Une nouvelle guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan ? Le Premier ministre arménien juge ce scénario " très probable "

July 21, 2023
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Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a estimé ce vendredi dans une interview accordée à l’AFP qu’une nouvelle guerre entre son pays et l’Azerbaïdjan est « très probable ». De plus, le Premier ministre accuse Bakou de mener un « génocide » des Arméniens dans l’enclave du Nagorny Karabakh.

Les deux pays se sont déjà livrés deux guerres pour le contrôle de ce territoire montagneux et les tentatives de normalisation des relations, menées sous la médiation de l’Union européenne, des Etats-Unis et de la Russie, ne donnent pas de résultats.

« Un génocide qui est en cours »

Les tensions se sont aggravées début juillet lorsque l’Azerbaïdjan a fermé pour divers prétextes la circulation sur le corridor de Latchine, la seule route reliant le Nagorny-Karabakh à l’Arménie. Ce blocus azerbaïdjanais a créé une grave crise humanitaire au sein de l’enclave, majoritairement peuplée d’Arméniens, avec des pénuries de nourriture et de médicaments et des coupures fréquentes de courant.

« Il ne s’agit pas d’un génocide en préparation, mais d’un génocide qui est en cours », a affirmé Nikol Pachinian, accusant l’armée azerbaïdjanaise d’avoir créé un « ghetto » au Nagorny-Karabakh. Les habitants de ce territoire interrogés par l’AFP la semaine dernière ont décrit des étals vides dans les magasins et un dangereux manque d’accès aux soins.

La dernière guerre entre les deux pays, en 2020, s’était soldée par une défaite de l’Arménie, qui avait dû céder des territoires à l’Azerbaïdjan dans et autour du Nagorny-Karabakh. Le processus de paix est depuis au point mort. « Tant qu’un traité de paix n’aura pas été signé et qu’un tel traité n’aura pas été ratifié par les parlements des deux pays, bien sûr, une (nouvelle) guerre (avec l’Azerbaïdjan) est très probable », a mis en garde Nikol Pachinian. La Russie, qui dispose d’un contingent de soldats de la paix sur place, peine à contenir la crise. Moscou a été accusé d’inaction par l’Arménie et de manquer à ses obligations par l’Azerbaïdjan.

Une situation bloquée

Le dernier cycle de négociations de paix, qui s’est tenu le 15 juillet à Bruxelles, n’ayant pas abouti à une percée, Nikol Pachinian a estimé vendredi que l’Occident et la Russie devaient exercer une pression accrue sur Bakou afin de lever le blocus. « Selon la logique de certains cercles occidentaux, la Russie ne répond pas à toutes nos attentes parce qu’elle ne remplit pas ses obligations, mais la Russie nous dit la même chose à propos de l’Occident », a-t-il expliqué. Selon Nikol Pachinian, les négociations entre les deux rivaux sont entravées par « la rhétorique agressive et le discours de haine de l’Azerbaïdjan à l’égard des Arméniens ». Il a accusé Bakou de mener une « politique de nettoyage ethnique ».

Sur le terrain, malgré l’instauration d’un cessez-le-feu en 2020, les échauffourées armées meurtrières restent régulières tant au Nagorny-Karabakh qu’à la frontière entre les deux pays. Erevan accuse même Bakou de grignoter progressivement du territoire arménien. Nikol Pachinian a ainsi indiqué que les « lignes rouges » de son pays pour les pourparlers avec l’Azerbaïdjan sont « l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Arménie, ainsi que les droits et la sécurité des Arméniens du Nagorny-Karabakh ».

6.500 morts lors du dernier conflit

Cette enclave avait déjà fait l’objet d’une guerre à la chute de l’URSS dans les années 1990, qui a coûté la vie à 30.000 personnes. Le conflit plus récent, en 2020, a fait 6.500 morts dans les deux camps. Majoritairement peuplé d’Arméniens et soutenu par Erevan, le Nagorny-Karabakh est considéré par la communauté internationale comme faisant partie du territoire souverain de l’Azerbaïdjan. « Le cas de l’Arménie est difficile, car l’intérêt de l’Arménie pour ce processus (de défense des habitants du Karabakh) est perçu et interprété par l’Azerbaïdjan comme un soi-disant empiètement sur son intégrité territoriale », a déclaré Nikol Pachinian.

Lors des précédents cycles de négociations sous médiation occidentale, Erevan a accepté de reconnaître le Nagorny-Karabakh comme faisant partie de l’Azerbaïdjan, mais a exigé des mécanismes internationaux pour protéger les droits et la sécurité de la population d’origine arménienne de la région. Bakou insiste sur le fait que ces garanties doivent être fournies au niveau national et rejette tout format international. Nikol Pachinian a lui insisté vendredi sur la nécessité d’un dialogue entre l’Azerbaïdjan et les autorités du Karabakh, « dans le contexte de mécanismes internationaux où nous avons un témoin ». « Le témoin présent sera la communauté internationale », a-t-il dit.

Source: 20 Minutes