Remaniement ministériel : " Tout est foireux ", retour sur un cafouillage au plus haut sommet de l’État

July 21, 2023
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YOAN VALAT / AFP YOAN VALAT / AFP

POLITIQUE - Rarement remaniement n’aura été aussi rocambolesque. Annoncé depuis des semaines, au point que même la Première ministre Élisabeth Borne était en sursis, c’est finalement par un simple « off » à la presse de l’entourage d’Emmanuel Macron qu’elle est « maintenue » à son poste lundi 17 juillet.

Une façon de faire jugée « méprisante » par plusieurs collaborateurs ministériels elle qui aurait voulu, selon plusieurs médias, être démissionnée pour être renommée, comme l’usage le permet, ce qui lui aurait permis d’être relégitimée. « Il y a un alignement total entre le Président de la République et la Première ministre », évacue Matignon auprès du HuffPost ce vendredi 21 juillet, au terme d’une semaine douloureuse pour les gouvernements Borne 2 - remplacé - et 3, désormais au complet, qui s’achève par des mots du président captés au début du conseil des ministres à l’égard de sa Première ministre ce vendredi 21 juillet : « un choix fort, pas simplement symbolique » à qui il « réaffirme avec clarté » sa confiance.

De quoi faire oublier leurs désaccords relayés dans la presse toute la semaine ? Selon ces « rumeurs » pour une conseillère de l’exécutif qui les bat en brèche, un bras de fer s’est engagé entre Emmanuel Macron et sa Première ministre, notamment sur l’ampleur du changement d’équipe ou sur certains ministres. La première ministre, elle, ne s’est pas exprimée à part ce vendredi matin en conseil des ministres, avant d’être brusquement interrompue par le flux de l’Élysée et les chaînes d’informations en continu après la prise de parole présidentielle. Tout un symbole.

Du « dîner de cons » au report du Conseil des ministres

Car les « discussions » entre Borne et Macron, avec pas moins de trois rendez-vous en tête à tête entre dimanche et mardi, ont ralenti les débats d’un changement d’équipe évoqué depuis plusieurs semaines. Mardi soir encore, un dîner en grande pompe à l’Élysée - surnommé « le dîner de cons » - avec l’équipe gouvernementale sortante et les conjoints de ministres, est précédé d’une rencontre entre le Président de la République et sa Première ministre à huis clos qui alimente toutes les suspicions et tensions. Résultat : rien n’est scellé et le conseil des ministres du mercredi est repoussé au jeudi.

Mercredi, les tractations se poursuivent. Certains noms sont quasiment confirmés comme le député Horizons à la Santé, Frédéric Valletoux, avant que François Bayrou ne s’y oppose pour préserver les équilibres avec le MoDem, toujours selon des informations de presse. « C’est totalement faux ! J’ai assez à m’occuper des miens, je ne m’occupe pas des autres. J’ai essayé de défendre François Braun que je trouve très estimable, mais pas contre Valletoux. C’est une fake news et je lui ai écrit pour le lui dire », a répondu François Bayrou au HuffPost à l’heure du déjeuner ce vendredi 21 juillet.

« C’était atroce, c’était sans fin… »

Arrive le jeudi, toujours pas de gouvernement et un nouveau report du Conseil des ministres au lendemain, vendredi. Dès potron-minet, c’est BFMTV qui tout au long de la journée va égrainer et sortir les noms et fonctions des nouveaux ministres et des sortants. Le communiqué de l’Élysée se fait attendre, attendu d’abord « à la mi-journée », puis « en milieu d’après-midi », rien n’arrive.

« C’était atroce, c’était sans fin », soupire la conseillère d’une ministre débarquée, encore échaudée par « les deux dîners de cons », car mercredi soir aussi un pot était organisé au ministère des Relations avec le Parlement, en présence d’Emmanuel Macron et d’Élisabeth Borne, séché par Pap Ndiaye qui se savait sur le départ. Un supplice pour ceux qui se savent bientôt dehors.

« Quand on part du mauvais pied, on part du mauvais pied. Tout est foireux dans cette séquence », s’agaçait un conseiller ministériel de premier plan jeudi soir alors que le gouvernement fuitait toujours en direct sur BFMTV sans qu’aucune communication élyséenne ou gouvernementale n’arrive. « Un remaniement, ça a toujours pris du temps mais ça se prépare, surtout à l’heure des chaînes d’info en continu ! », s’époumonait le même, exaspéré par la stratégie hésitante de l’exécutif. « L’incompétence, peut-être ? », répond simplement un autre stratège de la Macronie à la question « Que se passe-t-il ? ».

« Ce qui n’est pas respectueux, c’est d’apprendre sa sortie sur BFMTV »

Arrivent alors deux épisodes jeudi jugés « surréalistes » par plusieurs de nos interlocuteurs. Marlène Schiappa qui confirme en direct sur BFMTV sa sortie du gouvernement, avant même l’annonce officielle et Aurélien Rousseau, ancien directeur de cabinet d’Élisabeth Borne qui confirme au Monde son arrivée à la Santé. « Typique de cette nouvelle génération qui n’a aucun sens de l’État», réagit le conseiller ministériel expérimenté à propos de la première, « connard de socialiste », à l’égard du second.

Il s’excuse à moitié, mais son emportement en dit long sur le niveau de tensions dans lequel sont plongées les équipes, sortantes ou maintenues. « Le respect est mort. Cette séquence est catastrophique, un naufrage. C’était la téléréalité du remaniement : ’il n’en restera qu’un’... », soupire la conseillère d’une sortante. « Ce qui n’est pas respectueux, c’est d’apprendre sa sortie sur BFMTV », abonde le conseiller d’un ministre démissionné. Ambiance.

C’est finalement à 19h30 passé, comme un mauvais accouchement, que le mail de l’Élysée part à destination des journalistes. Sept sortants, huit entrants, peu de nouveauté à part la promotion de Gabriel Attal à l’Éducation nationale et l’arrivée de députés méritants, notamment sur la réforme des retraites, comme Aurore Bergé, Prisca Thevenot ou Philippe Vigier. « Le ministère de la Ville et du Logement scindé en deux aussi », ajoute un conseiller ministériel toujours en place qui relativise : « Ça se passe toujours sur BFMTV, mais c’est vrai que ça a été particulièrement tardif ».

Parmi les pépites de ce drôle de remaniement : un ex-futur ministre du Budget, l’actuel rapporteur général du Budget à l’Assemblée nationale et député du Gers Jean-René Cazeneuve finalement laissé de côté car sa suppléante n’a pas voulu siéger à l’Assemblée nationale. « On a passé des heures à la convaincre et ensuite il a fallu vérifier le profil de Thomas Cazenave qui a récupéré le poste », explique un acteur de premier plan de ce puzzle géant. « Le pire, c’est que tout ça n’a même pas de sens politique et qu’ils sont tous en CDD », conclut une conseillère qui a fait ses cartons. Lunaire.

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Source: Le HuffPost