus grande de l’histoire. Il a fait d’Ivan Rakitic un élément clé de son jeu de transition, lui permettant de jouer le même rôle que celui qu’il occupait à Séville, à savoir être le liant entre la défense et l’attaque. Luis Enrique a probablement permis au FC Barcelone d’atteindre son apogée une deuxième fois après 2012, montrant un package complet, et maîtrisé à la perfection : un jeu de possession presque aussi léché que celui de Guardiola, accompagné de transitions efficaces et contres attaque éclair.
En équipe d’Espagne, Luis Enrique a construit l’équipe qui lui ressemble le plus de toutes celles qu’il a entraînées. Si à Barcelone il s’est adapté au système en place et à l’immense qualité de son effectif en y ajoutant sa patte, en Espagne, il a réussi à exprimer tout ce qui le définit en tant qu’entraîneur, alignant une équipe au service de ses idées, et jamais l’inverse. Sa Roja s’est caractérisée par son jeu de position, sa possession élevée et sa pression constante sur l’adversaire. Mais elle s’est aussi exposée par des faiblesses défensives criantes, notamment son incapacité à défendre les espaces larges. Son équipe d’Espagne fut parfois désespérante, aussi, par sa stérilité et son manque de prise d’initiative.
Forte personnalité
Si Christophe Galtier, Mauricio Pochettino, Unaï Emery et consorts ont traduit l’envie des dirigeants Qatariens d’avoir un coach plutôt lisse qui se pliera aux exigences de Doha, Luis Enrique s’oppose drastiquement à ce type de personnalité. Caractériel, rempli de convictions fortes, Lucho n’a jamais eu sa langue dans sa poche et n’hésite pas à s’opposer aux codes mis en place. C’est ce qui lui a permis d’imposer un rapport de force en sa faveur dans tous les vestiaires qu’il a dirigé. En l’engageant, le Paris Saint-Germain devra faire des compromis et laisser l’opportunité à Luis Enrique d’éteindre l’incendie interne qui crame le club depuis des années, en lui déliant les mains, au risque de clashs qui ne feront du bien à personne.
Voir aussi : Les plans du PSG avec Luis Enrique
Les stars, les ego, les dirigeants imposants, la recette de la victoire, Luis Enrique connaît. Expérimenté, il a hérité de la culture des vestiaires de haut niveau, après avoir porté les couleurs du Real Madrid et du Barça en étant joueur. L’ancien de l’AS Rome accorde peu d’importance aux statuts, à l’âge, au vécu et à l’expérience. Sergio Ramos, légende de la Roja, avait été laissé de côté sans hésitation en sélection. Un postulat qui peut profiter aux jeunes du club, à l’image de Warren Zaïre Emery, qui sera aligné s’il le mérite. Gavi a notamment parfaitement su tirer profit en sélection de la confiance donnée aux « rookie » par Enrique :
« Je connais Gavi depuis longtemps, j’ai vu comment il a joué sur ses quatre bouts de match, avait répondu Luis Enrique en conférence de presse. Je n’ai aucun doute qu’il puisse devenir un joueur très important pour le futur de son club et de la sélection. L’âge n’est pas important, c’est ton attitude sur le terrain et comment tu t’adaptes aux idées de ton entraîneur«
La philosophie de l’ancien du Celta de mourir avec ses idées présente ses avantages, mais aussi ses inconvénients. Le technicien espagnol incarne ses équipes, pour le meilleur et pour le pire. Il était un joueur de panache et n’a rien perdu de sa fougue en devenant entraîneur. Il n’hésitera en rien à mettre sur le banc des stars et partir en clash avec la direction, les joueurs ou la presse, avec qui il tient des rapports très complexes.
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Que faut-il attendre de Luis Enrique au PSG ?
L’arrivée de Luis Enrique au Paris Saint-Germain signifie le retour d’une forte personnalité au sein du club. L’ancien Barcelonais a toujours donné une réelle identité à ses équipes. Depuis trop longtemps, le spectacle a quitté le Parc des Princes. Le jeu s’est appauvri, effaçant tout fondement qui avait pu exister jusqu’alors au PSG.
Le retour du 4-3-3 ? Le système qui avait fait les belles heures du PSG sous les ordres de Laurent Blanc pourrait être celui de Luis Enrique pour débuter la saison. Très souvent, l’entraîneur espagnol a choisi ce dispositif pour ses équipes, même s’il s’en est parfois éloigné au FC Barcelone ou avec la Roja, en évoluant à 3 derrière. Au PSG, avec les arrivées de Lucas Hernandez et Milan Skriniar, mais aussi la prolongation de Marquinhos et celle potentielle de Presnel Kimpembe, le technicien aura le matériel pour une défense à 3 comme à 4. Pour l’heure, difficile d’imaginer comment son système préférentiel (4-3-3) peut être mis en place. Sans la présence d’un véritable numéro 6 capable de conserver et distribuer le ballon, à la Sergio Busquets, Lucho pourrait se rabattre sur un système différent. Mais s’il conserve ses idées, Manuel Ugarte, plutôt rugueux, ne semble pas cocher les cases adéquates. Verratti pourrait évoluer dans le rôle de 6. Marquinhos peut également être titularisé en sentinelle, comme sous Thomas Tuchel.
