Uber Files : Emmanuel Macron accusé de complaisance par les députés dans un rapport
BERTRAND GUAY / AFP BERTRAND GUAY / AFP
POLITIQUE - Un an après les révélations faites par plusieurs médias internationaux, le rapport de la commission d’enquête parlementaire qui s’est saisie de ce sujet confirme : Uber a bien tissé des liens étroits avec les plus hauts dirigeants de l’État français pour obtenir des concessions... dont Emmanuel Macron.
« Uber a trouvé des alliés au plus haut niveau de l’État. L’intensité des contacts entre Uber, Emmanuel Macron et son cabinet témoigne d’une relation opaque, mais privilégiée, et révèle toute l’incapacité de notre système pour mesurer et prévenir l’influence des intérêts privés sur la décision publique », conclut le rapport obtenu par Franceinfo, l’AFP et Le Monde ce mardi 18 juillet.
Le président de la République, ministre de l’Économie à l’époque des faits, poursuit-il, avait passé un « deal secret » avec la société américaine pour qu’elle renonce à son application controversée Uber Pop en échange de la simplification des conditions nécessaires à l’obtention d’une licence de Voiture de transport avec chauffeur (VTC).
« Grande opération de manipulation »
Concrètement, un accord avait été trouvé pour baisser le nombre d’heures de formation obligatoires pour devenir chauffeur de 250 à sept en échange de l’interdiction d’Uberpop, précise Franceinfo. Ce service, qui a existé de février 2014 à juillet 2015, permettait aux utilisateurs d’être mis en relation avec des véhicules dont les conducteurs étaient de simples particuliers, non titulaires d’une licence de taxi ou de VTC.
La députée LFI Danielle Simonnet rapporteure du rapport dénonce une « grande opération de manipulation » et la complaisance d’Emmanuel Macron. « C’est au mépris de toute légalité, et grâce à un lobbying agressif auprès des décideurs publics, que l’entreprise américaine est parvenue à concurrencer de manière déloyale » les taxis, estime encore le rapport dans son introduction.
Parmi les membres de la commission d’enquête, douze députés ont validé le rapport final – tous ceux issus de la Nupes, du groupe Liot ou du RN – mais les dix députés Renaissance et leurs alliés, ainsi que l’unique élu LR, se sont abstenus.
Uber en lien avec le président Macron
La commission d’enquête, lancée il y a six mois, a auditionné 120 personnes dont deux anciens Premiers ministres, Bernard Cazeneuve et Manuel Valls, ainsi que d’anciens dirigeants d’Uber pour tenter de cerner les agissements d’Uber en France entre 2014 et 2017.
Les deux chefs de gouvernement avaient assuré lors de leurs auditions avoir été fermes face au « cynisme total » de la firme, sans convaincre les députés qui estiment que les autorités françaises ont « échoué à faire respecter la loi », poursuit Le Monde.
L’affaire a été déclenchée par la révélation des Uber Files, soit la fuite de 124 000 documents internes recueillis par Mark McGann, ancien lobbyiste pour le compte d’Uber, et communiqués au journal britannique The Guardian.
Selon des éléments mentionnés dans le document par la rapporteure Danielle Simonnet, Uber a eu également « 34 échanges avec les services du Président de la République entre 2018 et 2022 ».
Des dissensions au sein de la commission
Pour elle, la connivence entre Uber et la France se voit encore aujourd’hui à Bruxelles où Paris a plaidé pour la « présomption d’indépendance » des chauffeurs Uber alors que le Parlement européen veut entériner la « présomption de salariat ».
Les conclusions du rapport ont été sévèrement critiquées par le président de la commission d’enquête, Benjamin Haddad (Renaissance), qui a reproché à Danielle Simonnet de politiser l’affaire.
« Il n’y a eu ni compromission, ni “deal” secret, ni conflit d’intérêts, ni contreparties, contrairement à ce que tente de démontrer vainement notre rapporteure », a-t-il écrit dans son avant-propos, témoignant des fortes dissensions entre les membres de la commission d’enquête.
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Source: Le HuffPost