Russie : la fuite des cerveaux déstabilise l'activité économique

July 18, 2023
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Par Marine BOURRIER

Publié le 18 juil. 2023 à 10:48 Mis à jour le 18 juil. 2023 à 11:27

La Russie n'avait pas connu une telle vague d'émigration depuis la révolution bolchevique de 1917. Une récente note de l'Institut français des relations internationales (Ifri), rédigée par le chercheur russe Vladislav Inozemstev, qualifie ce mouvement massif de population déclenché par l'invasion de l'Ukraine en février 2022 d' « exode du siècle ».

Une partie de la classe moyenne éduquée, opposée au régime de Vladimir Poutine, a fui la Russie en deux temps : dès les premières semaines qui ont suivi l'agression de l'Ukraine puis, en septembre 2022, après l'appel à la « mobilisation partielle » du Kremlin.

Jeunes, aisés et instruits

Il n'est pas aisé de mesurer le phénomène, tant les chiffres officiels sont rares et partiaux. Les dernières statistiques officielles reconnaissent que plusieurs centaines de milliers de personnes auraient pris la route depuis le début de la guerre. D'après Vladislav Inozemstev, ils seraient en réalité un million. Un profil de ces émigrés se dessine.

La note de l'Ifri indique que cette « émigration en temps de guerre concerne principalement des personnes qui n'avaient jamais envisagé de quitter la Russie auparavant ». Ces hommes (en grande majorité), jeunes, aisés et très instruits, font partie d'une classe moyenne supérieure mondialisée. « Ils possèdent une certaine expérience des voyages à l'étranger, parlent des langues étrangères et comprennent bien la culture numérique mondiale contemporaine », précise la note.

Fuite des cerveaux

Ce déplacement de population n'est pas sans conséquences pour l'économie russe. En 2022, c'est plus d'un pourcent de la main-d'oeuvre russe qui a émigré, occasionnant de nombreuses difficultés sur le marché du travail. Si nombre de secteurs ont été pris par surprise par cet exode, c'est celui des technologies de l'information qui a le plus pâti de la fuite des cerveaux. « À la fin de l'année 2022, un informaticien sur six employés par des entreprises russes travaillait depuis un pays étranger », détaille la note.

L'exode du siècle s'est également accompagné d'une fuite massive de capitaux, évaluée à près de 4.000 milliards de roubles (40 milliards d'euros). Au cours des dernières années, la classe moyenne supérieure russe - aujourd'hui amputée par l'émigration post-guerre - avait « maintenu en vie la demande de logements, de produits de luxe ainsi que des services de restauration et d'hôtellerie », souligne la note. Ces secteurs peinent aujourd'hui à se réadapter après le départ de leurs clients.

Natalité au plus bas

Parallèlement, une autre menace pèse sur l'économie russe : le déclin démographique. La guerre, l'incertitude qu'elle génère et l'émigration se répercutent notamment sur le taux de fécondité, qui est tombé à son niveau le plus bas depuis 1993.

Pour autant, la note de l'Ifri relativise les effets de l'émigration sur l'économie russe. « L'exode actuel ne crée pour l'économie russe que des risques structurels et non systémiques », peut-on lire. « Et l'économie russe résistera probablement aux effets de l'émigration récente, avant tout parce que le gouvernement a délibérément choisi la voie de la démodernisation, et que la plupart de ceux qui sont partis à l'étranger ne sont pas indispensables pour l'économie autarcique et dirigiste que le président Poutine est en train de mettre en place. »

Source: Les Échos