“Rain Man”, sur Arte, déjà un concentré de Tom Cruise

July 16, 2023
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Dans le film de Barry Levinson, à voir le 16 juillet sur Arte, Dustin Hoffman triomphe pour son rôle d’adulte autiste. Mais n’oublions pas Tom Cruise, qui livre déjà les clefs du personnage qu’il va tenir durant toute sa carrière.

Tom Cruise dans « Rain Man », de Barry Levinson (1988). United Artists/The Guber-Peters Company

Par Marion Michel Partage

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«And the Oscar goes to… Dustin Hoffman for Rain Man ! » Évidence de l’évidence, tant la performance de l’acteur en Raymond Babbitt, adulte atteint du trouble autistique, avait fait l’unanimité – moins aujourd’hui, les temps ont changé. S’ensuit, sur scène, le protocolaire discours de remerciements où Hoffman énumère, non sans émotion et avec une certaine raideur physique – quelques restes de son personnage sans doute, ha l’Actors Studio ! -, l’équipe, la production, Kim Peek, dont l’histoire a inspiré le film, le personnel soignant et ses parents. Mais pas un mot sur son partenaire à l’écran, celui qui joue son frère Charlie Babbitt, un dénommé Tom Cruise…

Lire la critique : q Mission : Impossible – Dead Reckoning, partie 1

Raymond a-t-il eu raison de Charlie en dehors de la fiction ? Trêve d’hypothèses tordues, Dustin Hoffman revient sur scène quelques minutes plus tard accompagné dudit Tom Cruise pour remettre la statuette de la meilleure actrice et en profite, un peu honteux, pour rattraper sa bourde : « Dans mon état de nervosité, j’ai oublié le nom du réalisateur, et j’ai oublié celui de Tom. Tom, merci beaucoup. Tom, je t’adore ». Tout est bien qui finit bien, Rain Man n’existerait pas sans Tom Cruise, c’est dit. L’acteur, alors âgé de 26 ans, y exécute lui aussi un numéro captivant, certes moins spectaculaire, mais significatif. Dans ses attributs et dans sa gestuelle, il offre déjà les éléments de la grammaire du rôle qu’il jouera toute sa vie… le sien. La preuve par deux accessoires.

Le bolide, symbole de virilité

La Buick Roadmaster utilisée dans « Rain Man ». United Artists

Professionnellement, Charlie Babbitt revend des voitures à Los Angeles avec un argumentaire commercial plutôt musclé. Familialement, son père vient de passer l’arme à gauche et lui laisse en unique héritage une vieille Buick Roadmaster Cabriolet 1949 qui le conduit maintenant, avec son frère à la place du mort, en road trip à travers l’Amérique. Cadré de profil ou de face, lunettes fumées sur le nez et les mains à 10h10, Tom Cruise et le volant – ou similaire −, c’est une histoire de virilité qui dure.

De l’évident Top Gun, dans le cockpit du F-14 Tomcat ou sur le cuir de sa Porsche 358 Speedster, aux rituelles cavalcades à moto (ou en Fiat 500 !) dans la franchise Mission : Impossible, sans oublier sa première course-poursuite réussie dans Risky Business, ni son rôle de pilote de course automobile qui « va au-delà les lois de l’adhérence et de la mécanique » dans Jours de Tonnerre, etc. Indissociable d’un engin qui roule, vole, glisse, dans tous ses rôles Tom Cruise est en mouvement… Tom Cruise EST le mouvement. Dans Rain Man, si le réalisateur Barry Levinson ne cède pas encore à la fièvre cascadeuse de l’acteur – celle qui deviendra l’ADN de sa carrière passé l’an 2000 −, reste encore la voiture de papa pour montrer qu’il en a sous le capot.

Le téléphone, de préférence en kit mains libres

Tom Cruise et Dustin Hoffman dans « Rain Man ». United Artists

Rain Man, 2’50 : « Bravo, quatre voitures, refusées trois fois chacune. Douze bides, vous êtes mécano ou ingénieur de la NASA ? Je vous avais prévenu à l’avance, et vous deviez respecter les délais de livraison. » Etc. Dans le hangar de Babbitt Autos, Charlie Babbitt hausse le ton dans son casque téléphonique en kit mains libres, tournant autour de son bureau. Démonstration en 1 minute et quelques de l’un des topos de Tom Cruise à l’écran : le coup de fil. Encore mieux s’il est sans cordon, et fixé à la joue pour ne pas se soucier de tenir l’appareil – rappelez-vous, le mouvement avant tout.

Dans Rain Man, l’acteur passe ou reçoit pas moins de 13 ( !) coups de bigot, depuis sa chambre d’hôtel, dans une cabine en pleine rue, d’un combiné accroché dans la salle d’un diner… Profusion d’appels qui renvoient à la scène téléphonique mythique de Jerry Maguire, où Tom-agent-de-stars-du-sport hurle sur commande « show me the money ! » dans son cellulaire à antenne, quitte à en réveiller tout l’open space, mais aussi à l’appel poétique de Less Grossman pour le Vietnam, dans Tonnerre sous les tropiques…

Catégorie « sans les mains », mentionnons bien sûr la scène culte de Mission : Impossible – accroché à un câble, Ethan Hunt pénètre une salle ultra sécurisée de la CIA en contractant fort les abdos −, et aussi, petite entorse à la règle car il ne s’agit pas d’un appel mais seulement d’un micro serre-tête, sa performance dans Magnolia, en gourou mascu haranguant une foule d’hommes en mal d’estime de soi. CQFD : 1 - Le téléphone, pratique pour ne pas avoir à partager l’écran. 2 - Le téléphone, l’accessoire-obstacle brandi entre lui et les autres. Tom Cruise l’éternel solitaire…

Source: Télérama.fr