Au delà du système, Paris devrait retrouver des principes de jeu et un véritable caractère, qui lui manque depuis trop d’années. Réputé pour sa philosophie et ses choix tranchés, Luis Enrique sait imposer ses choix et former une équipe prête à le suivre jusqu’au bout dans son projet, peu importe la réussite de ce dernier. À la veille du Mondial 2022, Pedri encensait son sélectionneur :
« C’est un gars très simple, il aime transmettre les choses et quand il le fait, on comprend du premier coup. Même s’il vous dit de sauter dans un ravin, il vous dit de telle manière qu’il vous convainc et vous le faites. C’est la façon de transmettre les choses qui vous font le faire plus tard sur le terrain. » Pedri sur Luis Enrique
Nul doute, donc, sur la capacité de Lucho à motiver ses troupes et les souder autour d’un projet. Ses joueurs le rejoindront-il ?
Au PSG, Luis Enrique rencontrera un joueur qu’il apprécie et qui colle parfaitement à son système de jeu : Marco Verratti. « Verratti me plaît et m’a toujours plu. Il a le profil pour jouer dans une équipe comme la mienne » affirmait l’entraîneur catalan avant d’affronter le PSG en 2016. Avec un entraîneur qui prône la possession de balle et le jeu vers l’avant, Marco Verratti pourrait retrouver des couleurs. Et son meilleur niveau.
Le technicien espagnol retrouvera Neymar, qu’il a eu sous ses ordres durant 3 ans avant son départ au Paris Saint-Germain. Une bénédiction pour le Brésilien, qui multiplie les blessures et semble perdre sa joie depuis quelques années sur les pelouses de Ligue 1, malgré un exceptionnel début de saison sous Christophe Galtier.
Enrique devrait également retrouver quelques uns de ses compatriotes : Fabian Ruiz, qu’il a lancé en sélection, même s’il n’était plus sélectionné sur les derniers rassemblements. Carlos Soler et Juan Bernat, que Luis Enrique appelait régulièrement en équipe d’Espagne. Enfin, Marco Asensio évidemment, qui devrait vraisemblablement signer au Paris Saint-Germain dans les prochaines semaines, qui était un homme fort de la Roja du technicien.
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Quid de Kylian Mbappé et du reste de l’effectif ? Quid des recrues déjà enregistrées sur ce mercato, notamment Manuel Ugarte, recruté pour 60M€ en provenance du Sporting, qui ne semble pas correspondre aux qualités recherchées par l’entraîneur espagnol pour un milieu de terrain ? Quid des cibles visées à l’avenir ? Le PSG écoutera-t-il son technicien ? Quelle sera la liberté confiée à Luis Enrique pour mener à bien son projet, dans un club qui ne fonctionne pas comme les autres ? Pour sauver le Paris Saint-Germain, Luis Enrique devra avoir les mains libres. La direction parisienne devra assurément faire des compromis, en accordant sa confiance à Luis Enrique, sans attendre de résultat à court terme. Au risque de subir un nouvel échec…
Une conférence de presse prometteuse
Une fois n’est pas coutume, lorsque les nouveaux entraîneurs du Paris Saint-Germain débarquent devant les médias lors de leur conférence de présentation, bien souvent, l’exercice s’avère réussi.
En totale maîtrise, Luis Enrique a montré le visage d’un véritable professionnel. Celui d’un homme dédié au collectif avant tout, qui attache une importance particulière au jeu offensif, totalement investi dans sa nouvelle mission. L’Espagnol a d’ailleurs débuté par des mots en français.
« Tout d’abord, je vais remercier le club, le président et le directeur sportif pour leur confiance. Je suis ravi d’être ici. Je ne parle pas encore français, mais j’ai commencé à l’étudier. Peu de personnes peuvent prétendre à ce projet. Mon idée du foot, c’est un football d’attaque, qui puisse être divertissant et qui donne de bons résultats. J’ai l’aide du club et je suis sûr qu’ils vont me donner toute l’aide dont j’ai besoin. Je suis vraiment ravi d’être là. »
Engagé et heureux d’être Parisien, l’entraîneur s’est distingué, aussi, par la présentation de son staff, Rafael Pol (ancien préparateur physique de la Roja) et Joaquin Valdes (ancien psychologue de la Roja), tous deux des pointures de leur domaine. Une présentation respective qui atteste un sens du collectif et une certaine ancienneté dans leur manière de travailler.
Luis Enrique s’est surtout mis en exergue par son exigence sur l’identité offensive.
« L’identité offensive, c’est non négociable. Il faut s’adapter aux joueurs, tirer le meilleur profit individuellement et collectivement. Je veux garantir le collectif, je suis sur qu’ils vont aimer travailler comme ça. Je peux vous garantir que l’on jouera en tant qu’équipe, c’est ma première fonction en tant qu’entraîneur. »
Pour le reste, l’entraîneur espagnol n’a encensé aucune individualité, comme avaient pu le faire certains de ses prédécesseurs. Comme pour marquer le fait qu’il était avant tout au PSG pour bâtir une équipe, un véritable collectif. Un nouveau projet. Celui d’une nouvelle ère ?
C’est une nouvelle ère, le président vous l’a dit. On va rester attaché à ce style offensif.
Source: Canal Supporters