Emeutes à Marseille : Passage à tabac, détention et cagnotte… Le point sur la mise en examen de quatre policiers

July 21, 2023
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Quatre policiers soupçonnés d’avoir violemment frappé un jeune homme à Marseille en marge des émeutes qui avaient suivi la mort de Nahel, à Nanterre, ont été mis en examen, a annoncé le parquet qui a requis leur placement en détention provisoire. L’un d’eux a été placé en détention provisoire. 20 Minutes revient sur ces mises en examen et sur les faits de violences survenues dans la nuit du 1er au 2 juillet dernier.

Que s’est-il passé ce vendredi à Marseille ?

Ce vendredi, à l’issue de la garde à vue de huit policiers, quatre policiers ont été mis en examen pour « violences en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique avec usage ou menace d’une arme ayant entraîné une ITT (incapacité totale de travail) supérieure à 8 jours ». L’un d’entre eux a été placé en détention.

Pourquoi ces policiers ont-ils été mis en examen ?

A la suite de la mort du jeune Nahel, 17 ans, tué par un policier le mardi 27 juin après un refus d’obtempérer lors d’un contrôle rouler à Nanterre (Hauts-de-Seine), des émeutes ont éclaté dans plusieurs villes de France parmi lesquelles Paris, Lille, Lyon, Toulouse, Strasbourg et notamment Marseille.

Après que des groupes de jeunes ont semé le chaos la veille, la nuit du 1er au 2 juillet a été le théâtre de nouvelles scènes d’émeutes et les forces de l’ordre procèdent cette nuit-là à 95 interpellations dans la cité phocéenne. De violents affrontements éclatent entre émeutiers et policiers. Des projectiles fusent, des poubelles sont incendiées et de nombreux commerçants voient la vitrine de leur magasin brisée et font face à de conséquents pillages. Pour tenter de disperser la foule, les forces de l’ordre font usage de gaz lacrymogène. Mais face à une tension qui ne cesse de croître, le Raid intervient en faisant l’usage de LBD et tire sur les bandes de jeunes.

Cette nuit-là, Hedi, un jeune homme de 21 ans, est blessé. Sur son lit d’hôpital, quelques jours après les faits, il expliquera avoir été passé à tabac par un groupe de quatre à cinq personnes qu’il avait identifiées comme des policiers de la brigade anticriminalité, après avoir reçu un tir de LBD dans la tempe. Ces violences ont entraîné une ITT (incapacité totale de travail) supérieure à huit jours. Le 5 juillet, le parquet décidera d’ouvrir une enquête du chef de « violences en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique ».

Comment se porte Hedi ?

« Il a été tiré comme un lapin puis roué de coups », a dénoncé ce vendredi son avocat, Me Jacques-Antoine Preziosi, précisant que le certificat médical initial du jeune homme faisait état de 60 jours d’ITT. Immédiatement opéré en neuro-chirurgie et désormais porteur d’un casque, après qu’une partie de l’os crânien lui a été enlevée, Hedi a pu rentrer chez lui jeudi après avoir été de nouveau opéré, d’une fracture de la mâchoire. Toujours selon Me Preziosi, Hedi, qui travaille dans la restauration à Meyrargues, à une quarantaine de kilomètres de Marseille, pourrait aussi avoir perdu son œil gauche.

Existe-t-il une autre enquête sur des violences policières survenues à Marseille ?

Oui. Une autre enquête porte sur la mort d’un jeune homme de 27 ans, probablement après un « choc violent au niveau du thorax » causé par un projectile de « type Flash-Ball » dans le centre-ville de la cité phocéenne, au cours de la même nuit. Mohamed Bendriss, marié, père d’un enfant et dont la veuve attend un deuxième enfant, avait perdu la vie après avoir fait un malaise alors qu’il circulait à scooter. C’est lors de son autopsie qu’avait été repérée sur sa poitrine la trace de ce qui pourrait être l’impact d’un tir de LBD.

Où en sont les autres enquêtes pour violences policières à la suite des émeutes ?

Selon Agnès Thibault-Lecuivre, cheffe de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), à ce jour, l’IGPN s’est saisie d’au moins 21 enquêtes « de nature et de gravité très différente » sur les agissements des forces de l’ordre lors des manifestations et violences ayant suivi la mort de Nahel. Parmi ces enquêtes pour « violences volontaires », une a été ouverte après la plainte d’une enseignante de 51 ans, accusant deux policiers de l’avoir violentée à Villetaneuse (Seine-Saint-Denis) le 30 juin. Poussée au sol puis menottée alors qu’elle s’était arrêtée sur une place où brûlait un camion, elle a été opérée de fractures du tibia et du péroné, selon sa plainte.

Une autre concerne la plainte d’un ancien militaire de 24 ans, accusant un policier de l’avoir éborgné avec un tir de LBD le soir du 30 juin à Nanterre après la marche blanche en hommage à Nahel. Enfin, dans le cas de l’homicide de Nanterre, le policier qui a tué Nahel le 27 juin a également été placé en détention provisoire. Plusieurs enquêtes judiciaires sont également en cours.

Quelles sont les réactions à la mise en examen des quatre policiers ?

La mise en examen des quatre policiers marseillais a suscité l’ire des syndicats Alliance et Unsa Police : « Les policiers, à l’instar de toute personne, ont non seulement le droit à la présomption d’innocence mais ont aussi le droit au même régime justiciable qu’autrui. La détention provisoire est une mesure d’exception qui s’applique autant aux citoyens qu’aux policiers. »

« Chaque fois qu’ils doivent rendre compte à la justice, les policiers sont renvoyés à leur responsabilité individuelle, sans jamais remettre en cause leur administration », a de son côté déploré le syndicat Unité SGP Police, appelant tous les policiers de France à n’assurer que les missions essentielles de leurs fonctions. « S’ils ont fauté, ils seront sanctionnés. Mais la détention provisoire, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase », a ajouté Rudy Manna, du syndicat Alliance, évoquant « plusieurs dizaines » de policiers marseillais « en arrêt maladie ou en burn-out ». Selon lui, jusqu’à 250 policiers se sont rassemblés jeudi devant le palais de justice de Marseille. Et des applaudissements ont salué le passage du policier incarcéré, emmené en voiture. « C’était une haie de soutien moral, pas une haie d’honneur », a souligné le syndicaliste.

A Marseille, une cagnotte a été ouverte pour aider les familles des quatre policiers mis en examen, à l’initiative de la BAC Sud. En fin de matinée, ce vendredi, elle comptait plus de 12.000 euros.

Source: 20 Minutes