Le sang comme élixir de jeunesse, un luxe que s’offre le mystérieux millionnaire Bryan Johnson
Sur le plateau de « Touche pas à mon poste » (TPMP), le 9 mars dernier, une séquence tant inquiétante que mensongère s’est déroulée devant les yeux du million de téléspectateurs quotidiens de l’émission. Cyril Hanouna y recevait ce soir-là Gérard Fauré, un ancien trafiquant de drogue, désormais écrivain. En direct et sans aucun contradictoire, l’homme revient sur une vielle théorie du complot, l’adrénochrome qui serait issu « du sang d’enfants sacrifiés » et utilisé par des stars pour accéder à « la jeunesse éternelle ». Ce serait le cas de la chanteuse Céline Dion, cite par Gérard Fauré. Si l’adrénochrome n’existe pas et provient surtout du roman et film Las Vegas Parano, il existe véritablement un fantasme autour du sang comme élixir de jeunesse. Et la chanteuse canadienne n’en serait pas la seule consommatrice.
Outre-Atlantique, de nombreux richissimes hommes d’affaires ont déjà montré leur intérêt pour la transfusion de sang pour accéder à la jeunesse éternelle. Parmi eux, on retrouve Peter Thiel, surtout connu comme le cofondateur de Paypal. Obsédé par la jeunesse, celui-ci a annoncé dans une interview accordée à Business Insider en mai dernier vouloir être cryogénisé pour être réanimé dans les prochaines décennies. « Je ne m’attends pas nécessairement à ce que cela fonctionne, mais je pense que c’est le genre de chose que nous sommes censés essayer de faire », a-t-il relativisé ensuite. Plus largement, Peter Thiel est au fil des années devenu ce qu’on appelle un « transhumaniste », un mouvement qui s’appuie sur les progrès de la science pour créer un humain aux capacités supérieures.
Chasse au plasma
Le cofondateur ne s’intéresse pas seulement à la cryogénisation, mais aussi à ce qu’on appelle « la parabiose » qui consiste en la transfusion de sang d’individus plus jeune à quelqu’un de plus âgé. D’après une enquête publiée en 2016 par le média Inc., Peter Thiel observe de près une entreprise nommée Ambrosia, installée dans la très chic ville de Monterey, en Californie. Celle-ci organise un protocole intitulé « Transfusion de plasma de jeune donneur et biomarqueurs liés à l’âge » où - comme son nom l’indique - des adultes reçoivent le sang de donneurs âgés de dix ans de moins. Le prix de chaque transfusion ? 8.000 dollars. Au sein de la Silicon Valley, Peter Thiel n’est pas le seul à se payer ce luxe pour espérer vivre un peu plus longtemps. Mais tous se butent à un même problème : le sang reste une ressource limitée. En aucun cas, les organisations officielles accepteraient de se délester de quelques poches de plasma pour des particuliers aux ambitions d’éternité.
Alors d’autres préfèrent relever le défi seul. C’est ici que rentre en scène le héros, ou plutôt l’antihéros de notre histoire, Bryan Johnson. Traits tirés, teint blafard voire jaunâtre, musculature sèche, ce millionnaire américain de 45 ans n’a qu’une obsession : freiner son vieillissement. Le fondateur de plusieurs entreprises comme OS Fund ou Kernel ne s’arrête pas là. Chez lui, tout tourne autour de la performance. Son nouveau projet, nommé « Blueprint » suit un protocole strict dont les résultats sont référencés quotidiennement sur son site Internet. Sur une vingtaine de lignes, Bryan Johnson décrit les résultats de ces deux ans de protocole antiviellissement rythmés quotidiennement par des machines à ultrasons et autres peelings de la peau : « ralentissement du rythme de vieillissement d’un équivalent de 31 ans », ou encore « bombe à retardement identifiée et corrigée (sans chirurgie). »
Végétarisme et transfusion sanguine
Les résultats réels de ces traitements sont difficiles à mesurer et l’intention même du millionnaire est incompréhensible. « Mon esprit - une créature qui raconte des histoires - n’est pas autorisé à faire des courses, à parcourir le garde-manger, à commander spontanément une pizza, à manger un dessert - pour prendre essentiellement toute décision liée à la nourriture. C’est mon moi autonome ». Son alimentation est passée au crible et va bien plus loin que le végétarisme ordinaire. Bryan Johnson se nourrit intégralement de ce qu’il appelle un « nutty pudding », un mélange de baies, d’oléagineux et de protéine en poudre. Quant à sa demeure, il la décrit comme une « maison anti-viellisement ». Rien que ça.
En avril dernier, Bryan Johnson est allé plus loin et a décidé d’accomplir « le premier échange multiple de plasma » entre son fils Talmage, 17 ans, son père Richard, 77 ans et lui. Dans une vidéo publiée le mois suivant, nommée « Est-ce que mon fils me rendra plus jeune », l’homme suivi par 409.000 abonnés filme le voyage familial au centre de transfusion de Dallas, au Texas. « Nerveux mais excités », les trois hommes décrivent toute leur intimité, leurs liens, la séparation des enfants avec leurs parents, leur rapport à la religion et surtout leur santé. Pendant le voyage, Bryan Johnson y observe minutieusement toutes les quantités ingérées par son père et son fils. Puis le jour-J, direction le centre, au bord de la camionnette marquée de l’inscription suivante « L’amour coule du cœur ». Suivent finalement les transfusions du fils vers le père, puis du père au grand-père.
Des souris et des hommes
Pendant sa vidéo, Bryan Johnson mentionne également de vielles études publiées dans la revue Science, en mai 2014. « Le jeune sang renouvelle les vieilles souris », titre l’article qui estime que les transfusions de plasma pouvaient rajeunir le cerveau chez un vieux rongeur. « Les chercheurs ont cousu ensemble les peaux de deux souris, joignant leurs systèmes de circulation, et ont étudié les effets sur divers tissus », explique l’article qui mentionne la réticence d’autres chercheurs réduisant la découverte à « un seul point de départ ». Du côté de Bryan Johnson, aucun résultat n’a réellement prouvé l’efficacité de la technique sur l’homme qui aurait même reçu d’autres injections d’un donneur anonyme, selon Bloomberg.
La technique pourrait même s’avérer dangereuse. Selon la Food and Drug Administration, ces perfusions sont « non prouvées et non guidées par des méthodes issues d’essais adéquats et bien contrôles ». « La simple infusion de plasma n’est pas une intervention bénigne et ne doit pas être utilisée de manière aussi cavalière », a même renchéri le commissaire de la FDA Scott Gottlieb auprès de la CNBC. Malgré l’inefficacité annoncée par la science, les ultrariches continuent de chercher dans le sang la réponse à une future immortalité. Mais à quel prix ? En plus des plusieurs millions de dollars déboursés pour ces tentatives, des hommes comme Bryan Johnson semblent consacrer tout leur quotidien au rajeunissement de leurs corps, en oubliant sans doute de vivre parfois.
Source: 20 Minutes