En Uruguay, la moitié de la population n’a plus d’eau potable et reproche à Google de vouloir " piller " les dernières gouttes

July 16, 2023
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EITAN ABRAMOVICH / AFP EITAN ABRAMOVICH / AFP

SÉCHERESSE - Plus de la moitié des 3,5 millions d’habitants de l’Uruguay n’ont plus accès à de l’eau potable depuis des mois. Sous l’effet du changement climatique, le pays connaît actuellement sa plus grave sécheresse depuis 74 ans, et le principal réservoir d’eau de Paso Severino, situé à 80 km de la capitale Montevideo, est désormais rempli à moins de 2 %.

Mais alors que les habitants doivent se contenter d’eau saumâtre pour vivre, Google envisage de construire un centre de données qui nécessiterait des millions de litres d’eau par jour. Un projet qui suscite la colère noire des Uruguayens.

Face à cette crise, le 19 juin dernier, le gouvernement a déclaré « l’état d’urgence » sur les ressources hydriques. Et depuis le début de l’année, pour pallier la pénurie, l’entreprise publique de distribution d’eau (OSE) ajoute progressivement de l’eau salée à l’eau douce provenant de l’estuaire du Rio de la Plata. Les habitants se plaignent d’une eau « nauséabonde », bien trop salée, qui use les appareils ménagers, et qui est pratiquement imbuvable.

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« Lorsque vous vous brossez les dents, c’est affreux, vous pouvez sentir le goût de l’eau salée », a raconté à l’Agence France presse Isabel Moreira, 73 ans, obligée d’acheter de l’eau en bouteille pour préparer son maté, une infusion typique à base de plantes, dans sa maison de Montevideo, comme vous pouvez l’entendre dans la vidéo ci-dessous.

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Les habitants de Montevideo partagent également quotidiennement sur les réseaux sociaux des vidéos de l’eau marron qui sort de leur robinet.

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Manifestations pour la « défense » de l’eau

Début mai, le mélange avait déjà atteint les niveaux maximaux de sodium et de chlorures recommandés par l’Organisation mondiale de la santé, et les normes ont désormais été largement dépassées, rappelle The Guardian. Malgré tout, les autorités ont continué d’affirmer que boire cette eau était peu risqué pour la santé pour la grande majorité des Uruguayens.

La ministre de la Santé publique, Karina Rando, a de nombreuses fois affirmé sur Twitter que l’eau du robinet de Montevideo était « saine, sauf pour certaines populations ». « Les femmes enceintes et les personnes souffrant d’hypertension artérielle (près d’un tiers de la population uruguayenne selon l’Organisation mondiale de la santé, ndlr) ainsi que les personnes souffrant de maladies rénales chroniques, de problèmes cardiaques et hépatiques devraient l’éviter », a-t-elle tout même pris la peine de préciser.

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Déplorant le manque de transparence du gouvernement et l’absence d’investissements dans les réservoirs d’eau douce, des manifestants avaient pris à partie fin juin le président du pays, Luis Lacalle Pou, en réclamant « de l’eau pour le peuple », rapporte le quotidien El Pais. Comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessous, les manifestants frappent le sol avec des bouteilles en plastique vides lors de ces rassemblements pour la « défense » de l’eau.

EITAN ABRAMOVICH / AFP EITAN ABRAMOVICH / AFP

Ces derniers jours, les protestations ont pris une nouvelle ampleur dans les rues, et les habitants accusent désormais la multinationale Google de « piller » l’eau. Le géant a effectivement acheté près de 20 hectares de terrain en Uruguay pour y construire un centre données qui utiliserait 7,6 millions de litres d’eau par jour pour refroidir ses serveurs. Ce qui représente l’équivalent de la consommation domestique quotidienne de 55 000 personnes, selon les chiffres du ministère de l’Environnement.

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« Ce n’est pas la sécheresse, c’est le pillage »

De son côté, le ministre de l’Industrie nie en bloc, affirmant que les chiffres ne sont pas à jour car l’entreprise est en train de revoir ses plans et que le centre de données sera « de taille plus réduite ».

Google a déclaré dans un communiqué que le centre traiterait les demandes de ses services, notamment YouTube, Gmail et son moteur de recherche, émanant de personnes du monde entier. « Nous nous attendons à ce que les chiffres préliminaires (comme la consommation d’eau prévue) fassent l’objet d’ajustements. Chez Google, la durabilité est au cœur de tout ce que nous faisons, la façon dont nous concevons et gérons nos centres de données ne fait pas exception », a encore affirmé l’entreprise, interrogée en mai par le site d’investissement latino-américain BNamericas.

En colère contre la mainmise de Google sur l’eau, Daniel Pena, chercheur à l’université de Montevideo, déplore tout de même dans les colonnes du Guardian : « Seule une infime partie de l’eau en Uruguay est utilisée pour la consommation humaine. La majeure partie est utilisée pour les grandes industries agroalimentaires, telles que le soja, le riz et la pulpe de bois. »

« Environ 500 000 personnes n’ont pas les moyens d’acheter de l’eau en bouteille », s’énerve de son côté Carmen Sosa, de la Commission uruguayenne de défense de l’eau et de la vie, soutenue par les syndicats. Son slogan, « Ce n’est pas la sécheresse, c’est le pillage », est désormais gravé et tagué un peu partout sur les murs de Montevideo.

Sans alternative au réservoir de Paso Severino, les spécialistes estiment que l’eau courante ne sera plus du tout potable d’ici quelques jours en Uruguay. Pour le gouvernement, s’il ne pleut pas, cette situation durera le temps nécessaire à l’achèvement d’un projet d’infrastructure, qui permettra de transférer de l’eau douce de la rivière San José à la rivière Santa Lucia, relate El Pais. Des travaux qui pourraient durer des mois, voire des années.

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Source: Le HuffPost