Dans les Cévennes, l’encombrant héritage souterrain de l’industrie minière

May 01, 2023
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ReportageAu nord d’Alès, dans le Gard, des kilomètres de ruisseaux souterrains menacent la stabilité des sols. L’Etat s’est engagé à accompagner les petites communes concernées pour sécuriser ces ouvrages, vestiges du passé minier de la région.

D’une semaine à l’autre, les relevés topographiques doivent débuter. Dans sa mairie de Robiac-Rochessadoule (Gard), Henri Chalvidan attend la venue des experts avec une impatience non dissimulée. Pendant plus de dix ans, il s’est battu pour obtenir de l’Etat une aide financière afin de mettre en sécurité plusieurs kilomètres de ruisseaux invisibles, qui serpentent sous les terres de sa commune et des villages alentour, et qui menacent de s’effondrer.

En janvier, la préfecture du Gard s’est engagée en signant un programme d’un montant de trois millions d’euros, financé par l’Etat et les collectivités locales, afin d’entamer des diagnostics précis, qui permettront de commencer des travaux rapidement. Une première victoire pour ces communes qui portent le lourd héritage de leur passé minier.

Henri Chalvidan, maire de Robiac-Rochessadoule, dans l’antre de l'un des ruisseaux couverts du village. SANDRA MEHL POUR « LE MONDE »

Lampe torche à la main, Henri Chalvidan fait visiter une galerie souterraine interdite au public, où coule toujours de l’eau, en évitant de se mouiller les pieds. Ce passage sous terre, situé à quelques mètres à vol d’oiseau de la mairie, il en connaît par cœur les « faiblesses », dit-il. Avec le rayon de lumière, il montre « la force de l’eau qui détruit les pieds-droits », ces murets en pierre qui soutiennent le tunnel, là une voûte fragilisée, ici encore un pilier qui s’effrite dangereusement. « Tous les mois, on voit le tunnel s’abîmer », témoigne l’édile.

Nous sommes dans la vallée de la Cèze, à l’est des Cévennes, une ancienne région minière située au nord d’Alès. Dans cette partie du Gard, le sous-sol est instable. En cause, de nombreux ruisseaux souterrains aménagés par l’industrie minière. Au XIXe siècle, dans ces vallées peu peuplées de petites montagnes, au relief accidenté, les compagnies houillères avaient, à certains endroits, couvert des ruisseaux afin d’aménager des plates-formes et d’y installer leurs infrastructures.

Labyrinthe de galeries aquatiques

Un véritable labyrinthe de galeries aquatiques aménagé par l’homme s’est ainsi développé dans ces vallées encaissées de 1858 jusqu’années 1950. Mais, depuis la fermeture des mines dans la deuxième moitié du XXe, il n’a jamais été entretenu, ni même recensé avant 2012.

Les restes du trou béant laissé par l'effondrement d’une voûte sous terre à Robiac-Rochessadoule en 2012, lié à l'existence de rivières souterraines, clé de voute de l'économie minière. SANDRA MEHL POUR « LE MONDE »

Cette année-là, un impressionnant effondrement de terrain se produit à Robiac-Rochessadoule, commune de moins de 1 000 âmes construite à flanc de collines. Le 11 novembre 2012, une plaie géante, comme si elle avait été formée par un énorme obus, défigure le village. Le trou, provoqué par l’effondrement d’une voûte souterraine, est aussi grand que la surface d’un terrain de tennis et engloutit une aire de jeux pour enfants.

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Source: Le Monde