La France entière rend hommage à Jane Birkin, une "artiste complète"

RFI
July 17, 2023
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Son timbre de voix et son accent britannique étaient reconnaissables entre mille. La plus anglaise des artistes françaises a rendu son dernier souffle à l’âge de 76 ans, ce dimanche 16 juillet, provoquant un émoi national et même au-delà, jusque dans le monde du théâtre. On le voit désormais pleinement, Jane Birkin avait tissé un lien tout à fait particulier avec le public.

Jane Birkin pose pour les photographes lors de l'appel photo pour le film « Jane By Charlotte » au 74e festival international du film, Cannes, dans le sud de la France, le jeudi 8 juillet 2021.

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Silhouette frêle, voix douce, accent british. Modeste par nature, Jane Birkin a longtemps cru que le théâtre n’était pas pour elle. Jusqu’à ce jour de 1985 où Patrice Chéreau lui propose de jouer Marivaux. Marie qui ?, dit-elle. Élevée en Angleterre, elle ne connaissait que Molière.

La peur au ventre, sa fragilité s’imposa. Le début d’une carrière avec des comédies, mais aussi Shakespeare ou Sophocle. Le début d’une passion également, Birkin devenant une spectatrice assidue des planches. D’où l’émotion du directeur du Festival d'Avignon.

« C'est une immense tristesse, confie Tiago Rodrigues à RFI, car Jane Birkin était une spectatrice du Festival d'Avignon, a participé aussi à des lectures, etc. Pour moi, en tant que nouvel arrivé, c'est savoir que je vais devoir appeler ma mère qui a perdu l'une de ses héroïnes. »

Jane Birkin et le théâtre, ce fut comme une révélation, l’histoire d’une chanteuse devenant autrice, avec sa propre pièce, Oh pardon, tu dormais, titre délicat pour évoquer la mort de sa fille. Le drame, et le charme.

Tristesse aussi du public, à la sortie du spectacle Gainsbourg Confidentiel, justement, à l’Arrache-Cœur. « Je ne l'ai pas vue au théâtre, mais elle représente l'intelligence, le charme, confie une spectatrice. C'est une personne qui m'a beaucoup touchée par sa douceur et sa pudeur. »

Jane Birkin, « c'est la liberté, une époque de vie, notre jeunesse », renchérit une autre, toujours au micro de RFI, et plus précisément celui de notre envoyé spécial à Avignon, Pascal Paradou. « De la voir partir, c'est un petit peu de nous-mêmes qui s'en va aussi. »

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Des Parisiens sous le choc, viennent témoigner devant la maison où vivaient Jane Birkin et Serge Gainsbourg, ce dimanche 16 juillet 2023. AP - Christophe Ena

« À l'avant-garde »

C'est toute la France qui a réagi à la triste nouvelle de la mort de « Jane », ce dimanche. Ses albums, Sao Hion les a tous. Le dernier lui a été offert il y a trois ans par un ami sûr de lui faire ainsi plaisir. Cette habitante de Boulogne de 57 ans est bouleversée.

« Ça me touche, dit-elle au bord des larmes, interrogée par notre consœur Marine de la Moissonnière, parce que c'est comme si elle était de la famille, en fait. Si on disait Jane, on savait que c'était elle. Oui, ça me fait vraiment de la peine. »

Enfant de Londres excessivement timide, épouse modèle et effacée du compositeur John Barry à 18 ans, Jane Birkin sort de l’ombre avec Blow-Up, chronique grinçante du Swinging London de 1966, et aussi l'une des premières scènes de nu de l'histoire du cinéma britannique.

Elle devient ensuite indissociables de Serge Gainsbourg, pour les fans. Didier, Parisien de 53 ans, se souvient de la révolution qu'avait provoquée le couple : « Ils étaient complètement à l'avant-garde de ce qui se faisait à l'époque, un peu précurseurs et même hors norme. »

Leur union était légendaire. Jane Birkin part vers les sommets avec le titre « Je t’aime moi non plus ». Un duo, torride et sensuel au possible, que Gainsbourg avait au départ enregistré avec Brigitte Bardot.

La rencontre remonte à 1968. D'abord, Serge Gainsbourg snobe cette petite Anglaise de 21 ans. Puis il ne la quitte plus. C’est elle qui le quitte, au bout de dix ans, pour le réalisateur Jacques Doillon, qui lui permet de se réinventer, tout comme Patrice Chéreau, côté théâtre.

C'est une part de notre patrimoine, de notre famille qui s'en va. C'est terrible, parce que c'est en pleines Francofolies, et que c'est quelqu'un qui fait partie terriblement de notre famille.

