Rennes : " J’étais choquée et j’ai filmé "… L’auteure de la vidéo du meurtre à la machette condamnée à du sursis

July 19, 2023
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La scène d’horreur d’une dizaine de secondes avait été diffusée sur Twitter et visionnée des milliers de fois avant d’être retirée de la plateforme après plusieurs heures. Le 29 mai, un peu après 23 heures, un homme de 26 ans était décédé après avoir été frappé de plusieurs coups de machette sur le parvis de la station de métro Henri-Fréville à Rennes. Alors qu’il avait tenté de se réfugier dans la station, la victime d’origine sénégalaise avait été filmée au moment où elle s’écroulait, ensanglantée, dans les escaliers. « Que penser d’une mère visionnant ainsi l’agonie de son enfant ? Juste l’effroi », avait alors réagi Philippe Astruc, procureur de la République de Rennes.

Arrêtée le 5 juin, l’auteure de la vidéo était jugée ce mercredi après-midi en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel de Rennes pour la diffusion de l’enregistrement de ces images violentes et non assistance à personne en danger. Âgée de 18 ans, cette étudiante rentrait ce soir-là chez elle en métro. « J’ai vu beaucoup de sang par terre, ça m’a choqué et j’ai filmé », raconte-t-elle calmement à la barre avant de poursuivre : « L’homme se tenait à la rambarde. Il est tombé à côté de moi et ça m’a fait trop peur. J’ai oublié que je filmais car j’étais choqué. Après j’ai remonté les escaliers pour appeler des gens et j’ai fait des gestes car je n’arrivais pas à parler. J’étais vraiment paniqué. »

Elle voulait « montrer ce qui s’était passé car c’était choquant »

Seulement une minute plus tard, elle avait envoyé la vidéo à sa mère et à son petit copain. Ce dernier l’avait ensuite transmise à sa sœur qui l’avait diffusée sur les réseaux sociaux. Refusant de regarder la vidéo projetée à l’audience, l’accusée peine à expliquer son geste. Dans quel but d’ailleurs a-t-elle filmé, lui demande la présidente. « Pour montrer ce qui s’était passé car c’était choquant », répond-elle. Et pourquoi a-t-elle sorti son smartphone plutôt que de porter secours à la victime, relance la présidente. « Je n’ai pas pensé sur le moment et c’était impossible pour moi de lui porter secours, indique la jeune femme. Je ne voulais pas prendre le risque de l’approcher car j’avais peur de ce qui s’était passé. Je n’ai pas réfléchi et je ne savais pas quoi faire. »

Une version des faits démontée par la procureure qui a fustigé « le manque d’humanité » de l’accusée. « Elle dit avoir filmé par réflexe mais elle n’a pas le réflexe de porter secours, assène-t-elle. On ne peut pas être en état de choc et dire qu’on ne peut pas appeler les secours alors qu’on envoie une vidéo. » Selon la procureure, le fait d’avoir filmé la scène d’agonie et de ne pas avoir appelé directement les secours a entraîné « une perte de chance de survie supplémentaire » pour la victime.

Un frère et sa sœur qui avaient diffusé la vidéo aussi condamnés

« S’il n’y avait pas eu cette vidéo, jamais on se serait dit qu’elle n’avait pas porté secours, rétorque Maître Maxime Tessier, avocat de la jeune femme. Et face à une telle situation, tout le monde aurait agi différemment. » Il refuse aussi que sa cliente soit « le bouc émissaire d’un phénomène de société et du rapport que l’on a avec les réseaux sociaux et à la vidéo », évoquant « un réflexe très humain » à filmer même des scènes d’horreur. « Ce sont des réflexes humainement inconcevables », estime Maître Tatiane Abachkina, avocate des parties civiles, évoquant la douleur d’une mère dont le fils a été filmé « comme une bête de cirque sans qu’on lui porte secours ».

A l’issue de l’audience, la jeune femme a été condamnée à quinze mois de prison avec sursis et à un stade de citoyenneté. Également jugés ce mercredi après-midi, le frère et sa sœur ont quant à eux écopé d’une peine de six mois de prison avec sursis. Ils devront également effectuer un stage de citoyenneté dans un délai de six mois.

Source: 20 Minutes