L'immigration relance la démographie européenne
Par Sébastien Dumoulin
Publié le 11 juil. 2023 à 18:25 Mis à jour le 11 juil. 2023 à 19:18
L'Union européenne regagne des habitants. Selon les derniers chiffres d'Eurostat publiés mardi, la population des Vingt-Sept dépassait 448 millions de personnes au 1er janvier 2023. Après deux années de baisse, la démographie du bloc est vigoureusement repartie à la hausse l'an dernier, avec 1,6 million d'habitants en plus sur un an. Il s'agit de la plus forte augmentation depuis près de vingt ans.
Ce boom tient pour beaucoup de l'effet de rattrapage, après la période exceptionnelle du Covid. En 2020 et 2021, l'Union avait perdu près de 750.000 habitants en raison de la forte mortalité liée à l'épidémie, mais aussi du coup de frein imposé aux flux migratoires par les restrictions sanitaires. Tous ces indicateurs s'inversent en sortie de crise, contribuant à l'impressionnant rebond de 2022. Et les projections font plutôt état d' un lent déclin sur les prochaines décennies.
L'immigration à la rescousse
Une chose ne change pas en revanche : le rôle crucial de l'immigration dans la démographie du Vieux Continent. Depuis 2012, le solde naturel de l'UE est négatif - c'est-à-dire que le nombre de décès excède le nombre de naissances.
Cette tendance se renforce avec le temps, car la population vieillit - 6 % des Européens ont plus de 80 ans aujourd'hui (deux fois plus qu'au début des années 2000) et la natalité baisse - particulièrement dans les pays du sud de l'Europe. La population européenne marquerait donc un déclin prononcé depuis une décennie si l'immigration n'était pas venue plus que combler ce fossé naturel.
Concernant l'année passée, « la croissance observée de la population peut largement être attribuée aux mouvements migratoires croissants post-Covid-19 et à l'afflux massif de personnes déplacées en provenance d'Ukraine qui ont reçu un statut de protection temporaire dans les pays de l'UE », écrit l'organisme statistique européen.
L'Allemagne assied sa domination
Lentement, mais sûrement, ces évolutions redessinent la carte de la démographie européenne. Car les flux de population sont loin d'être homogènes au sein du bloc. Certains pays ne cessent de perdre des plumes. Sur les vingt dernières années, la Bulgarie, la Lettonie et la Lituanie ont perdu près d'un habitant sur six ; la Roumanie et la Croatie plus d'un sur dix ! Dans le même temps, la France et l'Espagne ont vu leurs populations respectives croître de plus de 6 millions d'habitants chacune.
Ces jeux de vases - en partie - communicants ont des implications économiques, mais aussi politiques bien réelles. C'est notamment le cas en ce moment, avec les discussions très vives autour de la répartition des sièges au Parlement européen. Depuis les dernières élections européennes en 2019, la population des Vingt-Sept a très légèrement augmenté (+0,4 %) - du fait de la crise sanitaire déjà évoquée. Mais l'évolution est diamétralement opposée entre l'Allemagne (+2 %) et l'Italie (-2 %), par exemple.
La population allemande a enrayé sa chute de la décennie 2000, notamment depuis que la chancelière Angela Merkel a ouvert les frontières dans la foulée de la crise migratoire de 2015. Sur les cinq dernières années, l'Allemagne affiche même la plus forte progression du bloc, selon Eurostat, avec un gain de 1,3 million d'habitants - suivie par l'Espagne (+1,1 million), la France (+780.000) et les Pays-Bas (+529.000).
La première puissance économique de l'UE assied ainsi son statut de première puissance démographique, approchant les 19 % de la population totale. Comme les autres grands pays (à l'exception notable de l'Italie), elle aimerait logiquement que son poids politique à Bruxelles le reflète.
Source: Les Échos