INSOLITE - en 1929, Paul Grasset construisait déjà une usine houlomotrice sous le phare de Biarritz

July 23, 2023
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Il s’appelle Paul Grasset. Il était un ingénieur en hydraulique au début du vingtième siècle. Un chercheur, un inventeur qui, parmi les tous premiers, a eu l’idée d’utiliser la force de la mer pour créer de l'électricité … à bon marché. C’était son ambition. Un siècle plus tard, un projet d’usine houlomotrice est porté par la Région Nouvelle Aquitaine et la Communauté d'Agglomération Pays Basque à sept kilomètres au large.

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Paul Grasset n’était pas natif de Biarritz mais il a cherché l'endroit sur les côtes européennes où il y avait la plus forte houle, et c’est comme ça qu’il est arrivé sur la côte basque. Il décide donc de monter son projet bau pied du phare juste après la première guerre mondiale. Ironie de l’histoire, c’est quasiment à cet endroit que la région Nouvelle Aquitaine et la CAPB ambitionnent de construire une ferme houlomotrice d’ici 2030.

Les plans colorisés de l'usine - Jean-Loup Ménochet

Un projet de bélier-syphon dont les vestiges sont encore visibles

Avant la Première Guerre mondiale, Paul Grasset dépose donc un brevet de « bélier-syphon maritime à chambre barométrique ». Il réussit à décrocher des subventions de la part de l’Etat et commence les travaux au pied du phare de Biarritz. « Son idée, explique Jean-Loup Ménochet, historien, guide-conférencier pour le musée historique de Biarritz, c'était de creuser des canalisations dans la roche, au bord de la falaise. L’eau montait poussée par la houle par un système de chambre à vide d'air, un truc assez complexe en fait. Cette eau aurait alimenté un bassin qui aurait été créé quelques mètres au-dessus, un tout petit peu sous le phare actuel. » A partir de ce bassin, l’eau redescendait via une conduite forcée, comme on en voit dans les Pyrénées. Ca aurait permis de faire tourner une turbine hydroélectrique. "C’était déjà pour l'époque un projet d'avant-garde" s’exclame l’historien.

Bulletin SSLA n°14 - juillet-décembre 1934 - Musée historique de Biarritz

Un projet d’avant-garde mais qui va s’arrêter là, à cause d’abord de la crise économique de 1929. Jean-Loup Ménochet rappelle que "en 1932, la France commence à se rendre compte que l'économie est en berne et coupe les subventions". "Paul Grasset est un dur à cuire, donc il va se battre et en 1936, il obtient finalement de nouveaux capitaux pour son projet. Mais évidemment, trois ans plus tard, en 1939, c'est la Seconde Guerre mondiale." Elle mettra une fin définitive à l’expérience.

La force de la houle biarrote sous-estimée

Concrètement, sur les falaises de Biarritz, n’ont été construits qu’une canalisation et le laboratoire.** La conduite forcée et la turbine n’ont jamais vu le jour. Vu du haut du phare de Biarritz, on devine le laboratoire de forme ovoïde. Nombreux sont ceux qui le confondent avec un bunker allemand. Aujourd’hui, résume Jean-Loup Ménochet, "c'est un vestige complètement à l'abandon, face à l'océan, un bâtiment en béton armé qui tombe en ruine".

Sur cette photo, on voit bien la canalisation creusée à même la roche qui permettait à l'eau d'arriver dans le laboratoire © Radio France - Céline Arnal

Est-ce que le projet était avant-gardiste ? Presque. Selon Jean-Loup Ménochet, "un ingénieur en mécanique s'est penché sur la question. Il trouve que cette histoire de vide, d'air, d'étanchéité était extrêmement complexe à mettre en œuvre… mais avec la technologie actuelle pourquoi pas". En revanche, Paul Grasset avait, a priori, sous-estimé la force de la houle biarrote.

Du sommet du phare de Biarritz, le laboratoire ressemble à un bunker allemand laissé à l'abandon. © Radio France - Delphine-Marion Boulle

Source: France Bleu