01:01 Gérard Pont, patron des Francofolies, le festival de musique de La Rochelle Edmond Sadaka

Jane Birkin avec sa fille, l'actrice Charlotte Gainsbourg, pour la présentation du film «Jane By Charlotte», au Festival de Cannes en 2021. AP - Brynn Anderson

« Icône française »

Jean, 75 ans, rit encore en se remémorant l'émoi qu'avait provoqué la chanson « 69 année érotique ». Mais pour lui, il ne faut pas résumer Birkin au duo qu'elle a formé avec le grand Serge. « Elle était intéressante en elle-même », fait-il remarquer.

« Elle a joué des rôles intéressants, rappelle-t-il. Au début, c'était presque la bimbo, mais après, elle est devenue une véritable actrice. Et c'est une chanteuse qui avait du charme. Ce n'était pas une grande chanteuse, absolument pas ; ça correspondait à une époque, c'était le moment, c'était charmant. Avec un petit peu de provoc' par-dessus le marché. Pour moi, c'était quelqu'un de touchant. »

À partir de ses 40 ans, Jane Birkin change de look, se rappelle Carmen Lunsmann. Elle se coupe les cheveux, ne se maquille plus et entame sa relation passionnelle avec la scène. En 2019, elle se dévoile également en écriture à travers la publication de son journal intime.

Courageuse et entière, c’était aussi une femme engagée : porte-parole d'Amnesty International, elle se bat pour la cause du sida, de l'Algérie et des Enfants de la Terre, et bien sûr pour les Restos du cœur. Une voix forte et fragile qui a touché le monde entier.

Le président français Emmanuel Macron a rendu hommage, ce jour, à Jane Birkin, saluant « une artiste complète », une « icône française », « des images qui ne nous quitteront pas ». La Première ministre Élisabeth Borne parle d'une « icône inoubliable, une voix et un charme unique ». Elle confie sa « tristesse ».

« Aujourd'hui, nous perdons une icône totale dont l'accent pouvait aussi bien nous murmurer les hymnes d'une époque que défendre ses engagements sur la scène internationale : la solidarité, l'accueil des migrants, la lutte contre l'extrême-droite, la liberté », écrit la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak.

Parce qu’elle incarnait la liberté, qu’elle chantait les plus beaux mots de notre langue, Jane Birkin était une icône française.

Artiste complète, sa voix était aussi douce que ses engagements étaient ardents.

Elle nous lègue des airs et des images qui ne nous quitteront pas. pic.twitter.com/Ad27ngF54R — Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) July 16, 2023

Une icône inoubliable, une voix et un charme unique.

Tristesse d’apprendre la disparition de Jane Birkin. Par sa musique et son talent, elle aura transcendé les générations.

Merci pour les émotions suscitées et cet héritage qui vivra éternellement. pic.twitter.com/KyGsWLaBHw — Élisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) July 16, 2023

La plus française des Britanniques s'en est allée. Jane B, c'était la malice, l'élégance impertinente, l'emblème jamais démodé de toute une époque, une voix murmurante qui reste notre idole. Une femme de coeur, engagée, dont la disparition nous laisse Alone in Babylone. pic.twitter.com/g9YGQ4mOrD — Rima Abdul Malak (@RimaAbdulMalak) July 16, 2023

02:05 À Londres, on retient surtout Je t'aime... moi non plus Marie Boëda

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Les étoiles de la chanson pleurent l'une des leurs « Quand on est aussi jolie, aussi fraîche, aussi spontanée, avec une voix d'enfant, on n'a pas le droit de mourir », a réagi ce dimanche Brigitte Bardot dans une déclaration à l'Agence France-Presse, parlant d'une artiste « éternelle dans nos cœurs ». « Je suis très affectée », a renchéri sur la radio RTL Françoise Hardy, qui adresse ses pensées aux filles de Jane Birkin « et à sa famille qui étaient tout pour elle ». Sheila, Patrick Bruel, Benjamin Biolay, Clara Luciani ou encore Juliette Armanet se sont exprimés. Pour Étienne Daho, qui a co-composé le dernier album de Birkin, il est tout simplement « inimaginable de vivre dans un monde sans ta lumière ». « Nous perdons une amie chère (...) une artiste à part entière, engagée, ouverte et curieuse », écrit le groupe Hermès dans un communiqué. Car l'artiste avait aussi donné son nom à un sac de la marque. Le créateur de Balmain, Olivier Rousteing, confie que l'« icône », mot revenant dans toutes les bouches après la mort de Jane, avec son style alternant entre bohème-chic et tenues sexy, était pour lui une source d'inspiration.

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Source: RFI